Par son décret du 5 juin 1997 entré en vigueur le 6 février 1999 (1) la Région wallonne procédait à la refonte complète de la législation relative à l’hébergement des personnes âgées en Wallonie. Une avancée importante de ce décret consistait à élargir la législation, jusque-là centrée sur les maisons de repos, à de nouvelles formes d’hébergement : la résidence-services et le centre d’accueil de jour. Après deux années d’application, il est apparu indispensable d’apporter plusieurs modifications dans le but d’assurer la viabilité du secteur et de garantir une plus grande protection des droits des personnes âgées. En outre, la situation de certaines résidences-services devait être prise en compte.


Le secteur de l’hébergement des maisons de repos est soumis à deux types de législation : une législation normative et administrative relevant de la Région wallonne (2) ; une législation fédérale destinée au financement par l’assurance maladie invalidité, des soins aux personnes âgées en institution. En 1997, l’autorité fédérale et les autorités communautaires et régionales ont conclu un protocole d’accord dans le but de mener une politique cohérente en matière de soins de santé. Dans ce protocole, elles convenaient de la manière dont les moyens de l’assurance maladie pouvaient être utilisés par les Communautés et Régions. Entre autres choses, le protocole de 97 permettait l’ouverture de 25 000 lits MRS (en maisons de repos et de soins) supplémentaires pour l’ensemble du pays répartis comme suit sur la base du nombre de personnes âgées de plus de 80 ans : Flandre – 14 105 ; Wallonie – 7 922 ; Bruxelles – 2 973. Il était assorti d’un « moratoire » fédéral impératif s’ajoutant à la programmation maisons de repos en Région wallonne. Notons que le décret wallon de 97 répartit les lits entre secteurs selon la clé suivante : 50 % maximum des lits agréés au secteur privé commercial ; 21 % au secteur privé non lucratif ; 29 % au secteur public. Selon le moratoire fédéral, le nombre de lits en Région wallonne ne peut dépasser 47 546 unités. Au 1er avril 2003 (tableau 1), le nombre de lits s’élevait à 47 411 ne laissant qu’un solde de 135 lits disponibles. Par ailleurs, le tableau 2 révèle que la répartition de lits entre secteurs n’est plus respectée : le secteur privé commercial dépasse de 3 % son « quota légal » au détriment des secteurs privé non commercial et public. Il est important de garder en mémoire ces deux constats pour juger le nouveau décret. Tout d’abord, le ministre Detienne remarque très justement que le moratoire établi par le protocole d’accord est pratiquement atteint, ce qui a pour effet de fortement réduire les possibilités d’ouvrir ou d’agrandir une maison de repos. Il constate également que les normes de répartition entre secteurs ne sont plus respectées. Il en conclut que cette situation est intenable et entraîne un « malsain commerce de lits » d’autant plus que la taille limite de viabilité financière d’une maison de repos est actuellement proche de soixante lits (3). Ce commerce est surtout le fait du secteur commercial. C’est en effet dans ce secteur que l’on compte le plus grand nombre de petites maisons acculées à « racheter des lits » pour atteindre une taille plus grande, condition nécessaire de leur survie. Celles-ci, déjà fragilisées financièrement par des normes de personnel de plus en plus sévères, un coût de ce même personnel en forte croissance et confrontées à un marché de lits très onéreux compte tenu de la saturation du secteur (un lit de maison de repos se vend entre 5 000 et 10 000 euros), sont au bord de la faillite ; les banques hésitant fortement à leur accorder un financement. Selon le ministre, la disparition de petites maisons à caractère plus familial et de proximité serait regrettable et leur fermeture reporterait la charge des lits sur les deux autres secteurs eux-mêmes en difficulté étant donné les investissements qu’ils doivent consentir pour mettre leurs établissements aux normes de sécurité. Il importait donc de réaménager le secteur de manière à élargir l’offre globale de lits et d’assainir « le marché ». Le décret a retenu deux pistes : • limiter la validité dans le temps des accords de principe. Tout projet d’ouverture d’une maison de repos ou d’extension doit en effet faire l’objet d’une demande d’accord de principe. Certains d’entre eux, accordés par le passé, ne sont toujours pas concrétisés mais « bloquent » des lits. • remettre dans le circuit des lits existants non occupés soit, selon les estimations, 2 013 lits représentant 4,2 % des lits disponibles dont 1 316 pour le secteur commercial, 395 pour le secteur privé non lucratif et 302 pour le secteur public. Le décret prévoit que les lits récupérés dans un secteur restent dans le secteur. Cette disposition peut étonner lorsqu’on sait que la norme de répartition prévue par le décret de 97 et maintenue par le nouveau décret n’est pas respectée (voir plus haut). La récupération de lits était pourtant l’occasion de rétablir l’équilibre entre les secteurs…

Protection des résidents
La qualité de vie dans une maison de repos dépend bien évidemment de multiples facteurs : aménagement architectural, compétence du personnel, activités d’animation, conditions de confort et de restauration, etc. Toutefois, l’attention portée par l’institution au « projet de vie » de chaque résident est la condition indispensable susceptible de répondre au mieux aux attentes personnelles de la personne âgée. Une circulaire dans ce sens a été adressée aux directions des maisons de repos par le ministre, il y a quelques années. Le nouveau décret érige en norme ce projet de vie mais, à la grande surprise, ce qui devait être un projet de vie individuel est devenu, aux cours des discussions parlementaires précédant l’adoption du décret, un projet de vie institutionnel ce qui affaiblit considérablement la portée de la norme. Dans les meilleures maisons, le projet de vie institutionnel se déclinera en projet de vie individuel mais dans d’autres, le projet de vie institutionnel risque fort de n’être qu’une programmation d’animations collectives telles qu’elles existent actuellement ! Le décret rend désormais obligatoire le conseil de résidents. Des arrêtés devront établir ses missions et les conditions de contrôle de ses activités. Diverses dispositions relatives aux relations conventionnelles (acompte, préavis, hausse des prix…) entre le résident et l’institution visent à apporter plus de clarté dans ces relations et de sécurité pour le résident.

Les résidences- services
La résidence-services offre à des personnes âgées désireuses de quitter leur domicile pour des raisons d’inconfort, d’inadaptation du logement ou de sécurité, une formule alternative à l’hébergement en maison de repos leur permettant de mener une vie indépendante tout en bénéficiant, si elles le souhaitent, des services d’une maison de repos. Le décret de 1997 a établi des normes de reconnaissance et de fonctionnement applicables aux résidences-services notamment en matière architecturale et de sécurité. Il s’avère que certaines résidences-services n’ont pas fait l’effort d’adaptation nécessaire. En dépit de cela, le décret permet à ces établissements de continuer à fonctionner pour autant qu’ils introduisent dans un délai déterminé une demande de dérogation ! Au cours des discussions, certains parlementaires ont proposé d’accorder un délai supplémentaire de 10 ans à ces établissements pour se mettre en règle. Après pourtant un premier acquiescement, le ministre a rejeté la proposition !

Le prix en maison de repos
Dans le budget fédéral pour 2003, 160 millions d’euros supplémentaires ont été dégagés pour les soins aux personnes âgées en institution (en 2002, le budget s’élevait à 1 160,79 millions). La majeure partie de ce montant est nécessaire pour faire face à l’accroissement des coûts, de personnel essentiellement. Le ministre Vandenbroucke met 22,9 millions d’euros à la disposition des Régions et Communautés dans le cadre d’un deuxième protocole d’accord. La nouveauté par rapport au premier protocole réside dans la faculté laissée aux Régions d’utiliser ces moyens comme elles l’entendent alors que le protocole 97-02 ne visait que l’accroissement de l’offre de lits MRS. La Région wallonne pourra ainsi choisir d’augmenter l’offre de lits MRS (4) ou MRPA (5) ou encore ouvrir des lits de court séjour. Cette dernière formule d’hébergement est encore à l’état de projet. Elle consiste à garder « libres » quelques lits dans les maisons de repos pour des courts séjours : répondre aux urgences, soulager quelques semaines les familles, etc. Quant à la problématique des prix en maisons de repos, les ministres Vandenbroucke et Picqué (la politique des prix en maisons de repos dépend du ministère des Affaires économiques) semblent vouloir ouvrir – enfin ! – le dossier (6). L’accès aux maisons de repos est de plus en plus difficile : le prix mensuel oscille autour des 1 000 euros. Des suppléments sont souvent demandés. La politique des prix pratiquée par les établissements est peu transparente. Un dossier important à suivre donc !
Gérard Paquet
Secrétaire fédéral de l’UCP


1 Ce décret abrogeait le décret du Conseil de la Communauté française du 10 mai 1984 relatif aux maisons de repos pour personnes âgées. L’arrêté d’exécution date du 3 décembre 1998.
2 Les normes relatives aux maisons de repos et de soins relèvent du niveau fédéral, elles sont fixées par l’arrêté royal du 2 décembre 1982.
3 Aucune maison de repos ne peut être agréée pour moins de 26 lits ou plus de 300 lits.
4 Maison de repos et de soins.
5 Maison de repos pour personnes âgées.
6 Voir sur le site http://www.vangool.fgov.be

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