L'accord concerne à la fois les régularisations, les centres fermés et une accélération de la procédure d'asile. Il comporte aussi un volet "trafic des êtres humains" et prévoit l'installation, au sein du Centre pour l'égalité des chances, d'un observatoire des migrations. Ces nouvelles mesures s'ajoutent à celles décidées précédemment par le gouvernement, et, notamment, la suppression de l'aide financière accordée par le CPAS aux demandeurs d'asile et son remplacement par une aide matérielle. Il n'y aura plus désormais que deux instances compétentes pour l'asile : l'Administration fédérale de l'asile pour les demandes (AFA), et la Juridiction administrative de l'asile pour les recours (JAA). Les candidats déboutés pourront introduire un recours en cassation devant le Conseil d'État, mais ce dernier n'est pas suspensif. Ce qui veut dire que l'ordre de quitter le territoire sera exécuté. L'AFA sera dirigée par un administrateur fédéral de l'asile nommé pour un mandat de six ans, et qui sera le délégué du ministre. Il devra élaborer un plan de gestion et appliquer les directives du ministre. À noter que l'Office des étrangers passe à la trappe : l'Administration fédérale de l'immigration (AFI) prendra le relais pour traiter toutes les questions relatives aux étrangers - visas, permis de séjour, … - sauf l'asile.
Comme l'avait prévu le VLD, les demandes d'asile vont devoir s'enregistrer à la frontière. On créera, en tout, une dizaine de centres d'enregistrement dans des communes frontalières situées aux principaux axes d'entrée. Ils seront ouverts 24 heures sur 24. Le candidat réfugié sera ensuite dirigé vers trois centres d'admission, les "bureaux d'asile", avec chacun sa région : Anvers, Liège et Bruxelles. "Exceptionnellement", le demandeur d'asile pourra se rendre directement à un bureau d'asile. Dans les deux cas, il devra impérativement préciser son pays d'origine et s'expliquer sur l'itinéraire qu'il a emprunté pour venir en Belgique. S'il ne le fait pas, sa demande sera considérée comme "non fondée", mais il pourra introduire un recours. Dès lors que la demande est jugée "recevable", les demandeurs d'asile trouveront refuge dans les centres d'accueil (ouverts) en attendant que les autorités se prononcent sur le fond.
"Manifestement non fondée"
Deux types de procédure sont ensuite envisagées: une rapide et une ordinaire, toutes deux traitées par l'AFA. La rapide, qui toucherait, selon les déclarations de M. Verhofstadt, 80% des candidats réfugiés, concerne les demandes "manifestement non fondées" et irrecevables. Dans les cinq jours, le bureau régional d'asile examinera si la demande n'est pas "manifestement non fondée" 1. Le cas échéant, on applique une procédure accélérée : l'intéressé dispose de cinq jours pour introduire un recours auprès de la JAA. Le dossier est alors traité par un seul juge qui doit décider dans les dix jours. La décision finale intervient dans un délai de trois semaines.
Quant aux autres demandes, elles seront traitées selon la procédure "ordinaire", également raccourcie. La décision intervient dans les six mois : trois mois pour l'examen du dossier et la décision de l'AFA, 15 jours pour introduire un recours (un jour seulement si le débouté est en centre fermé; dans ce dernier cas, il dispose de trois jours pour compléter son dossier) et trois mois pour la décision de la JAA. La décision est prise par un seul juge mais le demandeur peut, sur simple requête, demander une chambre à trois juges. Un demandeur d'asile en centre ouvert reste dans ce centre aussi longtemps que les recours n'auront pas été épuisés.
Pas de pays sûrs? Pas si sûr…
Si la liste des pays sûrs n'apparaît pas en tant que telle dans la nouvelle procédure, le gouvernement s'est toutefois ménagé une possibilité qui y ressemble très fort. Ainsi, en cas d'afflux massif et "suspect" de certaines nationalités, l'AFA pourra adopter, sur instruction du ministre de l'Intérieur, une procédure accélérée pour ces ressortissants. Un arrêté royal imposera, dans ces cas, l'application stricte de la convention de Dublin (cf. encadré page 5). Ce qui nécessite de connaître l'itinéraire précis suivi par ces personnes qui risquent alors d'être renvoyées vers la France, l'Allemagne, l'Italie… Ces dernières devront faire la preuve que leur demande d'asile n'est pas "manifestement non fondée". Elles auront cependant accès aux procédures de recours.
Il reste maintenant à adopter le projet de loi. Celui-ci a été envoyé en novembre au Conseil d'État. Son avis est attendu pour ce mois de décembre. Le texte sera ensuite transmis au Parlement : le Premier ministre espère un vote au début de l'année prochaine.
Catherine Morenville
1. Dix-huit critères définissent la demande "manifestement non fondée" : la demande frauduleuse ou étrangère à l'asile; la demande "qui provient d'un ressortissant d'un pays dont il est connu qu'il n'y a pas de persécution, et ne contient pas de faits concrets et vérifiables qui démontrent le contraire"; si le demandeur n'est pas disponible pour l'enquête, etc.
Parmi les autres changements...
– Les centres fermés
Ils ne disparaissent malheureusement pas mais les mineurs non accompagnés n'y seront plus détenus. Ils seront hébergés dans un centre fédéral semi-ouvert (selon Onkelinx),mais sécurisé, selon Verhofstadt. Les demandeurs d'asile arrivant via Bruxelles-National continueront donc à être détenus dans les centres fermés, tout comme les illégaux et… les familles ! Les conditions d'accueil seront toutefois améliorées et le régime des sanctions vexatoires (!) aboli.
– Naturalisations
Le ministre de la Justice a publié au Moniteur les arrêtés qui vont permettre de mettre en œuvre le nouveau mode d'acquisition de la nationalité… L'accord date du mois de mars !
– Régularisations
L'opération de régularisation des sans-papiers va enfin recevoir un coup d'accélérateur : les 32.000 dossiers doivent être impérativement bouclés pour le 1er juillet 2001. Pour atteindre cet objectif, Antoine Duquesne a établi un "plan de gestion chiffré" qui a été accepté par la nouvelle équipe à la tête de la commission. Huit magistrats suppléants supplémentaires ont également été mis à disposition des huit chambres de la commission de régularisation.
Faut-il rappeler que si la loi de régularisation était, sur le papier, un modèle du genre, son application a été minée – pour ne pas dire sabotée ? La faute aux chambres qui ont traîné ? Pas du tout. La faute est à rechercher clairement du côté de l'administration de la commission de régularisation (le secrétariat). Le cabinet du ministre Duquesne est également responsable de ces retards. En effet, alors que le ministre avait affirmé, lors du vote de la loi instituant la procédure de régularisation, qu'il suivrait l'avis des chambres sur les dossiers qui lui seraient transmis, nombreux sont les dossiers qui attendaient toujours en novembre une simple signature sur son bureau, après avoir pourtant reçu un avis favorable. Il en est même un certain nombre qui ont été renvoyés aux chambres pour réexamen. De plus, alors que les chambres avaient établi une certaine jurisprudence qui aurait permis au secrétariat de la commission de traiter rapidement les cas similaires, le ministre, foulant au pied tout principe démocratique, a renvoyé sa copie aux chambres, prétextant que cette jurisprudence n'est pas conforme à celle établie par la Commission permanente des recours aux réfugiés. Un argument qui ne tient pas debout juridiquement 1. Et la liste des multiples retards accumulés dans la procédure est encore longue… En attendant, ce sont des milliers de sans-papiers qui se retrouvent dindons d'une farce, qui, si elle n'était pas si tragique, en ferait glousser plus d'un !
C.M.
1. Lire à ce propos le communiqué de presse de la Ligue de droits de l'homme datant du 13/10/00. Site : http ://www.liguedh.org