La longue crise politique pour la formation d’un gouvernement fédéral s’est terminée par un accord sur une 6e réforme de l’État en octobre 2011. La scission de l’arrondissement électoral et judiciaire de Bruxelles-Hal-Vilvorde a pu probablement apparaître comme la mesure la plus importante. Pourtant, la réforme du financement des Régions et Communautés et le transfert des compétences de sécurité sociale aux entités fédérées auront davantage de conséquences pour l’ensemble des citoyens. Retour sur les enjeux de ce transfert portant sur les allocations familiales, une partie de l’assurance soins de santé1 et certaines compétences de l’ONEM, dont le contrôle des chômeurs. Et sur la position du MOC qui n’était pas favorable à ce transfert et plaide pour certains principes d’organisation et de gestion et défend la solidarité entre les personnes dans les mécanismes de financement, ainsi que la plus grande convergence possible entre les protections sociales wallonne, bruxelloise et germanophone.

 
Les partis politiques francophones, la FEB et les organisations sociales ont toujours refusé une scission - même partielle - de la sécurité sociale, au nom de la solidarité entre les personnes et de l’efficacité du système. En revanche, le Parlement flamand s’était prononcé dès 1999 pour une scission des allocations familiales et des soins de santé. En réalité, divers arguments en faveur de la défédéralisation ont été avancés au fil du temps.
– Dans les années ‘80, était mise en avant l’importance des transferts financiers dits « non justifiés » de Flandre vers la Wallonie et Bruxelles. Mais ces écarts ont globalement été réduits à néant dans les années ‘90.
– Le second argument est lié au fait que des compétences de santé, comme la prévention et la politique familiale (hors allocations), étaient déjà communautarisées. Côté flamand, on souhaitait réunir ces compétences dans des « paquets homogènes de compétences » sous le même niveau de pouvoir afin de mener des « politiques cohérentes ».
– Troisième argument : les régions vivent des situations trop différentes que pour mener une politique commune en matière d’emploi. Au début des années 2000, il est en effet apparu qu’il était difficile de s’accorder sur les mesures à prendre en matière d’emploi au fédéral, notamment en matière d’activation des chômeurs, parce que la Flandre connait une relative pénurie de travailleurs qualifiés en beaucoup d’endroits alors que le chômage reste important en Wallonie et à Bruxelles. Une série de mesures d’emploi passant par l’ONEM seront donc transférées aux Régions ainsi que le contrôle des chômeurs, même si les règles en cette matière resteront fédérales.
– Enfin, de nombreux acteurs se sont prononcés en Flandre pour une responsabilisation des Régions et des Communautés. C’est pourquoi le nouveau financement des entités fédérées modifiera à la baisse les mécanismes de solidarité et attribuera davantage de pouvoir fiscal aux Régions. Ceci, pour inciter les entités fédérées à mener des politiques plus efficaces, notamment en matière économique et d’enseignement, ce qui contribuera à réduire les transferts Nord-Sud de sécurité sociale. Un plus haut taux d’emploi par exemple ferait baisser les dépenses fédérales de chômage et augmenter les rentrées de cotisations. Ces arguments évidemment discutables2 côtoient d’autres ressorts comme les stéréotypes, amplifiés par la poussée nationaliste des dernières années.

L’accord institutionnel de l’automne 2011

Que prévoit l’accord entre les partis qui ont depuis formé le nouveau gouvernement fédéral, plus ECOLO et Groen ? Il transfère aux Communautés les allocations familiales (5,9 milliards d’euros en 2011) et confirme un accord antérieur de leur transférer le FESC (Fonds des équipements et des services collectifs - 78 millions d’euros) qui finance des services d’accueil de l’enfance. Dans le domaine de la santé, les Communautés reçoivent principalement les soins en maisons de repos (MR) et en maisons de repos et de soins (MRS), les soins en maisons de soins psychiatriques, les centres de revalidation, les normes d’agrément et les investissements hospitaliers, les compétences de prévention qui étaient restées fédérales et l’aide à la personne âgée (dépendante) (APA)3, le tout pour 4,2 milliards d’euros. Par contre, vu que la politique de l’emploi est déjà largement régionalisée, c’est aux Régions que reviennent le contrôle des chômeurs ainsi que des mesures d’emploi comme les titres-services, les réductions de cotisations pour les groupes cibles, la réinsertion des bénéficiaires du revenu d’intégration sociale (art. 60 et 61), le congé-éducation payé, l’octroi de permis de travail, etc. Pour Bruxelles, les allocations familiales et les soins de santé ne dépendront pas de la Communauté française (Fédération Wallonie-Bruxelles), mais de la COCOM4 pour éviter que les Bruxellois reçoivent des allocations et des prestations de santé différentes selon leur appartenance linguistique. Mais il y a encore des différences d’interprétation. Par exemple, les maisons de repos francophones et flamandes unilingues dépendront-elles de la COCOM ou respectivement de la COCOF ou de la VGC ? La réforme prévoit également que chacune des branches de la sécurité sociale des entités fédérées recevra une dotation du Fédéral sur base des dépenses au moment du transfert, sauf pour les matières liées à l’emploi où seuls 90 % du budget seront transférés. Les dépenses d’allocations familiales seront réparties entre entités sur base du nombre d’enfants de 0 à 18 ans, celles de soins de santé aux personnes âgées et d’APA sur base des plus de 80 ans et les autres soins en fonction de la population totale, tandis que les matières d’emploi le seront sur base des recettes d’imposition des ménages perçues dans chaque Région. Or, ces clés de répartition défavorisent clairement Bruxelles et la Wallonie. Par exemple, on ne tient pas compte du fait qu’il y a davantage d’allocations familiales majorées versées aux parents au chômage, ou que la durée moyenne des études au-delà de 18 ans est supérieure à cause d’un taux plus élevé de redoublements et d’une durée plus longue des masters francophones. C’est une traduction du principe de responsabilisation évoqué plus haut. Autre exemple, les matières d’emploi transférées seront financées sur base des recettes fiscales par habitant, moins élevées dans ces entités qu’en Flandre, alors que le chômage y est plus important. Les dotations évolueront suivant des clés. Les dépenses de santé en maisons de repos et MRS croissent bien plus vite (9 % l’an) que la clé (sur base de l’évolution du nombre de personnes de plus de 80 ans, de l’inflation et de 82,5% de l’évolution du PIB par habitant). L’écart croissant pèsera un peu plus lourd en Wallonie qu’à Bruxelles parce que le vieillissement de la population wallonne sera plus rapide5. En revanche, le sous-financement des allocations familiales s’accentuera davantage à Bruxelles vu son plus haut taux de natalité. D’où l’importance d’une solidarité Wallonie-Bruxelles.

Le transfert fait craindre que des droits de sécurité sociale qui bénéficient aujourd’hui aux personnes soient transformés en subsides à des institutions

 Des droits de sécurité sociale

Le transfert fait craindre que des droits de sécurité sociale qui bénéficient aujourd’hui aux personnes soient transformés en subsides à des institutions comme des maisons de repos. Le transfert fait craindre que des droits de sécurité sociale qui bénéficient aujourd’hui aux personnes soient transformés en subsides à des institutions comme des maisons de repos. Il fait aussi craindre que l’on diminue les allocations familiales pour financer davantage de crèches ou de maisons de repos. La tentation sera grande, vu le sous-financement évoqué plus haut. Or, même s’il est nécessaire de remédier au manque de places d’accueil de l’enfance, les allocations familiales constituent pour beaucoup de familles un complément indispensable pour ne pas sombrer dans la pauvreté. Elles ont aussi l’avantage de bénéficier à tous les enfants et pas aux seuls usagers de services. Quant aux maisons de repos, elles sont financées suivant le degré de dépendance de leurs pensionnaires, mais c’est le pensionnaire qui bénéficie du droit à cette intervention. L’argent suit le patient, qui a le libre choix de la maison de repos comme du médecin. Dans un système de subsidiation, les maisons de repos seraient financées suivant des normes qualitatives, mais indépendamment de l’appréciation des pensionnaires et des familles. Pour éviter ces dérives, les droits à la sécurité sociale et les niveaux actuels de couverture relevant des matières transférées devraient être garantis par la Constitution et précisés dans une loi spéciale votée à la majorité des deux tiers.

 Gestion paritaire et concertation sociale

 Si notre sécurité sociale est fortement légitimée dans la population, c’est parce qu’elle est solidaire, efficace et performante, et qu’elle s’adapte aux besoins de la société. Pour chacun qui contribue à son financement sa vie durant, il est important que ses droits ainsi constitués soient préservés et qu’ils donnent lieu effectivement aux allocations escomptées et beaucoup plus tard à une pension, à des remboursements suffisants des soins dont les coûts croissent avec l’âge. Or, la gestion de la sécurité sociale réunit une pluralité d’acteurs qui ont l’expérience de conclure des accords avec une adhésion suffisante pour qu’ils soient respectés. C’est ainsi qu’il est possible de maintenir une sécurité des tarifs pour les patients, de limiter les déconventionnements, les suppléments et la marchandisation lucrative des secteurs essentiellement non marchands publics et associatifs. Les acteurs se perçoivent comme les garants d’un paquebot qui doit tenir la route à long terme et qui ne peut être soumis au seul gré des changements de coalition et de ministres. Il ne peut donc être question de transférer les compétences à des administrations directement et uniquement gérées par les pouvoirs publics. La sécurité sociale doit rester une entité distincte de l’État, mais qui fonctionne grâce à une concertation sociale permanente avec les ministres et gouvernements. Le transfert de compétences doit donc s’accompagner de la mise en place de comités de gestion paritaire réunissant les acteurs actuellement impliqués6 et qui se retrouveront représentés dans les diverses entités fédérées comme au Fédéral. Les mutualités qui font partie de ces acteurs remplissent aussi le rôle d’organisme assureur ou d’administration du système de soins ainsi que les caisses d’allocations familiales. La transposition du modèle devrait éviter toute rupture de continuité dans le système. Les allocations familiales doivent continuer à être versées sans délai aux familles. Les centres de revalidation et les MRS ne doivent pas subir de retard de facturation, même si leurs patients viennent de Wallonie, de Bruxelles et de Flandre.

 Wallonie-Bruxelles : quelle architecture ? 

Si l’accord institutionnel attribue les allocations familiales et les soins de santé aux Communautés française, germanophone et flamande et à la COCOM (totalement ou partiellement), à Bruxelles, il prévoit aussi qu’ils puissent éventuellement être transférés à la Région pour la Wallonie francophone. Pourquoi cette possibilité ? Sans doute parce que les partis francophones ne savaient pas encore s’ils pourraient gérer leur protection sociale fédérée en commun et que plusieurs options étaient en débat. Pourquoi les Francophones attachés au caractère fédéral de la sécurité sociale allaient-ils scinder leur modèle fédéré? Le risque est de voir diverger les droits des habitants de Bruxelles et de Wallonie et de construire un système kafkaïen de coordination administrative et de refacturation entre entités pour maintenir le droit à la mobilité des personnes ? Par exemple, en cas de transfert aux Régions, le séjour d’un patient bruxellois accueilli dans une MRS wallonne serait alors facturé à la Région wallonne, celle-ci devant ensuite le refacturer à la COCOM. Et le tarif wallon risquerait à terme d’être différent du tarif bruxellois comme d’ailleurs les suppléments réclamés au patient. La complexité toucherait aussi les centres de revalidation, car étant très spécialisés, ils accueillent des patients originaires de plusieurs régions. Par ailleurs, beaucoup de compétences de santé sont déjà du ressort de la Région, comme l’agrément des maisons de repos, d’autres sont à la Fédération Wallonie-Bruxelles comme la prévention. En politique familiale, l’ONE dépend de la Fédération. Mais contrairement à la Fédération, la Région a un pouvoir fiscal qui lui permettrait de refinancer ces matières transférées. On sait aussi que la répartition des tendances politiques diffère sensiblement entre Wallonie et Bruxelles. Un parti dominant l’est davantage dans une des Régions qu’à la Fédération, comme le PS en Wallonie et le MR à Bruxelles. Transférer à la Région lui donnera plus de pouvoir et d’autant plus si le système est géré par l’administration régionale. Un autre argument fait davantage pencher la balance vers la Région : gérer les soins de santé et les allocations familiales dans des comités de gestion et des administrations communes au niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles est une aventure politiquement périlleuse, car en vertu de la protection de la minorité flamande à Bruxelles, celle-ci peut bloquer une décision à la COCOM.7 Enfin, comment la Communauté germanophone qui ne compte guère plus de 75.000 habitants pourra-t-elle faire face aux conséquences financières et administratives d’une gestion en solo sans coopération avec d’autres entités ? Face à toutes ces questions et tenant compte des réalités politiques et institutionnelles présentes, le MOC propose un schéma organisationnel, qui peut tenir à terme.8 L’exercice des compétences de soins de santé, d’allocations familiales et d’emploi irait à trois entités : la Région wallonne, la COCOM et la Communauté germanophone, mais une concertation préalable à toute décision importante se tiendrait dans un organe de coordination pour éviter que les systèmes ne divergent et pour concrétiser la solidarité financière entre ces entités. Par ailleurs, un organe de gestion faîtier « Wallonie-Bruxelles » et paritaire réunirait les acteurs représentés au niveau des organismes paritaires régionaux afin d’assurer une coordination règlementaire, administrative et financière. Ces organismes d’intérêt public (OIP) cogérés par les acteurs comme dans les parastataux fédéraux de sécurité sociale (INAMI, ONEM, ONAFTS…) seraient au nombre de trois dans chaque entité : outre un OIP en charge de l’emploi et un autre gérant les allocations familiales, le dernier OIP regrouperait les compétences relatives aux soins de santé, aux personnes handicapées et à l’APA9.

Principes défendus par le MOC

 La défédéralisation d’une partie de la sécurité sociale n’est pas le choix du MOC et de ses organisations10 qui s’y sont toujours opposés. Mais le Mouvement veut limiter les pertes de solidarité et d’efficacité que le transfert occasionnera. Pour ce faire, il demande de respecter plusieurs principes.
- Il faut éviter que se creuse un écart global entre les couvertures sociales des entités du pays et toute surenchère visant à attirer des habitants d’autres régions, notamment de Bruxelles vers la périphérie.
- On doit empêcher que se développent des couvertures séparées et divergentes sur base linguistique à Bruxelles, par exemple à travers des avantages aux usagers des services unilingues dépendant d’une Commission communautaire. Ce qui serait une manière de contourner le refus de la « sous-nationalité ».
- Il ne serait pas acceptable que les droits, les niveaux de prestations et les modalités d’octroi divergent progressivement entre Bruxellois et Wallons et entre Francophones et Germanophones. La légitimité dont jouit la sécurité sociale en pâtirait. Les gens ne comprendraient pas que les partis qui n’ont pas voulu la défédéralisation ne cherchent pas à éviter une telle dérive centrifuge entre entités : des allocations de naissance et des tarifs de soins en MRS qui diffèrent, le contrôle des chômeurs plus ou moins sévère, etc. Le « tout aux Régions » sans plus, y conduirait certainement. Le MOC demande donc que des procédures de concertation soient rendues obligatoires avant toute décision importante. Il propose également une structuration semblable, « en miroir », des protections fédérées wallonne, bruxelloise et germanophone. Par exemple, les OIP pour les soins de santé seraient cogérés par les mêmes acteurs dans chaque entité, ce qui serait déjà un facteur de concordance des systèmes. Car les pouvoirs publics doivent garantir le droit à la mobilité des personnes, en limitant toute complexité administrative par des règlementations identiques et des coordinations administratives bien rodées. On ne peut admettre que des patients qui doivent aller en revalidation, en maison de soins psychiatriques ou en MRS (ni les institutions qui les accueillent) soient victimes de ce genre de complications.
- Une solidarité financière Wallonie-Bruxelles-Communauté germanophone doit préserver une égalité de couverture. Car il faut pallier la non prise en compte de certains facteurs dans les clés de répartition et d’évolution des moyens (qui constituent une réduction de la solidarité nationale) occasionnant un manque à gagner qui variera suivant l’évolution démographique des régions.
- Pour éviter toute rupture dans les versements des allocations ou dans le paiement des soins, il faut une période de transition suffisamment longue pour les mutualités et les caisses d’allocations familiales. Pendant cette durée, les parastataux fédéraux, comme l’INAMI et l’ONAFTS, continueraient à gérer les matières transférées pour le compte des entités fédérées. La transition devrait aussi se passer dans de bonnes conditions pour le personnel et en sauvegardant l’efficacité du service rendu (collaboration entre entités, économies d’échelle et mise en commun des expertises, identification des fonctions-clés).

Conclusion

Notre sécurité sociale se trouve à un tournant de son histoire. Les acteurs du système et les gouvernements devront piloter la transition pour éviter toute rupture dans le service aux bénéficiaires. Et adopter une organisation de la protection sociale fédérée qui limite et anticipe les difficultés majeures que va occasionner la défédéralisation. Pour cela, il importe de rester sur le sentier de la gestion paritaire et de la concertation sociale qui ont fait leurs preuves. Saisir l’occasion pour renverser les rapports entre les acteurs et précipiter davantage de changements conduirait à l’échec de la transition. Si les contraintes et réalités institutionnelles et politiques ont amené le MOC à accepter une triple architecture wallonne, bruxelloise et germanophone, il plaide aussi pour éviter une divergence de ces protections sociales et leur sous-financement croissant. Une coordination et une concertation permanentes instituées entre les trois entités ainsi que des canaux et modes de financement appropriés et solidaires peuvent permettre de relever ces défis11.

Comment pallier le sous-financement ?

Suivant l’accord institutionnel, les matières transférées seront financées par des dotations. Pour les allocations familiales, une enveloppe correspondant aux dépenses au moment du transfert sera répartie entre entités selon le nombre d’enfants de 0 à 18 ans. La dotation de chaque entité évoluera suivant l’index et le nombre d’enfants. Or, les clés de répartition et d’évolution prévues occasionneront en Wallonie et à Bruxelles une insuffisance de recettes par rapport aux dépenses actuelles et futures tant en allocations familiales qu’en soins de santé. Les dotations pour les soins de santé ne permettront pas de couvrir la croissance des dépenses en maisons de repos et empêcheront de répondre aux besoins. Les conséquences en seraient inacceptables : abandon éventuel des allocations familiales majorées, pénurie de places, marchandisation, transfert de moyens en provenance d’autres secteurs sociaux. Aujourd’hui, on pallie le manque de moyens dans une branche par une gestion financière globale. Mais recréer une gestion globale au niveau de chaque entité entre les matières transférées ne suffira pas. Une gestion globale est efficace dans un grand ensemble. Or, 20 % de la sécurité sociale seront répartis entre quatre entités. Si l’on coupe toute possibilité de transfert financier à partir du niveau fédéral et entre les branches fédérées, notre sécurité sociale risque de glisser vers l’assistance. Le MOC propose plusieurs moyens pour l’éviter.

Les dotations que le Fédéral attribuera aux entités fédérées devront provenir non pas du budget de l’État, mais des recettes globales de la sécurité sociale au niveau national. Une manière pour les acteurs du système d’encore pouvoir décider de refinancer l’ensemble des protections sociales fédérées, par exemple, par une cotisation sociale généralisée (CSG) - à tous les revenus - ou par une réforme de la fiscalité qui fasse davantage contribuer les revenus du capital et des patrimoines et les grandes fortunes. Il y a deux raisons à cette proposition. D’une part, il faut éviter un déficit croissant lié à l’impact du vieillissement sur les soins résidentiels pour personnes âgées et les aides à domicile couvertes par l’APA. D’autre part, même réduite, la solidarité nationale entre les personnes dans le financement des sécurités sociales fédérées a été maintenue par l’accord. Il est donc logique de maintenir cette possibilité de refinancement en commun.

Depuis 1995, les ressources de la sécurité sociale sont affectées annuellement à chacune de ses branches en fonction des besoins a priori. Cette « gestion globale » a permis d’éviter la récurrence de déficits liés à l’insuffisance des recettes, qui mettait chaque fois en péril les taux de remboursement. Le MOC propose que les branches fédérées soient également financées en gestion globale au niveau de chaque entité. De plus, une solidarité devrait être organisée entre les entités wallonne, bruxelloise et germanophone pour les raisons déjà évoquées.

Contrairement aux Communautés et à la COCOM, les Régions peuvent lever des impôts et pourront modifier les additionnels régionaux (qui résulteront du transfert d’une partie de l’IPP fédéral). Mais il y a un doute sur la possibilité pour les Régions de transférer des budgets vers la COCOM et la Communauté germanophone. Par ailleurs, les Régions pourraient par davantage d’aides à l’emploi (APE) accroître le personnel des services de santé et d’accueil de l’enfance. Elles pourraient aussi réallouer une partie des budgets de mesures trop coûteuses par rapport à leurs résultats comme les titres-services. Enfin, une cotisation affectée pourrait être instaurée par les entités fédérées afin de couvrir les aides aux personnes en perte d’autonomie. Elle s’inscrirait dans la perspective de créer une assurance «dépendance».

 

Assurer une cohérence des politiques

 
En transférant notamment les soins en maisons de repos, l’agrément des hôpitaux et les investissements hospitaliers - alors que les soins à domicile et les soins hospitaliers restent au Fédéral - il est devenu encore plus crucial d’articuler les politiques entre toutes les entités au niveau national et entre les différents domaines (comme la prévention et la politique des soins, les soins résidentiels et l’APA, etc.). Par exemple, si faute de budget, les entités fédérées ralentissent les ouvertures de lits MRS par rapport à l’évolution démographique, cela aura des répercussions sur les soins à domicile. Une politique de santé cohérente, efficace et efficiente doit donc être conçue de façon intégrée, et doit prendre en compte la mobilité interrégionale des patients admis en centres de revalidation souvent très spécialisés, ainsi que dans les hôpitaux, surtout les universitaires, en évitant par exemple que l’on investisse dans de nouveaux lits universitaires et appareillages en Wallonie alors qu’une grande partie des patients des hôpitaux universitaires bruxellois habitent en Wallonie.

Notes :

1 La défédéralisation porte sur quelque 14 % des dépenses de l’assurance soins de santé gérée au sein de l’INAMI.
2 Voir à ce propos : « Défédéraliser la sécurité sociale », P. Feltesse, notes d’éducation permanente n°2008-15 et 2008-16 et « La sécurité sociale et le clivage communautaire », P. Reman et P. Feltesse, n° 2011-8 (www.ftu.be/ep/publi.html ).
3 L’APA est un montant versé à la demande pour couvrir les aides à domicile, mais sous condition de revenu.
4 COCOM : Commission communautaire commune ; COCOF : Commission communautaire française ; VGC (COCON) : Commission communautaire flamande.
5 De 2010 à 2040, la population de 85 ans et plus aura augmenté de 42% à Bruxelles, de 109 % en Wallonie et de 145 % en Communauté germanophone ! (Perspectives de population 2010-2060, Bureau fédéral du Plan - spf-Economie, déc 2011).
6 Ces acteurs sont les partenaires sociaux interprofessionnels, les Unions nationales de mutualités, les représentants des professionnels et institutions de soins, ainsi que les autres acteurs représentés à l’ONAFTS (les caisses d’allocations familiales, et côté francophone, Vie Féminine, les Femmes prévoyantes socialistes et la Ligue des Familles).
7 Il suffit que plus des deux tiers des parlementaires néerlandophones ou un ministre s’y opposent.
8 Ce schéma n’engage pas le MOC en cas d’autres évolutions comme de nouveaux transferts de compétences.
9 À Bruxelles cependant, les institutions francophones pour personnes handicapées, par exemple, resteraient gérées par la COCOF.
10 La CSC, la Mutualité chrétienne, Vie féminine, les Équipes populaires et la JOC, sont les organisations constitutives du MOC francophone et germanophone.
11 Retrouvez la position commune du MOC et de ses organisations sur: www.moc.be