CHRONIQUE
L’ agitation – parfois violente – de ces dernières semaines autour du dossier EVRAS confirme, par l’absurde, la nécessité d’intensifier drastiquement le nombre d’heures d’éducation dédiées à la vie relationnelle, affective et sexuelle. Quatre heures sur l’ensemble du cursus ne suffiront pas. Il est indispensable de développer l’EVRAS de façon approfondie, complémentaire (avec les familles, les associations et l’école) et transversale à l’ensemble du cursus des jeunes, et moins jeunes.
Les mobilisations visibles ou plus silencieuses de ces dernières semaines contre l’homogénéisation et la généralisation de l’EVRAS nous démontrent que ce ne sont pas seulement quelques groupuscules extrémistes, fondamentalistes ou sectaires, mais bien l’ensemble de la société qui est encore en proie à l’héritage culturel et social du patriarcat, porteur d’une grande pauvreté d’approche des relations entre les personnes, mais aussi des relations aux corps, à l’intimité et à la sexualité, générateur d’un malaise sociétal large, profond et persistant.
Aujourd’hui, 12% des jeunes du secondaire n’ont pas utilisé de contraception lors de leur première expérience sexuelle, et 10 % des jeunes du secondaire ne se sont pas protégé·es la dernière fois qu’ils ont eu une relation sexuelle. Plus d’un adolescent sur cinq pense que les femmes aiment être forcées pendant l’acte sexuel, et 20 % des hommes de 15-25 ans pensent qu’ils ne peuvent être accusés de viol au sein d’un couple s’ils ont imposé une relation sexuelle. La moitié des jeunes LGBTQIA+ ont déjà été victimes de harcèlement et de violence à l’école en raison de leur orientation sexuelle, et 40 % en raison de leur identité de genre1.
Ce ne sont pas quatre heures éparses qui seraient en mesure de palier ces difficultés et carences, mais bien un large programme beaucoup plus ambitieux qui permettrait de s’acculturer en profondeur à ces thèmes qui semblent encore tellement tabous aujourd’hui et qu’il ne faudrait pas laisser/cantonner à la seule sphère des familles/à la seule responsabilité éducative parentale.
Ces chiffres démontrent la nécessité d’accorder des espaces dans l’enseignement et dans les politiques culturelles pour travailler ces enjeux fondamentaux à l’émancipation des personnes. De plus, ce ne sont pas quatre heures éparses qui seraient en mesure de palier ces difficultés et carences, mais bien un large programme beaucoup plus ambitieux qui permettrait de s’acculturer en profondeur à ces thèmes qui semblent encore tellement tabous aujourd’hui et qu’il ne faudrait pas laisser/cantonner à la seule sphère des familles/à la seule responsabilité éducative parentale. Les résistances actuelles ne parlent pas tant des jeunes, en vérité très demandeurs de trouver des espaces et des réponses pour accueillir leurs questionnements, mais bien du malaise d’un grand nombre d’adultes face à ces enjeux-là. Renforçons ce programme pour permettre aux enfants d’éduquer leurs parents !
Dans cette perspective, et outre les associations de femmes et de planning familial, le monde associatif et socioculturel, et singulièrement l’éducation permanente, doit également assumer sa part, être soutenu davantage dans cet exercice, et se saisir bien plus intensément de ces enjeux, au-delà des politiques de prévention santé. Les thèmes concernés par l’EVRAS se trouvant à la croisée des thématiques éthiques et familiales, chères à l’extrême droite, il en va d’une responsabilité démocratique. La haine des intellectuel·les et le mépris des savoirs, appuyés sur la critique sans fondement des médias et de l’université, constituent un des pivots de l’extrême droite qui utilise la désinformation pour s’opposer à l’EVRAS. Face aux contre-vérités qui circulent à la vitesse de l’éclair, le maillage associatif a le devoir de jouer un rôle déterminant dans le décryptage et l’approche critique de ces fake news/informations erronées, et dans le maintien du dialogue avec les familles déconcertées et mal informées.
Il n’y a pas de démocratie sans reconnaissance du réel, sans respect pour la rigueur scientifique d’analyse, ni sans approche prudente d’une vérité factuelle.
Quatre heures sur l’ensemble du cursus ne suffiront pas. Il est indispensable de développer l’EVRAS de façon approfondie, complémentaire et transversale à l’ensemble du cursus des jeunes, et moins jeunes. Si on ne sait plus de quoi on discute, on ne peut plus discuter. Il n’y a pas de démocratie sans reconnaissance du réel, sans respect pour la rigueur scientifique d’analyse, ni sans approche prudente d’une vérité factuelle. Il s’agirait de refaire de nos écoles et de nos associations des lieux de rencontres et d’émancipation, d’ouvrir et de développer des espaces où aimer apprendre et apprendre à aimer vont de pair. Tout porte à penser que ce ne sont pas 4h, mais tout un programme, largement transversal à de nombreuses disciplines, qui permettrait de répondre à ces multiples enjeux, cruciaux pour la vie et l’épanouissement de chacun·e, de chaque citoyen·ne dès son plus jeune âge et la vie en commun. #
1. Chiffres issus d’enquêtes réalisées par la Ligue des familles