Du point de vue de la protection sociale, la grande majorité des personnes prostituées se déclarent comme indépendantes. Elles ont alors le statut social des indépendants. Nombre d'entre elles sont certainement, comme d'autres travailleurs, de “fausses indépendantes”. Il leur est conseillé de conserver soigneusement toutes les preuves de leur dépendance à l'égard d'un employeur pour tenter le cas échéant, de se faire reconnaître a posteriori comme salarié (ouverture du droit au chômage).
En assurance maladie-invalidité, les personnes prostituées du régime indépendant bénéficient de tout l'arsenal de ce régime (“gros risques”). Elles peuvent souscrire auprès de leur mutualité à l'assurance libre complémentaire, dite “petits risques”. Elles disposent alors, pour elles-mêmes et pour les personnes à leur charge, d'une couverture complète en soins de santé, incapacité/invalidité, maternité, pension.
Une petite partie des personnes prostituées est déclarée comme travailleuses salariées (serveuses, hôtesses, masseuses...). Elles ont alors le statut des salariés et la protection sociale des salariés. Certains proxénètes trouvent d'ailleurs utile, pour leur propre assurance soins de santé, de se mettre “à charge” d'une prostituée salariée.
Il est probable qu'une bonne part d'entre elles ne sont déclarées que partiellement (faux travail à temps partiel), ce qui signifie que si elles tombent en incapacité/invalidité ou en chômage, elles perçoivent un revenu de remplacement qui est proportionnel à ce qui a été déclaré. Pour chacune des années déclarées, le montant de leur pension est aussi déterminé par ce qui aura été versé à l'ONSS. À partir d'un certain âge, les personnes prostituées sous statut salarié peuvent se retrouver, selon le cas, en invalidité ou en chômage, ce qui permet d'envisager plus facilement leur reconversion.
Une partie des personnes prostituées n'est pas déclarée. Du point de vue social, leur statut ne diffère pas de celui d'autres femmes non actives dont la protection sociale dépend du statut civil. Si elles sont mariées ou séparées, leur protection sociale n'est pas différente de celle des femmes au foyer. Elles bénéficient des droits dérivés. En assurance soins de santé, une cohabitante peut être à charge d'un titulaire vivant sous le même toit. Si elles ne peuvent pas se mettre à charge d'un titulaire, elles ont toujours pu s'affilier à l'assurance soins de santé sous le statut de PNP (personne non encore protégée), devenu aujourd'hui celui de “résident”, en payant une cotisation forfaitaire sur la base de déclaration de revenus. En dessous du montant du minimex, l'affiliation est même gratuite. En tant que PNP, aujourd'hui “résidentes”, elles peuvent avoir des personnes à leur charge et donc ouvrir le droit à l'assurance soins de santé à leurs enfants, par exemple, sans payer de supplément.
Toutes les personnes qui n'arrivent pas à se ranger dans les situations précédentes peuvent toujours, si elles sont démunies, faire appel au CPAS pour obtenir le minimex ou, plus tard, à l'ONP pour obtenir le Revenu garanti aux personnes âgées. En ce qui concerne les prostituées qui sont en séjour illégal en Belgique (clandestines ou sous mandat d'expulsion) et/ou qui pratiquent la prostitution avec seulement un permis de séjour ou en étant demandeuses d'asile, elles bénéficient en tout cas du droit aux soins de santé dans le cadre des obligations des CPAS en matière de “soins urgents”. La définition des “soins urgents” est assez souple. L'application de ce droit dépend donc de l'état d'esprit de chacun des CPAS.
Le problème majeur pour les personnes prostituées comme pour les femmes en général, c'est leur méconnaissance des dispositions sociales existantes, leur négligence par rapport à leurs intérêts à long terme et leur dépendance psychologique vis-à-vis de ceux qui décident pour elles et l'occultation systématique de leurs droits pour les empêcher de sortir du système.