L’enquête réalisée par la Commission Santé du MOC Brabant wallon le prouve : chacun n’est pas égal face à la santé. Avec la précarisation qui gagne du terrain, l’accès aux soins de santé de certaines catégories de la population se restreint. Si ce constat n’est pas neuf, l’enquête qui vient d’être réalisée affine l’attitude et le point de vue du public précarisé.


En 1996, la Commission Santé (1) du Mouvement ouvrier chrétien (MOC) avait effectué un premier sondage, auprès des professionnels du secteur médico-social du Brabant wallon, sur l’accès aux soins. Il avait notamment montré que la précarisation s’étendait, touchait notamment un nombre croissant de personnes isolées ou des familles disposant de revenus élevés, mais prises au piège du surendettement. Elle avait aussi montré que les personnes en difficulté avaient tendance à ne pas considérer la santé comme une priorité, ce qui se traduisait par un manque de prévention, des consultations tardives ou le non-respect des prescriptions. « Nous avons voulu actualiser cette étude, explique Alexandra Chaidron, animatrice-formatrice au Ciep (Centre d’information et d’éducation populaire), l’un des services du MOC. Mais cette fois, nous avons mené une double enquête : auprès de professionnels pour étudier l’évolution de la situation, mais également auprès de quelque 250 personnes précarisées (dont un tiers de 26-46 ans), originaires surtout du centre ou de l’ouest du Brabant wallon et rencontrées dans nos centres de formation, des files du chômage, des groupes de parole, des maisons de quartier... ».

Le renoncement aux soins
L’étude passe en revue les habitudes en matière de santé, les comportements face aux médicaments, à l’hospitalisation et la connaissance des moyens et des canaux d’information pour réduire les coûts des soins. Les résultats ne sont pas rassurants : en neuf ans, la situation ne s’est pas améliorée. L’une des principales raisons n’étonnera guère : le prix du logement occupant une place très importante dans le budget, une perte de revenus mène vite à la précarité. Il n’est pas rare que des personnes consacrent au logement entre 60 et 70 % de leurs revenus. Avec des conséquences sur le plan de la santé : au cours des six derniers mois, un quart des personnes interrogées (souvent des chômeurs ou des bénéficiaires du revenu d’intégration sociale) ont renoncé à se faire soigner. «Certaines demandent au pharmacien de choisir ce qui est indispensable dans leur prescription médicale, quand ce ne sont pas les prescriptions médicales qui n’arrivent jamais chez le pharmacien…», précise Alexandra Chaidron. Bon nombre de personnes renoncent aussi à certains soins : 48 % ne vont pas chez le dentiste, voire 62 % pour les personnes dont les revenus sont inférieurs à 1000 euros (environ la moitié de l’échantillon). Même chose pour les verres de lunettes, la kinésithérapie, les visites chez le spécialiste. 44 % des personnes ont de sérieuses difficultés à régler une facture d’hôpital ou à avancer l’acompte à l’admission, tandis que 15 % demandent un étalement de la facture après intervention.

Manque d’informations
Beaucoup ignorent le fonctionnement des systèmes de réduction des coûts de soins de santé : 88 % ne connaissent pas, ou mal, le système du maximum à facturer. Même situation pour le tiers payant. Les médicaments génériques coûtent moins chers mais 65 % des personnes interrogées ne se tournent pas spontanément vers eux. De plus en plus de personnes s’en font une idée assez juste, mais ignorent comment ils peuvent les utiliser. La méconnaissance de ces possibilités de remboursement provoque évidemment leur faible utilisation.
Il existe aussi une série de mesures ciblées et/ou ponctuelles : mammotest gratuit pour les femmes de 50 à 69 ans, chèques contraception (3 euros de réduction par mois) pour les jeunes filles de moins de 21 ans, soins dentaires pour les enfants défavorisés… mais encore faut-il les connaître pour les utiliser.
La Commission Santé du MOC en tire réflexions et lignes d’action. « Quand on dispose de moins de 1.000 euros par mois, on éprouve de réelles difficultés de se soigner, malgré les mesures mises en place par le législateur et par les mutuelles (tiers payant, maximum à facturer...) pour réduire les coûts , explique l’animatrice. Par ailleurs, ces mesures sont souvent méconnues et sous-utilisées ».
Comment informer le public ? L’enquête montre que les personnes accordent la préférence à une information orale donnée par le médecin ou la mutuelle. Et le Ciep de plaider pour une meilleure formation des professionnels de première ligne à l’écoute des publics précarisés et un contenu plus compréhensible encore de l’information donnée par les mutuelles. Quant aux professionnels interrogés, ils pointent notamment une éducation à la gestion financière à l’école ou dans les « écoles de consommateurs » pour les adultes et, pour le public précarisé, des informations plus dynamiques : animations, séances d’échanges, spots radio-télé...
En tant que mouvement d’éducation permanente, le MOC, au travers de sa Commission Santé poursuivra les actions concrètes sur le terrain de la prévention. Mais l’enjeu « santé », il ne faut pas l’oublier, c’est aussi celui de la sécurité sociale et des menaces de détricotage qui pèse sur notre système de solidarité…

Catherine Morenville


1 Renseignements : CIEP-MOC BW, tél. : 067 21 89 91.