container disparitionPlus que jamais avec la pandémie que nous venons de subir à l’échelle mondiale et dans le contexte de l’entrelacement de crises écologiques, économiques et démocratiques sans précédent, il parait pertinent de parler de démondialisation. On pourrait la définir de manière générale comme un processus visant à réduire la dépendance d’un pays ou d’un ensemble de pays des chaines de valeur mondialisées et donc à relocaliser des pans entiers de l’économie. Cette idée, qui circule depuis une vingtaine d’années dans le champ de la gauche, mais dont la droite peut aussi par moments se servir, semble aujourd’hui gagner des parties importantes du champ politique 1.

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Le 20 mars 2020, juste après l’annonce du premier confinement, Willy Borsus, Vice-Président MR du gouvernement wallon déclare : « Il faut donner un maximum de racines à nos entreprises. C’est-à-dire reconstruire une chaine de valeurs. Donc intégrer au maximum les étapes du processus de production sur notre territoire. En d’autres mots, relocaliser les activités en Europe ». Toujours en mars 2020, Emmanuel Macron annonce de manière similaire que « notre priorité, aujourd’hui, est de produire davantage en France ». Il ne faut certes pas exagérer l’importance de ces affirmations énoncées au moment le plus chaud de la crise sanitaire. Elles pourraient toutefois laisser penser que, comme l’estime Arnaud Montebourg, ancien ministre français de l’Économie et l’un de ses principaux promoteurs dans le champ politique, « la démondialisation est en train de se réaliser »2.

À chacun·e sa démondialisation


Le spectre des positions politiques depuis lesquelles une forme de démondialisation peut être défendue est très large :• À la suite de Willy Borsus ou d’Emmanuel Macron, on peut vouloir relocaliser une partie des activités au nom d’un certain « retour aux sources » et de la « valorisation des terroirs » (par exemple le secteur agroalimentaire) ou pour des raisons de santé publique (par exemple le secteur pharmaceutique), sans toucher le moins du monde au modèle de production capitaliste lui-même. Depuis ce point de vue, la relocalisation n’a pas de visée sociale ni même écologique et on pourrait même se demander si elle ne risque pas plutôt de se traduire par une « relocalisation » de conditions de travail, salariales et fiscales au rabais, visant à rendre le pays plus attractif pour les investisseurs.• Dans la même direction d’une démondialisation qui ne rompt pas avec les mécanismes de base du capitalisme, se trouvent les propositions de l’extrême droite qui se concentre en particulier sur les supposés effets néfastes sur le plan culturel du « mondialisme » et de l’« idéologie mondialiste » (homogénéisation, grand remplacement...) et promeut davantage la lutte contre la libre circulation des personnes (au demeurant déjà fortement limitée dans le cadre de la mondialisation) que celle contre la libre circulation des capitaux et des marchandises.• On peut aussi vouloir relier une reprise de contrôle sur certains secteurs stratégiques à une meilleure régulation du commerce international, de manière à promouvoir le travail décent et la transition juste, en Occident comme dans le reste du monde, notamment au travers d’une responsabilisation des entreprises, de traités internationaux plus contraignants et de la transformation d’institutions internationales de régulation comme l’ONU, l’OIT, l’OMC. Cette option, qui est peut-être la plus consensuelle à gauche, vise donc davantage à promouvoir une « autre » mondialisation que la démondialisation en tant que telle.• Démondialiser, c’est encore aller plus loin dans le processus de contrôle des outils de production. Relocaliser signifie alors nationaliser les entreprises les plus importantes, en commençant par faire de la santé, de la culture, de l’éducation et de l’énergie, des biens communs, des sanctuaires, sur lesquels les lois du marché ne s’appliquent pas. C’est aussi défendre des politiques ambitieuses sur le plan de la justice sociale et fiscale, en protégeant le pays du dumping social et fiscal engendré par la concurrence internationale, et remettre radicalement en question la dépendance de l’économie et de l’État aux marchés financiers dérégulés.

Les Suds face à la démondialisation

Depuis la crise financière de 2008, les signes d’une volonté politique grandissante d’inverser (plus ou moins décisivement) le cours de la mondialisation se multiplient dans le monde occidental. La « mondialisation heureuse » a vécu, sous les chocs successifs de la désindustrialisation, de la perte de contrôle de domaines stratégiques (santé, énergie, alimentation), de la montée des préoccupations environnementales et des mutations technologiques. Qu’en est-il dans les pays du Sud ? Les pays émergents ont régulièrement été présentés comme les gagnants de la mondialisation, avec des taux de croissance de leur production et de leurs échanges nettement supérieurs à ceux de la zone euro-américaine. Des déclarations publiques dénonçant le patriotisme économique des pays occidentaux à l’OMC ont renforcé cette perception d’un Sud désormais plus favorable que le Nord à la poursuite de l’intégration économique mondiale.
La réalité est autrement plus contrastée. D’une part, la poussée économique du monde en développement est fortement concentrée dans la région de l’Asie de l’Est et du Sud-Est, emmenée par la Chine. Les pays d’Amérique latine et d’Afrique ont globalement connu un processus de « reprimarisation » de leur économie ces 30 dernières années : leur croissance dépend de plus en plus des exportations agricoles et minières et ils fabriquent de moins en moins les produits transformés qu’ils consomment, au détriment donc de l’environnement et du travail décent. D’autre part, même dans les pays asiatiques ayant connu un boom de la production et des services qui a permis un élargissement accéléré des classes moyennes, des groupes sociaux non négligeables ont souffert de la libéralisation du commerce et de l’investissement, dans les zones rurales en particulier.
Des mouvements sociaux, intellectuels et politiques existent dès lors dans le « Sud global ». Ceux-ci critiquent la mondialisation telle qu’elle va. Si leurs références idéologiques sont diverses, deux grands courants se dégagent du côté des progressistes. Il y a tout d’abord ces acteurs pour lesquels la mondialisation néolibérale est problématique, car elle a retiré aux États du Sud les moyens d’intervenir stratégiquement en faveur du développement de la productivité nationale et donc de la conquête de positions plus avantageuses dans la division internationale du travail. Ils promeuvent le retour d’une souveraineté économique, défendent la possibilité de soutenir directement l’industrie nationale, de la protéger de la concurrence mondiale, d’assouplir les règles de la propriété intellectuelle, bref ils veulent modifier les règles de la mondialisation pour une insertion plus favorable de leurs économies dans les échanges mondiaux. Ils voient d’un bon œil les échanges Sud-Sud et les accords régionaux, car ils permettent potentiellement des échanges commerciaux moins asymétriques.
Il y a ensuite un ensemble de forces qui s’inscrivent dans une perspective de rupture vis-à-vis du capitalisme international. Dans cet espace radical, les organisations anti-impérialistes marxisantes sont désormais supplantées par les courants critiques du « développementalisme ». Ceux-ci s’articulent à la vivacité des luttes socio-environnementales et indigènes pour le contrôle des territoires et la défense des identités, contre les grands projets et l’accaparement commercial des ressources. En accord avec le concept de Buen Vivir, ils entendent refondre les rapports entre société humaine et environnement au départ d’un nouvel imaginaire, centré sur l’équilibre et le « prendre soin », à l’opposé d’une rationalité instrumentale tournée vers l’accumulation. Bref, une forme de décroissance adossée à la réhabilitation de valeurs et de vécus que la modernité occidentale a historiquement disqualifiés. À leur manière, ces deux courants prolongent et renouvellent la question postcoloniale non résolue de la participation souveraine, c’est-à-dire guidée par des priorités socioéconomiques internes, au sein du système mondial. #
François POLET, chercheur au CETRI

Pour aller plus loin : F. POLET, La démondialisation est-elle l’affaire du Nord ?, Centre tricontinental, 2022.

 

Impasses et ressources d’une démondialisation de gauche


Cette dernière proposition visant une démondialisation radicale soucieuse de promouvoir l’émancipation économique des travailleur·ses et le pouvoir politique des citoyen·nes, ne manque pas de susciter le débat dans le champ de la gauche. Pour en comprendre la pertinence, il convient d’abord de se donner une idée des processus que recouvre le concept de mondialisation.
La mondialisation désigne le processus d’intégration des marchés à travers la libéralisation des échanges et la libre circulation des capitaux, des biens et services et, de fait dans une mesure bien moindre, des personnes et des technologies. Les deux conséquences principales de la mondialisation sont la mise en concurrence d’économies avec des niveaux salariaux et fiscaux différents et le renforcement du pouvoir actionnarial exigeant, par la comparaison entre pays, des rentabilités toujours plus grandes – induisant une insistance obsessionnelle sur la compétitivité des entreprises. Son arme principale est la menace constante de délocalisations et de pertes d’emplois. Ces processus engendrent indirectement un accroissement de l’endettement des ménages et de l’État, le déploiement d’opérations spéculatives sur les dettes privées et publiques et des crises financières à répétition que les États, c’est-à-dire les contribuables, doivent ensuite essuyer avec des coupes dans les dépenses en sécurité sociale et dans les services publics, ainsi que l’augmentation de la dette. Mentionnons aussi, parmi les effets de la mondialisation : la perte d’emprise démocratique sur une politique économique de plus en plus soumise aux impératifs des marchés financiers, amenant une crise de légitimité de l’État et de la démocratie aux yeux des citoyen·nes ; l’impact environnemental catastrophique de la circulation de marchandises à travers le monde et de la concurrence entre économies aux standards écologiques différents. Si l’on prend en compte tout cela, une proposition de gauche conséquente semble devoir se dessiner sans hésitation en faveur de la démondialisation.

 

« Selon les critiques de gauche de la démondialisation, une telle perspective revient à recoder un conflit entre capital et travail qui se déploie à l’échelle internationale comme un conflit entre pays ou régions. »


C’est toutefois ici que le bât blesse. Selon les critiques de gauche de la démondialisation (qu’on qualifie habituellement d’« altermondialistes »), une telle perspective revient à recoder un conflit entre capital et travail qui se déploie à l’échelle internationale comme un conflit entre pays ou régions. Comme l’écrit l’économiste belge Reginald Savage, « ce renouveau du débat sur le protectionnisme – et en plus dans une variante plutôt nationale qu’européenne – ressemble fort au débat français de 1983 sur le tournant de la rigueur ou la sortie de l’Europe (convertie au néolibéralisme). Le projet néo-protectionniste s’apparente alors à une tentative renouvelée d’imposer un keynésianisme réindustrialisant d’abord dans un seul pays (même si susceptible d’être étendu à d’autres pays par effet d’entrainement). Même si ce n’est pas explicitement exprimé, ce projet croit pouvoir miser sur une alliance de classes de type néo-fordiste entre le salariat et les entrepreneurs (un capitalisme industriel national ou “patriote”), si nécessaire contre l’oligarchie financière mondialisée »3. Sans aller jusqu’à lui attribuer des intentions d’« alliance de classes », on peut néanmoins affirmer que le présupposé de la démondialisation de gauche est bien que la nation (ou un ensemble supranational de pays) constitue le seul espace au sein duquel il serait possible de transformer le rapport de forces actuel entre capital et travail en faveur de ce dernier. Ce qui semble impliquer que la solidarité de classe à l’échelle internationale devrait passer au second plan derrière la défense des travailleur·ses dans un pays ou une région.
Face à cette critique, les tenants de la démondialisation répondent que, loin de favoriser des alliances internationales entre travailleur·ses, c’est justement la mondialisation qui interdit, par la mise en concurrence généralisée des travailleur·ses, toute solidarité entre salarié·es à l’échelle internationale. Ainsi, selon Frédéric Lordon, philosophe et économiste français, « ce n’est que lorsque les salariats nationaux sont soustraits aux rapports antagoniques auxquels les voue le libre-échange inégal que peuvent se déployer des solidarités transversales (transnationales), faisant alors prévaloir la grammaire classiste sur la grammaire nationaliste – en somme, respecter le “fait national” pourrait être le meilleur moyen de donner sa chance (internationale) au “fait de classe” salarial » 4.

« La question n’est pas tant de savoir si on est, dans l’absolu, pour ou contre la démondialisation, mais de savoir s’il peut exister une forme de démondialisation porteuse de solidarités à l’échelle internationale. »


On pourrait alors dire que la question n’est pas tant de savoir si on est, dans l’absolu, pour ou contre la démondialisation, mais de savoir s’il peut exister une forme de démondialisation porteuse de solidarités à l’échelle internationale. C’est sur ce niveau qu’altermondialistes et « démondialistes » pourraient se rencontrer, pourvu que, comme le dit Savage, « on sort[e] du cadre de la définition d’un protectionnisme national autocentré de relance pour entrer dans le chantier beaucoup plus vaste et complexe du profilage d’un nouvel ordre monétaire et commercial international qui soit équitable et écologiquement soutenable » 5. C’est une telle perspective que Thomas Piketty propose d’appeler « souverainisme universaliste ». Ses deux principes fondamentaux sont les suivants : « [1] Chaque communauté politique doit pouvoir fixer des conditions à la poursuite des échanges avec le reste du monde, sans attendre l’accord unanime de ses partenaires. (...) [2] Il est cependant essentiel que cette forme de souverainisme se définisse à partir d’objectifs de type universaliste et internationaliste, c’est-à-dire en explicitant les critères de justice sociale, fiscale et environnementale susceptibles de s’appliquer à tous les pays de la même façon » 6.
Reste à définir les contenus, les modalités d’application, les alliés et adversaires (à l’échelle internationale comme au sein d’un pays) de ces objectifs universalistes et internationalistes, ainsi que le type d’organisme international qui pourrait en résulter et les garantir.

 

La Belgique dans la mondialisation


Afin d’entamer ce travail, il est d’abord essentiel de cerner la place de la Belgique au sein de la mondialisation. La Belgique est une économie très ouverte. En raison de notre position géographique au centre de l’Europe et de nos infrastructures tant logistiques (ports, autoroutes, aéroports...) que politiques (siège de l’UE, de l’OTAN, d’institutions internationales, etc.), nous nous trouvons au carrefour de l’activité économique et politique mondiale. Selon une étude du Bureau fédéral du Plan, en 2010, les exportations ont généré, directement ou indirectement, 109,9 milliards d’euros de valeur ajoutée et mobilisé 1,32 million d’emplois (soit 32,5 % du PIB et 29,5 % de l’emploi total du pays) 7. Selon la Banque mondiale, du point de vue de son « taux d’ouverture » (le rapport de l’ensemble des échanges extérieurs d’un pays à son PIB), la Belgique se situait en 2019 à la 14e place dans le monde. Enfin, en Wallonie, en 2016, 31,4 % des emplois et 53,3 % du chiffre d’affaires total réalisé par le secteur privé dépendaient de 1.466 entreprises sous contrôle d’un actionnaire étranger, soit seulement 2 % des entreprises présentes sur ce territoire 8. Nous sommes par ailleurs particulièrement imbriqués dans la chaine de valeur mondiale, ne pouvant pas compter sur des ressources naturelles ou sur une grande quantité de terres à cultiver.
La Belgique est donc l’un des pays depuis lesquels il est le plus difficile de penser la démondialisation. Démondialiser à l’échelle de la Belgique entrainerait probablement le départ d’un certain nombre d’entreprises et donc la disparition des emplois qui en dépendent. Les initiatives de relocalisation qui pourtant existent, toutes salutaires qu’elles soient, semblent anecdotiques au regard du volume de richesses créées et exportées et de la dépendance par rapport aux marchés internationaux. D’autant que le regain du local, par exemple pendant la pandémie, semble n’avoir été qu’une forme de parenthèse, et ne parait pas avoir suscité (ne serait-ce que pour des raisons de pouvoir d’achat) un désir de changement pérenne dans le mode de consommation des ménages, à l’échelle déjà si petite de la consommation alimentaire locale.
On peut toutefois aussi considérer que les restructurations et fermetures fréquentes dans des filiales d’entreprises multinationales que l’on a connues en Belgique ces dernières décennies démontrent que l’insertion de ces entreprises dans l’économie belge n’est en rien un gage de stabilité pour l’emploi, compte tenu de leur gestion soumise aux logiques de la financiarisation. Il en va de même pour leur impact sur les finances publiques étant donné leurs pratiques courantes pour échapper à l’impôt ou tout simplement les cadeaux fiscaux dont elles bénéficient. Ainsi, la démondialisation permettrait de mettre un frein aux politiques d’attractivité visant à attirer sur le sol national les investissements des firmes étrangères à travers des avantages fiscaux et la compression salariale. En relocalisant l’emploi et les centres de décision économique, la démondialisation pourrait aussi restaurer le pouvoir politique et syndical sur la sphère économique. La relocalisation des centres de décision économique permettrait enfin de rencontrer l’objectif de créer massivement des emplois visant à décarboner notre économie. Toutefois, étant donné l’ampleur du défi, notamment pour un pays comme la Belgique, une telle politique devrait être envisagée de manière globale, en identifiant tous les niveaux d’intervention nécessaires et en anticipant dans la mesure du possible leurs impacts potentiels.
La perspective de la démondialisation semble donc poser de bonnes questions, mais l’ampleur de la tâche peut se révéler paralysante. En tout état de cause, poser la question du modèle de production dominant et de sa dépendance par rapport à une certaine structuration des rapports économiques à l’échelle internationale semble indispensable dans un processus d’éducation permanente. Réduire la question de la démondialisation à un processus de repli sur soi est la meilleure manière pour le capitalisme de faire triompher l’idée de la main invisible du marché mondial. #

Fabio BRUSCHI et Pierre LEDECQ, Formateurs FEC

© Freddy de Pixabay

 

Quelques propositions pour la démondialisation

Afin de commencer à envisager la démondialisation à l’échelle qu’elle mérite, il nous semble utile, à titre indicatif, de repartir d’une série de propositions concrètes que nous reprenons librement à Aurélien Bernier, essayiste français 1.
• Proposition 1 (circulation des marchandises) : planifier un retour progressif à une régulation des échanges de marchandises en visant prioritairement des secteurs stratégiques (santé, énergie, alimentation…). Compenser dans la mesure du possible les taxes et quotas par des coopérations marchandes ou non marchandes avec les pays exportateurs pour répondre aux besoins réels des populations. Face à des États non coopératifs, ne pas renoncer à prendre des mesures unilatérales.
• Proposition 2 (circulation des capitaux) : généraliser l’autorisation des pouvoirs publics pour les investissements directs et imposer un dépôt de garantie à tout investisseur pour entraver le désinvestissement. Élargir la liste des secteurs dont la prise de contrôle par des investisseurs étrangers est interdite ou fortement encadrée. Contrôler les sorties de capitaux (bénéfices rapatriés, investissements à l’étranger…) et les réguler de façon à permettre la relocalisation. Taxer les détenteurs de capitaux (dont la mobilité aura été réduite) de façon à financer les politiques publiques, et notamment la relocalisation.
• Proposition 3 (compétences de l’État) : recruter et former massivement des douaniers, des contrôleur·ses financier·ères, des informaticien·nes, des spécialistes de la finance internationale, des inspecteur·rices du travail ou des installations classées pour l’environnement et des juristes afin d’empêcher les grandes entreprises de se soustraire aux règles commerciales, sociales et environnementales.
• Proposition 4 (propriété des entreprises) : nationaliser tout ou partie des secteurs stratégiques que constituent le secteur bancaire et assurantiel, l’énergie, la santé, les transports et les communications et réorienter les investissements délocalisés vers les besoins nationaux. Faire de ces entreprises des modèles en matière de droits sociaux et environnementaux.
• Proposition 5 (matières premières) : créer des monopoles publics pour le commerce international des matières premières et négocier avec les États producteurs des accords de long terme de façon à ne plus dépendre des marchés mondiaux.
• Proposition 6 (droit international) : sur la scène internationale, défendre le droit à la régulation de l’économie nationale pour tous les États. Développer des coopérations internationales non marchandes dans les services publics, la recherche, la connaissance... #

 

1. A. BERNIER, Démondialisation, relocalisation et régulation publique : pourquoi et comment, Institut Rousseau, juin 2020 ; A. BERNIER, La démondialisation ou le chaos : Démondialiser, décroître et coopérer, Éditions Utopia, 2016.

 

 
1. Cet article est le résultat des travaux du groupe de réflexion «CSC Académie» lors de ses premières rencontres en 2019. 
2. A. MONTEBOURG, «La démondialisation est en train de se réaliser», Le Point, 09/01/2021. 
3. R. SAVAGE, «Le néo-protectionnisme, voie royale d’une démondialisation heureuse?», Éconosphères, 13/10/2011. En ligne: econospheres.be. Éléments de définition : le protectionnisme est une politique commerciale et fiscale visant à protéger les producteurs locaux de la concurrence des producteurs étrangers –il constitue une des dimensions de la démondialisation. Le keynésianisme désigne un ensemble de politiques économiques visant entre autres le plein emploi et une croissance tirée par la demande. Le fordisme est un modèle social basé sur un accord entre employeur·ses et travailleur·ses, où ces dernier·ères acceptent d’adhérer aux processus de modernisation des entreprises en échange de la redistribution (via l’augmentation des salaires) des gains de productivité qui s’ensuivent. 
4. F. LORDON, «La démondialisation et ses ennemis», Le Monde Diplomatique, Août 2011. 
5. R. SAVAGE, ibid. 
6. T. PIKETTY, Une brève histoire de l’égalité, Paris, Seuil, 2021, p. 349. Par exemple, un pays qui introduirait une taxation fortement progressive pourrait l’associer à des formes de protectionnisme à l’égard de pays qui mettraient en place des formes de dumping fiscal tout en continuant à échanger de manière libre avec les pays qui partageraient ses propres pratiques de justice fiscale. 
7. Bureau du Plan, «Exportations, hétérogénéité des entreprises et emploi en Belgique: une analyse entrées-sorties», Décembre 2019. Le fait que, dans cette étude, le Bureau du Plan s’appuie sur la place importante des exportations dans l’économie belge afin de promouvoir un renforcement de la compétitivité des entreprises exportatrices et de leurs fournisseurs est une bonne illustration des conséquences de la mondialisation. 
8. B. BAURAIND, «Multinationales: la dépendance belge», Démocratie, n°11, novembre 2016. 

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