21.000 F par mois, taux isolé : le montant du minimex en Belgique. Un revenu considéré comme largement insuffisant aux yeux de nombreuses associations d’aide d’urgence, de médiateurs de dettes, de travailleurs sociaux, de CPAS qui s’époumonent en vain depuis des années… Une étude universitaire vient pourtant de se joindre à leur cri d’alarme. Ses conclusions sont on ne peut plus claires : le revenu minimum d’existence ne couvre pas les besoins de base !
Alors que la Belgique renoue avec le bitume, le carburant du mécontentement, lui, reste identique : le prix du gasoil consume de plus en plus le pouvoir d’achat et touche de plein fouet les plus petits revenus, à commencer par les minimexés, une catégorie de la population souvent ignorée (cf. la réforme fiscale en préparation) sauf quand il faut l’activer (cf. plan Printemps)… Le gouvernement s’en tire avec le chèque-mazout, et repousse la question de l’augmentation du minimex à la seconde moitié de la législature. Pourtant, l’urgence est là, confirmée par une étude récente du CEPESS (Centres d’études des formations sociales-chrétiennes) (1) qui relève que le minimex octroyé à plus de 83.000 Belges ne couvre pas leurs besoins de base.
Le calcul du panier
L’étude se fonde sur deux normes. Celle du professeur Van den Bosch du Centre de politique sociale de l’Université d’Anvers (CSB), d’une part. Et celle des médiateurs de dettes francophones, d’autre part. Pour le premier, les limites de revenus utilisées dans les travaux de recherche sur la pauvreté ne sont pas pertinentes. Selon lui, "elles sont utiles pour dresser la carte de l’insécurité de revenus et de la pauvreté, mais elles sont trop abstraites et trop divergentes pour servir de normes de revenus dans des questions de politique sociale concrètes". Résultat : la norme relative européenne relève 6% de "pauvres" en Belgique, la sienne en dénombre 18%.
Pour Karel Van den Bosch, la détermination d’une limite de budget commence avec la constitution d’un panier de biens et de services de première nécessité. Le niveau de vie qu’elle permet est donc tout de suite et très concrètement mis en évidence : un prix est fixé par article ou service, la quantité multipliée par le prix donne un montant par élément du budget et la somme de ces montants forme le budget total. Les budgets initiaux ont été estimés de façon à permettre un niveau de vie défini comme "suffisant".
Cette méthode de calcul de budget établie en Angleterre en 1901, prend en compte les "besoins" supposés de trois types de famille : une femme retraitée vivant seule, une famille monoparentale avec deux enfants et un couple avec deux enfants de 4 et 10 ans.
Il est à noter que les éléments retenus dans la composition du panier de biens ne sont pas toujours exempts de jugements de valeur. Ainsi l’alcool, le tabac et les repas hors de la maison ne sont pas pris en considération. Par contre, on y inclut le téléphone, des vêtements neufs, la télévision couleur avec câble, une revue hebdomadaire et des camps de vacances pour les enfants. Pour les transports, pas de voiture mais une bicyclette et 22 trajets en transports en commun par mois.
Question de… superflu
Du côté des médiateurs de dettes, les normes sont également supérieures aux revenus octroyés aux bénéficiaires du minimex. La question centrale, qui se pose notamment aux médiateurs, est de savoir ce qui apparaît superflu pour les ménages qui disposent de revenus minimums. Pour les uns, les postes d’alimentation, logement, approvisionnement en énergie et habillement constituent le socle de base des droits humains qui permettent de mener une vie conforme à la dignité humaine. Pour les autres, ce minimum s’étend au seuil au-dessous duquel les personnes se sentent exclues de la société. Pour eux, il faut donc prendre en considération l’accès à l’enseignement, les soins de santé, les transports publics, les médias, la culture et la participation sociale.
L’étude du CEPESS traduit la moyenne du CSB et des Médiateurs de dettes pour constater que les personnes seules devraient pouvoir disposer d’un montant mensuel moyen de 26.574 F/mois. Ce qui représente 5.240 F/mois de plus que le revenu disponible d’un ayant droit au minimex (21.334 F). Pour les familles monoparentales avec deux enfants, cet écart grimpe à 7.466 F par mois. Et à 14.959 F pour des conjoints vivants sous le même toit avec deux enfants. La conclusion s’impose : le minimum de moyens d’existence ne permet pas à ses bénéficiaires d’assumer l’ensemble des dépenses de première nécessité. Parmi elles, la charge d’un loyer, particulièrement dans le secteur du logement privé (la Fondation Roi Baudouin mettait déjà ce fait en exergue en 1993, surtout pour ce qui concerne les grandes villes).
Le constat étant posé, reste à dégager les moyens… Le projet de réforme fiscale du gouvernement prévoit de redistribuer 130 milliards en ne prenant nullement en compte la situation des chômeurs et des personnes émargeant au minimex. Le projet de "crédit d’impôt" s’applique en effet uniquement aux personnes exerçant une activité professionnelle. Ne serait-il pas juste que dans ces projets d’affectation des moyens budgétaires, le gouvernement prévoie un équilibre entre le volet fiscal, aujourd’hui très développé et un volet social, aujourd’hui inexistant?
Catherine Morenville
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Pour info :
Au niveau européen, le revenu minimum existe actuellement dans treize États membres. Il est absent en Grèce et encore au stade expérimental, à l’échelon local, en Italie.
Pour en savoir plus : http://europa.eu.int/comm/employment_social/soc-prot/missoc99/french/11/index.htm
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(1) Nombre de minimexés au 1er décembre 1999. Source : "Le revenu minimum d’existence couvre-t-il les besoins de base?", étude du CEPESS, 3 février 2000. |