Le secteur de l'aide à la jeunesse, on.le sait, est le parent pauvre de la Communauté française. Le financement structurel, l'adaptation des masses, salariales, les, heures prestées, autant de points sensibles sur lesquels reviennent régulièrement les syndicats. Démocratie a rencontré.Jean-Marie Alluin, délégué syndical CNE et éducateur au home la Goudinière à Tournai. Il fait le point sur les acquis et les manques de la dernière négociation.


-La dernière réforme a donné lieu à des négociations serrées avec la Communauté française. Sur quoi ont-elles porté?

Principalement sur le financement des masses salariales, la garantie du maintien de l'emploi subsidiable, les normes d'encadrement et le passage aux 38 h/semaine. L'adaptation des masses salariales est une question récurrente dans le secteur. Il faut savoir qu'à chaque institution est attribué un certain nombre de postes. Ce nombre 4 postes correspond à une masse salariale en principe adaptable puisqu'il faut tenir compte de l'ancienneté et du changement de catégorie du personnel. Là où le bât blesse, c'est que la Communauté française n'a réadapté jusqu'ici que lorsqu'elle avait de l'argent en caisse, c'est-à-dire pas souvent... Dans ce cas, il n'y à pas de miracle: soit on licencie, soit on négocie une réduction du temps de travail et chacun se sert la ceinture, c'est ce que j'appelle le partage de la misère...

-Pourtant en mars dernier, vous avez pu convenir d'une solution définitive à ce problème?

C'est-à-dire que chaque institution a pu introduire une demande de révision de la masse salariale en contre partie de l'acceptation de la réforme. Le problème, c'est que nous n'avons aucune garantie que ce ne soit pas à nouveau gelé pour l'an 2000 puisqu'il n'y a pas de financement structurel, On est toujours sur la corde raide, beaucoup d'institutions doivent .choisir entre privilégier la quantité en engageant que des A2, moins coûteux en termes de salaire ou en privilégiant la qualité, c'est-à-dire en engageant essentiellement des A1 mais en nombre réduit. C'est l'encadrement qui en pâtit... Sans compter la multiplication des contrats précaires"..

- Quelles sont les conséquences de cette réforme sur l'emploi?

Il faut tout d'abord bien comprendre un des axes fondamentaux de la réforme: l'accent mis sur le suivi en milieu de vie, On pousse désormais à l'intervention directe dans la famille avant que la situation du jeune ne s'envenime ou ne devienne chronique. Pour ce faire, les moyens attribués à l'hébergement, c'est-à-dire jusqu'ici plus ou moins 90% des subsides, vont être partiellement dégagés pour le suivi en milieu de vie qui représente actuellement environ 10% des subsides et concerne l'aide en milieu ouvert, les services de prestation éducative, les centres d'orientation éducative, etc. Le résidentiel privé se verra donc réduire la partie hébergement et invitée à se reconvertir dans le suivi en milieu de vie. Ce qui signifie beaucoup moins d'encadrement nécessaire et donc perte d'emplois. Nous avons dû négocier le maintien de l'emploi global.


- L'avez-vous obtenu?

Très partiellement. Ce qu'on a obtenu, c'est une réduction du temps de travail de, 40 h à 38 h et l'application de la législation sociale sur le temps de travail concernant les prestations de nuit avec une révision du calcul de l'encadrement. Auparavant, on comptait 5 éducateur pourr 15 lits et les nuits étaient comptabilisées pour 3 heures. À partir de janvier 2000, on comptera 6 éducateurs et demi pour 15 lits et une heure de nuit équivaudra à une heure de travail. Cela reste totalement, insuffisant, il faut compter que les éducateurs font des nuits et des week-ends et qu'ils devront prendre des rendez-vous à l'extérieur si on s'ouvre au suivi en milieu de vie. Seule avancée positive: l'obtention d'une délégation syndicale à partir de cinq personnes à la place de vingt comme c'était le cas jusqu'ici, Cela devrait; permettre une meilleure communication avec la direction et la participation des travailleurs à la redéfinition du rôle de l'institution dans laquelle ils travaillent.

- Quelle solution préconisez-vous à long terme?

Un refinancement structurel du secteur de l'aide à la jeunesse. Ce qui implique un refinancement de la Communauté française. La nouvelle majorité n'est toujours pas en mesure de le garantir. Le ras-le-bol est général et si les choses ne bougent pas, il faudra s'attendre à un soulèvement du secteur...

Propos recueillis par
Catherine Morenville