Crdit European Central BankPour faire face aux conséquences socio-économiques de la pandémie, les règles du traité budgétaire européen ont été suspendues. De nombreuses déclarations politiques ont mis en avant le soutien nécessaire à l’économie et à la population « quoiqu’il en coûte ». Les plans de relance mobilisant beaucoup de moyens sont en discussion à différents niveaux de pouvoir. Faut-il s’en féliciter ? Comment expliquer que l’on accepte de telles dépenses là où avant on invoquait les problèmes que représentait la hausse des taux d’endettement public ? Ne pose-t-elle plus de soucis ? Faut-il s’inquiéter des conséquences de l’endettement accru et de la création monétaire ? Pourquoi l’accord sur le financement européen de la relance va-t-il jusqu’à subsidier les États ? L’austérité ne va-t-elle pas être imposée une fois l’épidémie vaincue en dépit des défis de demain ? Explications.

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L’épidémie de Covid-19 a eu beaucoup de conséquences sur le plan sanitaire, économique, social et environnemental. Les indicateurs économiques en reflètent une petite partie. Les données récentes 1 montrent pour 2020 une baisse de 6,7 % du PIB hors inflation ainsi qu’une chute de 8,6 % de la consommation privée et de 12,1 % des investissements (des ménages et plus encore des entreprises). L’emploi s’est dégradé de 9.700 unités seulement (-0,2 %) grâce au chômage temporaire, à son extension (outre son élargissement aux employé·es depuis la crise financière) et à l’assouplissement de ses conditions d’accès. Mais malgré un recul de l’offre de travail en 2020, 28.800 personnes supplémentaires se sont retrouvées au chômage complet (+6 %) après une amélioration de 18.800 unités en 2019. Avec la seconde vague et la prolongation des mesures sanitaires pour la contrer, voire une troisième vague qui atteint déjà certains pays européens, les projections qui ont fluctué fortement de mois en mois, sont très incertaines pour 2021. La reprise économique suite au relâchement progressif des mesures peut s’avérer in fine plus maigre ou plus vigoureuse notamment selon le degré d’attentisme des ménages et des entreprises 2. Avec une hausse prévue de la consommation de 6,6 %, mais de 2,1 % seulement des investissements vu le futur incertain de nombreuses entreprises, le PIB de 2021 (+3,5 %) ne récupérerait que 42 % de la perte de 2020 par rapport à un PIB qui aurait augmenté autant qu’en 2019. En cas de non-prolongation du chômage temporaire, 56.200 emplois seraient perdus en 2021, ce qui, avec la perte de 2020, annulerait quasi totalement les créations d’emplois de 2019, et le chômage complet s’aggraverait de 86.400 demandeur·ses d’emploi inoccupé·es. Nul ne sait vraiment dans quelle mesure l’épargne accumulée par une partie des ménages pourra faire repartir la consommation face au risque de chômage et au basculement actuel et attendu de nombreux ménages dans la pauvreté. Suivant ces projections, le déficit de l’ensemble des pouvoirs publics atteint 10,6 % en 2020 et 6,8 % en 2021 tandis que le taux d’endettement public passe de 98,1 % du PIB à 116,1 % en 2020 et à 116,9 % en 2021.
Dans ses perspectives d’octobre, le Bureau du Plan avait estimé une reprise plus rapide du PIB (6,5 % en 2021 et 3,1 % en 2022) sur la base de dommages observés suite à la première vague, moins profonds que prévu. Mais la seconde vague, quoique moins impactante pour l’activité que la première, assombrit désormais le tableau, notamment en ce qui concerne l’activité dans les services, l’emploi et l’endettement public 3 (tableau).

Les mesures de soutien

La hausse du taux d’endettement s’explique par le financement d’un déficit accru des pouvoirs publics et au dénominateur par un niveau de PIB anormalement bas. Côté recettes, la réduction du revenu disponible réel des ménages (- 1,9 % 4), modérée grâce à la sécurité sociale 5 et à une inflation inférieure à l’indexation en 2020, altère quelque peu celles du précompte professionnel. La baisse de la consommation se traduit par de moindres rentrées de TVA et d’accises. Outre les versements anticipés d’impôts des entreprises, les cotisations sociales sont également à la baisse notamment à cause des reports de versements, de la réduction de l’emploi, et du chômage temporaire. Côté dépenses, les budgets sont affectés par les mesures de soutien aux ménages, aux entreprises et à d’autres activités via la sécurité sociale, l’État fédéral, les Régions et les Communautés : allocations de chômage et droit passerelle, indemnités d’incapacité de travail, reconnaissance du Covid-19 comme maladie professionnelle dans les services de santé, primes régionales pour les indépendant·es, report et exonérations de cotisations ou de taxes pour les indépendant·es et les entreprises, garanties d’emprunts pour les entreprises, aides à certains secteurs non marchands, etc. Font aussi partie de la facture de la crise, le remboursement des frais de santé supplémentaires par l’assurance soins de santé, l’équipement des services de santé et des citoyen·nes en matériel de prévention sanitaire, et le refinancement partiel des institutions de soins confrontées à des coûts supplémentaires et à de moindres recettes... Aux primes nouvellement accordées, s’ajouteront les hausses salariales et la réduction progressive du manque de personnel.
L’UE a également contribué aux mesures de soutien à commencer par la suspension de l’application des critères du cadre budgétaire 6.

Le mécanisme européen de stabilité, créé lors de la crise financière pour permettre aux États subissant des taux d’intérêt insupportables d’y recourir par emprunts, a été mobilisé suite à un accord obtenu en avril pour financer des mesures sanitaires suivant les besoins de chaque pays dans la limite de 2 % du PIB. D’autres instruments ont été utilisés : le transfert d’une partie des Fonds de cohésion, l’utilisation du Fonds européen d’investissement et de la Banque européenne d’investissement pour accorder des garanties à un financement accru des PME par les banques, l’émission par la Commission d’obligations dites « coronabonds » pour le financement du chômage temporaire et enfin des mesures pour les indépendants, afin de sauvegarder l’emploi 7, ce qui préfigurerait un futur système de réassurance.

La Banque centrale européenne (BCE) quant à elle joue un rôle important. D’une part, elle maintient très bas (jusqu’à - 0,5 %) les taux d’intérêt « directeurs » de ses opérations financières avec les banques et assure un refinancement à long terme de celles-ci en liquidités par des prêts à des critères de garanties moins sévères. D’autre part, elle accentue depuis la pandémie ses rachats d’actifs d’entreprises et des titres des dettes publiques (« assouplissement quantitatif » entamé à partir de 2014 via une création monétaire de type « planche à billets »), de façon à compresser les taux d’intérêt du marché par le jeu de l’offre et de la demande. Ce qui permet aux États d’emprunter à taux nuls ou même négatifs et aux entreprises et ménages de bénéficier de crédits à taux également plus bas. L’action de la BCE est cependant contrebalancée par le resserrement par les banques des conditions d’accès aux crédits. Autre bémol, si elle contribue à sauvegarder la valeur des capitaux des entreprises, elle n’en exclut pas ceux des entreprises nuisibles à l’environnement ou responsables du changement climatique. Enfin, elle peut aussi générer des bulles financières, via la montée des actions par exemple, voire des bulles immobilières, qui sont susceptibles d’éclater à terme après avoir enrichi ceux ont revendu à temps.
En fait, cette politique n’arrivait plus, avant même la crise actuelle, à augmenter le taux de croissance de l’économie, et le marché est désormais inondé de liquidités. Car pour une entreprise, investir en forte incertitude accroît son risque d’insolvabilité 8 à terme. Ce qui manque aujourd’hui, ce sont des perspectives, mis à part l’accord sur le Brexit et l’élection de Joe Biden. Par contre, sa politique incite les États à prendre le relais par les plans de relance en lâchant la bride budgétaire.
Mesures de relance

C’est aujourd’hui l’heure de préparer la revalidation et le redéploiement de l’économie, par l’adoption d’un plan dit de relance, du Fédéral, des Régions, et des Communautés, qui sera cofinancé par l’Europe, ainsi que par le secteur privé pour une partie des projets. Avant la remise du plan belge fin avril, il faudra imaginer des critères de répartition des quelque 5,95 milliards de manne européenne entre entités et sélectionner parmi les projets en fonction des conditions mises par la Commission pour qui la relance vise « une Europe plus verte, plus numérique et plus résiliente ». Notamment pour le pays, au moins 37 % des moyens pour la transition climatique et au moins 20 % pour accélérer la digitalisation. Les projets concernent par exemple les transports en commun, la rénovation notamment énergétique des bâtiments publics et des logements, la résilience du système de santé, le déploiement de la 5G et de la fibre optique, la digitalisation des services collectifs, la lutte contre la fracture numérique, la production d’hydrogène, le transport ferroviaire des marchandises, etc. Les objectifs sociaux ne devraient pas être marginalisés dans la répartition vu l’aggravation des inégalités avec l’épidémie, sur le plan pécuniaire, de la santé, de la scolarité, des perspectives d’embauche, du logement. Car les inégalités seront une préoccupation très sensible dans le monde populaire pour lequel les retombées de la reprise risquent de trop tarder. Une vigilance sera requise afin que s’inscrivent dans les projets les prémisses d’un autre développement inspiré par l’urgence climatique et par les leçons de la crise sanitaire, laissant place à de nouvelles visions du progrès, pour redonner espoir dans l’avenir, dans l’action publique et dans la démocratie. Pour cela, il est essentiel que le débat parlementaire et avec la société civile sur les orientations de la relance ne soit pas escamoté sous l’argument de l’urgence.

Le compromis sur le financement européen du plan de relance « Next Generation EU », adopté en décembre dernier par le Conseil et par le Parlement européen fut un accouchement difficile entre les États « frugaux » soupçonneux préférant la formule des prêts et les partisans de la subsidiation, souvent plus en difficulté sans qu’on puisse cette fois leur incriminer une mauvaise gestion. Il a fallu dégarnir des fonds et programmes existants 9 pour obtenir un accord sur un plan de relance de 750 milliards d’euros, dont 321,5 de subsides, portant le Cadre financier pluriannuel 2021-2027 de l’UE à 1.800 milliards d’euros 10. Un pas décisif pour l’avenir européen fut l’adoption d’un emprunt en commun sur les marchés financiers permettant de réduire le taux d’intérêt pour les États membres dans leur ensemble. Et ce, grâce à la solidarité des pays qui auraient payé des taux un peu plus bas en empruntant chacun pour soi. Les pays à moindre potentiel économique ne devront pas subir des taux d’intérêt renchéris par les primes de risque et la spéculation, ce qui aurait pu recréer une crise de la dette. Ce pas s’inscrit dans celui du rachat de titres de la dette des différents pays par la BCE via la création monétaire. Alors que Christine Lagarde qui la préside a déclaré s’attendre à une orientation budgétaire expansionniste, un des débats sur la politique monétaire est de savoir si les missions de la BCE inscrites dans le Traité sur le fonctionnement de l’UE devraient être interprétées ou modifiées de manière à ce que la BCE contribue davantage à cette orientation keynésienne. Car actuellement, si le soutien aux politiques économiques générales de l’Union fait partie de ses missions, il est subordonné à l’objectif principal de stabilité des prix. Enfin, la Commission proposera de nouvelles ressources dont une taxe numérique et la fameuse taxe sur les transactions financières constamment reportée. La nécessité fera donc peut-être aussi avancer l’intégration fiscale européenne.

L’endettement public en question

Comment expliquer que l’on accepte un tel endettement ? Ne s’agit-il que d’un tabou qui serait tombé telle une statue de son piédestal ? Tout va très bien madame la marquise ou doit-on s’attendre à des lendemains qui déchanteront ?
Les débats sur l’endettement sont relancés parmi les économistes et reviennent certains reproches classiques. Le recours à l’endettement serait un désincitant à une gestion efficiente. Les charges d’intérêt grèvent les ressources disponibles pour les autres dépenses. Certes aujourd’hui, les emprunts d’État à long terme à taux fixes ne coûtent pas d’argent, et cela jusqu’à leur échéance. Mais qu’en sera-t-il pour les nouveaux emprunts dans quelques années ? Selon le Bureau fédéral du Plan, vu les taux d’intérêt extrêmement bas, « tout risque d’emballement du taux d’endettement (effet boule de neige 11) est exclu pour le moment. Toutefois, une dette élevée rend les finances publiques plus sensibles à une éventuelle remontée des taux d’intérêt à plus long terme » 12. Somme toute, il y a une forte probabilité vu la crise que les taux restent bas pendant encore un certain temps. Une fenêtre d’opportunité à ne pas rater. Mais poursuivons le rappel des reproches. Les intérêts sur la dette sont une redistribution à rebours, étant surtout versés à ceux qui disposent de revenus élevés, à l’inverse des transferts sociaux. L’endettement est un report sur les générations futures, s’ajoutant à la dette environnementale et aux engagements de pensions à une population retraitée qui sera plus importante. Cependant, le souci n’est pas l’endettement en lui-même, mais celui de ses charges annuelles et du risque de remontée des taux. Et dans ce cas, celui de la capacité de l’État générée par la croissance du PIB à réduire le taux d’endettement, mais pas nécessairement le montant de la dette dont une partie est de facto perpétuelle. La BCE pourrait d’ailleurs refinancer les titres qu’elle détient à leur échéance (faire rouler la dette) – ce qu’elle fait déjà pour une partie d’entre eux, mais avec une limite dans le temps. Cette perpétuation de la dette pourrait être autorisée pour les dépenses de soutien octroyées durant l’épidémie, mais aussi pour une partie des dépenses de relance et des investissements pour ralentir le réchauffement climatique.

Quant à annuler la dette belge, cela entraînerait un tarissement de la source de financement que constituent les créanciers étrangers et des taux d’intérêt exorbitants. Le faire vis-à-vis des banques et assureurs belges nuirait à leur solvabilité. Par contre, la BCE pourrait en théorie annuler une partie des dettes publiques qu’elle détient à condition que la confiance dans la monnaie ne s’en trouve pas amoindrie ce qui poserait d’autres problèmes.
Les mesures de soutien et de relance ont d’abord un rôle économique et social, mais ce faisant elles apparaissent essentielles également pour améliorer la trajectoire de l’endettement, car en augmentant et en accélérant le rythme de croissance du PIB elles contribueront à redresser les recettes fiscales et de cotisations.

Pour arriver à ce résultat, il fallait d’une part, éviter les pertes de compétences et maintenir les liens entre les travailleur·ses et leur milieu professionnel, et limiter les faillites, afin de sauvegarder les capacités de production et le potentiel de croissance de l’économie. Les chantres de la destruction créatrice schumpetérienne oublient qu’au sortir de l’épidémie, celle-ci aurait éliminé du marché de façon souvent irréversible des entreprises rentables et une partie de leurs salariés, tandis que les décalages temporels entre destruction et création d’entreprises se seraient avérés socialement et économiquement également dommageables, occasionnant des coûts budgétaires nettement plus importants. Les mesures de relance ont aussi pour but de réduire le nombre d’années de récupération de l’économie, tout en saisissant l’opportunité d’investir dans ce qui fera le monde de demain.
D’autre part, en limitant la baisse des revenus des salariés et des indépendants et en relançant l’activité et l’emploi, les mesures ont été et seront susceptibles d’atténuer la peur de l’avenir qui pourrait ralentir l’utilisation du surcroît d’épargne forcé par les mesures sanitaires. La reprise de la consommation sera en effet salutaire dans un premier temps pour le rétablissement de l’emploi et des activités. Le monde associatif, des mandataires et partis politiques, et même des entreprises, chercheront sans doute à promouvoir d’autres modes de vie orientés vers le bien-être, le soin de soi, l’attention aux autres, les activités collectives, familiales et amicales, solidaires, culturelles, sportives, politiques, le rapport à la nature, l’action pour l’environnement. Ainsi, si demain apparaîtra encore largement comme avant, il pourrait voir se déployer un monde souhaitable et indispensable à certains égards, notamment marqué par une accélération de la transition écologique et climatique. Celle-ci pourrait alors nourrir une autre prospérité, sous condition de réduire les consommations excédentaires et leurs nuisances. C’est pourquoi les plans de relance seront en partie consacrés à la transition.

Quels risques de la création monétaire ?

En achetant des titres de la dette publique, la BCE crée de la monnaie. Cette monétisation de la dette représente déjà plus de 30 % du PIB de la zone euro. Lorsque la BCE renfloue les banques en rachetant leurs actifs, elle fait de la création monétaire, directement, mais aussi indirectement si les banques en viennent à prêter davantage, ce qui multiplie la monnaie, tout comme lorsque la BCE facilite l’accès au crédit en faisant baisser les taux d’intérêt.

Un des risques souvent pointés de la création monétaire est celui d’une relance de l’inflation notamment en cas de surchauffe de l’économie. Suivant l’ancienne théorie monétariste contestée par de nouvelles approches, toute création de monnaie qui dépasse les besoins liés aux transactions se traduit par de l’inflation. L’anticipation de son évolution conduit alors les agents économiques à son emballement. Cette prédiction ne s’est cependant pas vérifiée durant toutes ces années de relâchement monétaire suite à la crise financière (en dépit d’un sursaut inflationniste en 2008) et les anticipations d’inflation à long terme restent faibles. Néanmoins, une inflexion de la politique monétaire est attendue à plus ou moins long terme, notamment pour éviter une inflation trop basse, ce qui combiné à une stagnation pourrait augmenter le taux d’endettement et la part des intérêts dans les dépenses publiques. En effet, le premier rôle de la BCE est de maintenir la stabilité des prix avec une inflation « convergeant vers un niveau inférieur, mais proche de 2 % » afin de limiter le risque de déflation pouvant conduire à la récession. Car en cas de déflation, les consommateur·rices retardent leurs achats espérant que les prix vont encore baisser, ce qui accélère le phénomène. De plus, elle augmente les taux d’intérêt réels (hors inflation) et le poids des dettes du passé en terme réel. Ce prescrit de la BCE est une limite pour sa politique de faibles taux d’intérêt, sauf qu’en alimentant la relance, la politique de rachats d’obligations d’États contribuera à relever l’inflation vers
les 2 %.

Certains acteurs du monde associatif plaident pour compléter les missions de la BCE par de nouveaux objectifs tels que la stabilité financière, du plein-emploi et de la neutralité carbone, et en revaloriser d’autres qu’elle est déjà tenue de poursuivre comme « le soutien à la politique économique générale de l’Union en vue de contribuer à ses objectifs généraux » tels que le développement durable 13.

Calibrer la joute politique

Vu l’incertitude associée à tout avenir lointain, les risques de l’endettement et de la création monétaire ne manqueront pas d’alimenter les confrontations politiques en dépit d’analyses assez largement validées parmi les économistes. Les partis politiques pourraient être partagés entre la confiance qu’un consensus plus affirmé sur plusieurs orientations pourrait générer et l’occasion de se distinguer par leurs interprétations d’une série de valeurs comme la responsabilité, la prévoyance, la solidarité ou la préservation de l’écosystème. Le débat aurait toutefois plus de clarté en explicitant les oppositions sur les objectifs, par exemple entre réduire « la pression fiscale globale » et la voilure de l’État pour renforcer la composante capitaliste de l’économie, et opérer un glissement des ressources vers les fonctions collectives et une transformation vers une économie plus régulée et plus dirigée afin de pouvoir répondre aux multiples défis majeurs voire urgents.
L’enjeu des plans de relance dépasse le rétablissement de l’activité et l’opportunité d’un refinancement longtemps retardé de certaines politiques. Il consiste aussi à réparer les dégâts sociaux de la crise et à diminuer la dette environnementale tout en apportant notre pierre à l’atténuation de la catastrophe climatique. Or, dans beaucoup d’esprits, les dépenses de relance doivent être temporaires pour limiter les risques liés à l’endettement et à la création monétaire. Cette question est déterminante pour de nombreux défis sociaux : la prolongation du soutien aux ménages et aux entreprises, le refinancement des soins de santé et des pensions, le relèvement et l’extension des couvertures sociales, les investissements sociaux préventifs ou prioritaires, etc. Pour en sortir, par le haut, ne faut-il pas arriver enfin à se convaincre plus largement de l’impératif d’une révolution fiscale juste ? Mais aussi de celui de choisir judicieusement des investissements de la transition qui soient porteurs d’emplois, de revenus et d’économies en ressources tant financières que planétaires ? Et de verser le moins possible dans les effets d’aubaine, le saupoudrage et le lotissement (le chacun pour son département et pour ses catégories électorales) ? Entre la nécessité de remettre en cause les modes de pensée ou « logiciels » et les modèles ou « paradigmes », et d’avoir une certaine cohésion sociétale et politique, les mouvements sociaux et les progressistes qui se mobilisent pour un « New deal » de transformation de la société n’auront pas stratégie facile. #

Patrick Feltesse, Conseiller socio-économique au MOC

1. BNB, 22 janvier 2021.
2. Le taux d’épargne des ménages par rapport au revenu disponible passerait de 18,3 % en 2020 à 16, 3 % en 2021 contre 12,8 % en 2019 malgré une baisse moyenne modérée du revenu disponible réel de 1,9 % en 2020 plus que récupérée en 2021. (IRES-UCLouvain, Perspectives économiques 2021, Regards économiques, janvier 2021.)
3. L’endettement avait été estimé à 117,2 % du PIB en 2020, à 113,4 % en 2021, pour remonter à 116,4 % en 2025.
4 IRES, op.cit.
5. Citons le relèvement du taux des allocations de chômage temporaire, la suspension de la dégressivité et des exclusions, la couverture de la quarantaine et l’indemnité pour congé parental Corona pour interruption partielle ou complète.
6. Ne pas dépasser 3 % de PIB de déficit public structurel, réduire le taux d’endettement public à un certain rythme pour atteindre 60 % du PIB.
7. Programme SURE.
8. Incapacité à rembourser ses dettes à échéance.
9. Toutefois, le FEDER, le FSE, le Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD), le Fonds pour une transition juste et le programme Horizon2020 notamment bénéficieront d’un financement supplémentaire.
10. https://ec.europa.eu/info/strategy/recovery-plan-europe_fr
11. L’effet boule de neige d’emballement du taux d’endettement survient lorsque les taux d’intérêt réels sont supérieurs au taux de croissance réel du PIB, ce qui conduit à emprunter de plus en plus pour pouvoir financer les charges d’intérêt ou à réduire de plus en plus les autres dépenses.
12. Bureau fédéral du plan, L’activité économique, l’emploi et les finances publiques belges garderont des séquelles de la crise du coronavirus pendant plusieurs années, Communiqué de presse, 23 juin 2020.
13. https://www.levif.be/actualite/belgique/reviser-le-mandat-de-la-bce-pour-un-monde-post-covid-juste-et-durable-carte-blanche/article-opinion-1383437.html

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