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En septembre dernier, les Équipes populaires et Présence et action culturelles lançaient une campagne au titre expressément provocateur : « Tous des glandeurs !? ». C’est ce qu’on entend en effet dire des travailleurs privés d’emploi, qu’on appelle « chômeurs ». Car le chômeur est considéré comme le principal responsable de sa situation. Pire encore, il se complairait dans une certaine oisiveté. Or, sa réalité quotidienne n’a rien d’enviable, d’autant que le gouvernement fédéral a adopté récemment de nouvelles mesures de dégressivité des allocations de chômage. Il est donc grand temps de casser le mur de ces préjugés et de prôner une vraie démarche collective dans l’accompagnement des travailleurs privés d’emploi.

[Note à l'attention des internautes : les tableaux de cet article ne sont disponibles que sur la version papier de la revue. Voir sur cette page en haut à droite : "Pour recevoir Démocratie"]


«Ils gagnent plus que moi qui travaille »... « L’État belge est trop généreux »... « Le chômage, c’est la faute aux étrangers »... « Les jeunes ne veulent plus faire d’efforts »... « Les femmes profitent du chômage pour cocooner »... Et, incontournable parmi les incontournables : « Quand on veut on peut ! ».
Ces petites phrases s’entendent ici et là. Comme on a entendu parler un peu partout (à défaut de l’avoir vue) de cette femme de médecin (« que le cousin de la belle-sœur de ma voisine connaît bien ») qui venait pointer en Mercedes, du temps du pointage.
« Un peu partout ». « Ici et là ». « On a entendu dire... ». « On en connaît qui... ». Mais qui ? Qui parle et diffuse, répercute, contribue à rendre légitimes ces petites phrases qui font mouche, qui finissent par percoler dans les esprits ? L’opinion publique, sera-t-on sans doute tenté de répondre. Certes, ces phrases s’entendent dans la rue, dans les transports publics, dans les cafés et même dans les cours de récréation. Car les enfants répètent ce qu’ils entendent à la maison. Mais évidemment, ils ne sont pas les seuls. L’opinion publique a tendance à se fonder sur ce qui est dit, affirmé, écrit, répercuté par les « milieux autorisés ». Entendez, comme disait l’ami Coluche, les milieux autorisés à penser.
Quand un ministre libéral francophone (Charles Michel) commence à opposer ceux qui se lèvent à cinq heures pour travailler et ceux qui profitent ; quand une ministre socialiste flamande (Monica De Coninck) assène que « tout qui a des pattes doit travailler » au moins quelques heures ; quand un grand quotidien (Le Soir) consacre un dossier « tabou » intitulé « les chômeurs sont des profiteurs » ; quand une administration publique (Service d’information et de recherche sociale) crée un site internet invitant le citoyen à dénoncer la fraude sociale... Et quand les médias embrayent pour donner large écho à ces discours, alors les petites phrases bâties sur des préjugés et nourries de frustrations diverses commencent à avoir droit de cité. Elles deviennent « vraies ». On a le droit de les dire tout haut. Il ne reste plus au gouvernement qu’à achever de les cautionner en sanctionnant l’ensemble des chômeurs par des mesures de dégressivité des allocations.

Dégressivité accrue

En 2012, le gouvernement fédéral a en effet décidé, dans le cadre des mesures d’assainissement budgétaire, d’accroître la dégressivité des allocations de chômage. Cette mesure devrait rapporter 100 à 150 millions d’euros à l’État. C’est bien peu en regard du déficit public. En revanche, l’impact sera conséquent pour le budget étriqué des personnes touchées par cette mesure. Les trois catégories de chômeurs complets indemnisés (cohabitants, isolés et chefs de ménages) sont concernées, soit 130.000 personnes. Mais les cohabitants l’ont été en premier lieu, depuis le 1er novembre 2012. La réaction des syndicats a ouvert des négociations qui ont au moins permis d’exempter de cette mesure de dégressivité les personnes qui ont une carrière de minimum 20 ans, celles qui ont plus de 55 ans et celles qui ont une incapacité de travail d’au moins 33 %.
Concrètement, depuis le 1er janvier 2013, la dégressivité prévue s’organise grosso modo de la sorte: l’allocation de chômage des trois premiers mois égale 65 % de la rémunération plafonnée (au lieu de 60 % précédemment). Ensuite, le montant de l’allocation perçue diminue beaucoup plus rapidement que précédemment et est fonction du passé professionnel de la personne concernée 1. En bout de course, l’allocation est limitée à un forfait d’environ 1.100 euros par mois pour un chef de ménage.

Briser le mur des préjugés

L’objectif de la campagne est culturel : il s’agit de créer une brèche dans le mur des préjugés en opposant à l’imagerie du « chômeur profiteur » la multiplicité des réalités vécues par les personnes sans emploi. Ainsi, les Équipes populaires et Présence et action culturelles ont voulu s’attacher à détruire quelques clichés qui ont la vie dure. Petit tour d’horizon.

Faites mieux avec moins !

Thierry est au chômage. En tant qu’isolé, il perçoit une allocation mensuelle de 785,51 euros. Prenons le temps de faire le compte des frais qu’il doit assumer pour subsister. Il verse un loyer de 375 euros et 100 euros pour les charges énergétiques. Il dépense en moyenne 200 euros pour manger, 50 euros pour se déplacer, 25 euros pour se soigner, la même somme pour passer quelques coups de fil et encore 20 euros pour des soins médicaux. Après quoi, il lui reste tout juste 5 euros. Pas assez pour acheter des timbres ni pour disposer d’une connexion internet, pourtant nécessaires pour la recherche d’un emploi ; pas de quoi s’abonner à un journal, offrir un cadeau d’anniversaire au gamin, s’offrir une sortie...
Ce compte, madame De Coninck, ministre de l’Emploi, n’a vraisemblablement pas jugé bon de l’effectuer. Cela explique sans doute la curieuse réponse qu’elle a donnée à la question posée par la députée Zoé Genot (Ecolo). Cette dernière lui demandait, en janvier 2013, ce que les premières mesures de dégressivité des allocations de chômage, visant les cohabitants, avaient rapporté au budget fédéral. « Rien du tout, lui fut-il répondu. Ce n’est pas l’objectif. L’objectif est d’aider les gens et de les stimuler à trouver un job ».
Les motivations du gouvernement à réduire les allocations ne seraient donc pas (ou très peu) d’ordre budgétaire 2. À celles et ceux qui se demanderaient alors en quoi diminuer des moyens déjà trop étriqués pour vivre décemment contribue à soutenir et stimuler la recherche d’un emploi, nous pouvons avancer cette réponse : il suffit de (faire) croire que les chômeurs se complaisent dans leur malheur, parce qu’il s’accompagne d’une bienheureuse oisiveté.

Se sentir diminué(e)

Ce n’est pas tout à fait ce que dit Sylvie, 43 ans, l’un des témoins interviewés. Artiste comédienne de formation, Sylvie a donné cours, travaillé dans l’Horeca, s’est reformée en cours du soir et a pris un emploi dans un service psychiatrique avant que la maladie ne l’éloigne de l’emploi. Une fois rétablie, elle peine à retrouver un nouveau poste et accumule les réponses négatives : « Le plus dur pour moi est de dépendre des autres. Je n’ai jamais voulu cela. On demande aux chômeurs d’être en forme, d’avoir plein d’énergie. Or, on ne peut pas avoir une vie sociale parce qu’on n’en a plus les moyens. Ton pouvoir d’achat diminue et tu ne peux plus sortir. Tu te sens diminuée socialement, économiquement. Ça marginalise. Sans travail, on perd une partie de son identité ».
Ce terrible sentiment d’être privé d’une part de ce qui construit l’être humain (la confiance en soi, les relations, l’espoir de progresser...) pousse de nombreuses personnes à accepter un travail quand bien même il s’avérerait financièrement moins intéressant que le chômage. Car, en effet, des situations où le chômage est plus avantageux financièrement que l’emploi proposé existent, mais elles sont loin d’être la norme. Philippe Defeyt, économiste à l’Institut pour un développement durable et président du CPAS de Namur estime que : « (cela) concerne principalement les demandeurs d’emploi seuls ayant des enfants à charge, bénéficiant d’une allocation de chômage ou d’un revenu d’intégration au taux ménage, à qui l’on propose des emplois à temps partiel et/ou faiblement rémunérés. Dans la plupart des autres situations, un chômeur ou un bénéficiaire du revenu d’intégration a – financièrement – avantage à accepter un travail » 8. Voilà qui tord le cou à l’idée que les « pièges à l’emploi » 9 poussent massivement les chômeurs à paresser.

Le retour du bouc émissaire

Il y a quelques mois, l’enseigne Décathlon à Verviers organisait un recrutement pour 45 postes de vendeurs. Elle a reçu plus de 800 candidatures. Conclusion : 755 personnes n’ont pas été retenues, par la force des choses. Quelques jours avant l’action de campagne des Équipes populaires et de Présence et action culturelles, l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES) estimait qu’il existe une offre pour cinq demandeurs d’emploi en Wallonie, ce qui est un chiffre minimaliste !
Voir le problème chez le chômeur plutôt que dans le chômage est une histoire ancienne, une ritournelle qui revient à chaque vague de crise économique. Pour tirer les leçons de l’histoire sociale à propos de la stigmatisation des sans emploi, l’éclairage du Carhop (Centre d’archives et de recherche de l’histoire ouvrière) est précieux : « Le chômage fait peur, il inspire tout un ensemble de fantasmes sociaux et politiques qui opacifient les vrais enjeux du débat : manque d’emplois, creusement des inégalités sociales... ».
Les premières caisses de chômage s’organisent après la crise et la révolte de 1886. Ces initiatives privées, financées par des cotisations, visent à assurer aux travailleurs un revenu de remplacement en cas de chômage. À la fin du 19e siècle, les pouvoirs publics commencent à intervenir dans le financement des caisses d’assurance et en 1920, naît une assurance-chômage libre subsidiée que l’État contribue à financer. Un Fonds national de crise est également créé. Au grand dam du patronat qui renâcle. Car l’assurance d’un revenu de remplacement en cas de perte d’emploi limite le pouvoir de pression sur les salaires. Or, en 1921, une crise éclate. La droite lance une campagne dénonçant les « abus » que commettraient les chômeurs. « Les préjugés du « chômeur profiteur », observe Christine Machiels, sont alimentés par les dirigeants d’entreprise ». Conséquences : le droit au revenu de remplacement est raboté et le chômeur qui veut prétendre à l’aide du Fonds national de crise devra prouver qu’il est « en état de besoin ». Nouvelle crise en 1930 et nouvelle offensive du patronat : « il s’agit de réduire au maximum les allocations pour « aiguiser » le goût du travail à n’importe quel salaire ». En 1933, le gouvernement se dote des pouvoirs spéciaux et vote des arrêtés qui conditionnent davantage le régime de chômage et organisent la chasse aux « abus ». Principales victimes : les jeunes, les étrangers, les femmes mariées. Quand on dit que l’histoire se répète...

Ce que femme veut ?

C’est aussi un cliché fort répandu, qui veut que les femmes profitent du chômage pour faire du cocooning. À force de constater à quel point le travail des femmes se conjugue au temps partiel, on s’arrangerait bien de croire que c’est parce qu’elles le veulent bien. Archifaux. Seulement 11 % des femmes qui subissent cette réalité de travail l’ont choisie. C’est que, malgré un parcours scolaire majoritairement plus étoffé que celui des hommes, les femmes sont plus fragilisées sur le marché de l’emploi. Elles sont aussi très durement touchées par les premières mesures de dégressivité qui ont visé les demandeurs d’emploi cohabitants.
Dans une interview pour le Journal Ensemble ! du Collectif solidarité contre l’exclusion, Hafida Bachir, présidente de Vie féminine, rappelait que ce statut de cohabitant connaît une dégressivité depuis plus de trente ans : « Ce sont majoritairement des femmes qui sont concernées. Même si elles ont travaillé à temps plein, elles se retrouvent avec une allocation de 474 euros ». À côté de cela, les structures d’accueil de la petite enfance manquent de places, ce qui handicape recherche d’emploi et vie professionnelle.

Emploi partiel imposé

Selon Philippe Defeyt, il manque en Belgique au moins 500.000 emplois pour satisfaire la demande. Les jeunes sont particulièrement mal servis. Alors, on prend ce que l’on peut. Et non pas ce qu’on veut, nécessairement. Compte tenu de cette réalité et d’autres contraintes qui handicapent l’accès à un emploi à temps plein, globalement, la proportion de travailleurs et de travailleuses qui travaillent à temps partiel sans l’avoir vraiment désiré est de 49,6 % (voir le tableau en page 8), soit près de la moitié. « Quand on veut, on peut » ?

Se faire entendre

C’est l’une des grandes leçons à tirer des diverses activités, des contacts, des échanges, qui ont émaillé la campagne « Tous des glandeurs !? ». Nous avions voulu interpeller l’opinion publique et surtout celles et ceux qui travaillent et se disent peut-être (un peu, beaucoup) que s’ils le voulaient vraiment, ces chômeurs trouveraient un job, et que la Belgique ne peut plus continuer d’être un paradis pour eux.
Et certes, nous avons eu des retours intéressants, même s’il est difficile d’évaluer l’impact d’une action ponctuelle de ce type. Mais ce que nous avons pu mesurer également, c’est que les personnes qui sont privées d’emploi se sentent aussi souvent privées de parole et terriblement seules dans les démarches qu’ils entreprennent pour (re)trouver un emploi. D’où l’importance de mettre sur pied des initiatives collectives pour faire face à cet isolement comme comme les groupes de théâtre-action, les collectifs d’écriture et autres lieux d’échange et de construction d’expression collective que développent notamment les syndicats 10. Diversifier et démultiplier de telles démarches sont l’une des conditions de la mobilisation à laquelle tant de gens aspirent.
Et beaucoup sont venues lors des soirées d’animations qui se sont déroulées dans les fédérations, souvent avec la collaboration des syndicats. Beaucoup ont témoigné de leur parcours, soulevé des questions, démontré les facettes absurdes du système, exprimé aussi le désir d’une force d’action mobilisatrice qui allierait travailleurs avec et sans emploi dans une dénonciation forte de cette « machine à broyer » qui s’appelle activation, mais qui pompe les énergies. Une telle force d’action est possible si l’on brise la logique du « diviser pour régner » en s’attachant à re-coaliser travailleurs avec et sans emploi autour de la conscience que la sécurité sociale est le fruit d’un combat collectif. Cet objectif d’éducation permanente doit viser aussi à soutenir des pistes alternatives. Ensemble, contre l’austérité destructrice, réclamons des emplois de qualité, un partage collectif du temps de travail, la création d’emplois dans les secteurs vecteurs d’une transition juste (économie sociale, aide aux personnes, logements basse énergie...), une politique de formation ambitieuse, ainsi qu’une fiscalité plus juste qui fasse participer le capital et contribue à un partage équitable de la richesse produite. #

 

 Les chômeurs belges sont les plus actifs pour rechercher un job !


Début 2012 donc, le gouvernement fédéral décidait d’augmenter la dégressivité des allocations de chômage (car la dégressivité existe déjà, contrairement à ce que l’on pense parfois). La mesure est entrée en vigueur le
1er novembre 2012. Objectif affiché : stimuler la recherche d’emploi.
La même année pourtant, la CSC relevait les conclusions d’une enquête d’Eurostat 3. Selon les données recueillies, les demandeurs d’emploi belges sont les champions d’Europe de la recherche active d’emploi : « Cette étude menée dans les 27 pays de l’Union européenne classe la Belgique comme le pays affichant le plus important taux de personnes qui, dans les faits, cherchent effectivement un travail lorsqu’elles sont disponibles sur le marché de l’emploi » 4. Encore un cliché brisé !
Et une patate chaude dans le camp du gouvernement ? Comment en effet justifier encore la décision prise, sinon en souscrivant à l’analyse que livre le professeur de théorie du droit, Laurent De Sutter, qui rappelle l’utilité d’un principe aussi ancien et éprouvé que la politique : diviser pour régner. « Présenter les chômeurs comme autant d’occurrences de l’affolement d’une machine de sécurité sociale coûtant chaque jour davantage aux contribuables est une manière de laisser croire qu’il existe, dans la population d’une société, deux catégories différentes de citoyens : ceux qui paient et ceux qui ne paient pas. Et ceux qui ne paient pas, parce qu’ils coûtent au lieu de rapporter à un moment ou l’antienne de la diminution des coûts est devenue de l’ordre du credo, ne semblent plus être en mesure de faire valoir de raison à leur existence, face à l‘héroïsme de ceux qui paient » 5. #

 

 Un accompagnement collectif


Les Travailleurs sans emploi (TSE) de la CSC ont construit un plaidoyer sur l’accompagnement des demandeurs d’emploi proposant des alternatives au modèle « de reclassement » et visant à lutter contre la stigmatisation 7. Il ressort de ces travaux que les politiques de reclassement accentueraient autant le découragement des demandeurs d’emploi que celui des professionnels supposés accompagner leur réinsertion. Pourtant, des approches plus collectives existent sur base d’un travail en commun basé sur la restauration de la confiance et de l’autonomie.
Dès le moment où professionnels et acteurs concernés peuvent trouver leur place dans un ensemble dynamique doté d’une plus grande capacité d’interaction et de réactivité, les bénéficiaires sortent du simple rôle d’assisté ou de sinistré pour participer à un processus social innovant. Ce processus social est la base d’un désir plus large d’action et d’un besoin mieux défini de réponses collectives pertinentes à des problèmes non exclusivement individuels.
La force du collectif consiste donc à créer un espace communautaire dans lequel différents types de relation se modifient spontanément et ouvrent de nouvelles opportunités. Quatre types de relation peuvent ainsi être identifiés :
La relation au savoir et à l’information se modifie : le collectif est un lieu d’échange de savoir, de compétences et de pratiques ; il comporte un effet de communication qui permet de gagner du temps, tout en évitant la dépendance créée par le face-à-face avec l’expert ou le professionnel.
La relation aux autres se modifie : le collectif évite l’isolement, la culpabilité, l’impression qu’on est seul à vivre une exclusion, qu’on ne peut compter que sur soi. Il y a stimulation réciproque des projets de vie, émulation, reconnaissance du potentiel de chacun, réveil.
La relation au marché se modifie : le collectif permet de dédramatiser, d’améliorer l’efficacité des stratégies personnelles envisagées (par comparaison), de mettre en avant les atouts, de mieux rencontrer l’offre. Il y a un gain d’autonomie dans le projet de vie et l’anticipation de l’avenir.
La relation à la société se modifie : à travers cette démarche, la personne redevient actrice de son projet de vie, elle fait mieux la part entre ses capacités individuelles et les dysfonctionnements de son environnement, elle acquiert une capacité critique des politiques supposées rencontrées ses besoins, elle peut traduire ses révoltes ou ses mécontentements en les reliant à d’autres situations, en les généralisant et en formulant des revendications collectives (parce qu’elle ne se considère plus comme seule en cause).

Ainsi, la plus-value du collectif dans l’accompagnement des demandeurs d’emploi par rapport aux processus individuels est importante parce qu’elle repose :
–    sur un effet de participation : vecteur immédiat de resocialisation et de sollicitation à un comportement plus créatif ; le collectif est aussi une garantie par rapport au risque de décrochage et par rapport à l’accès aux droits ;
–    sur un effet de communication :  il permet d’éviter les biais d’information et de limiter la relation de dépendance à l’égard d’un seul pôle détenteur du savoir et de l’autorité ;
–    sur un effet d’apprentissage citoyen : il permet de découvrir un rôle plus large et plus structurant que celui de demandeur d’emploi : il s’agit d’un rôle de citoyen, capable de participer à l’évaluation des réglementations et de proposer de meilleures voies de solution.

L’action collective envisage donc une coopération plus efficace et plus large entre tous les acteurs concernés, tout en rendant les bénéficiaires plus autonomes et plus confiants dans leurs capacités. Alors que la répression engendre à son tour du sous-emploi sans conduire à l’activation, il est urgent d’apporter des solutions nouvelles, collectives et réellement innovantes. #

Marc Maesschaelck, philosophe (UCL)
et Pedro Rodriguez, responsable national
des Travailleurs sans emploi (TSE) à la CSC.



1. Pour plus d’informations et de détails : Daniel Flinker, « Faire preuve d’une agressivité accrue envers les chômeurs », Ensemble !, n°77, Décembre 2012 - Mars 2013, publié par le Collectif solidarité contre l’exclusion. Voir aussi la fiche info (et le tableau de synthèse qui l’accompagne) réalisés par la CSC et mis en ligne sur : http://www.csc-en-ligne.be/droit_social/chomage/chomage.asp
2. Pour rappel, on parle de 100 à 150 millions d’euros d’économies pour l’ensemble des catégories de chômeurs complets.
3. Eurostat statistics focus, 56/2011
4. Pedro Rodriguez, « La chasse aux chômeurs reste plus que jamais un sport national », publié sur le site de la CSC le 8 février 2012 : http://www.csc-en-ligne.be/Actualite/Communiques/detail/chasse_aux_chomeurs.asp. Pedro Rodriguez est le responsable national des Travailleurs sans emploi (TSE) de la CSC.
5. Laurent De Sutter, « Éloge des chômeurs », 6 novembre 2013, publié sur La Libre.be : http://www.lalibre.be/debats/opinions/eloge-des-chomeurs-5279c84235703e420f40652a
6. Les témoignages auxquels il est fait référence dans cet article ont été publiés dans l’ouvrage de Laurence Delperdange et Christophe Smets, Chroniques du No Job’s land. Douze témoins en quête d’emploi, publié par les Équipes populaires et Présence et action culturelles, Septembre 2013. Des extraits sont également publiés dans le journal « Tous des glandeurs !? » , même édition, paru le 24 septembre 2013.
7. Voir la brochure pédagogique « Devenir acteurs pour combattre les préjugés », réalisée par la FEC-CSC et téléchargeable sur http://www.csc-en-ligne.be
8. Sauf mention spécifique, les citations des personnes ou organismes ressources reprises dans cet article proviennent du journal de la campagne, op.cit.
9. Un « piège à l’emploi » est « une situation où l’incitant pour le demandeur d’emploi à chercher ou accepter un emploi est insignifiant, voire inexistant ».
10. Quelques-unes de ces initiatives ont pu être mises en valeur lors de la campagne, comme le film réalisé en front commun CSC-FGTB avec des travailleurs sans emploi : « Chômeurs malgré eux », le magnifique ouvrage collectif des TSE de la FGTB au Luxembourg : « Chemin faisant » ou encore une percutante saynète satirique des TSE de la CSC Mons : « Jugement en place publique ».

 Crédit photographie : wisaflcio

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