Vétusté et sous-financement chronique, le logement social wallon peine à se régénérer. À l'instar du parc bruxellois, de nombreux logements sociaux wallons sont considérés comme insalubres et nécessitent également une large opération de réhabilitation. Sous perfusion depuis des années, le logement social wallon va-t-il enfin pouvoir se relever ? Un plan quinquennal dopé d'un milliard d'euros vient de lui être accordé.


Le marché immobilier se moque effrontement de la crise économique actuelle. Alors que la conjoncture économique affiche une santé anémiée, le marché immobilier se porte lui comme un charme, avec un chiffre d'affaires qui a frôlé l'année dernière la barre des 20 milliards d'euros, pour une croissance de 14,5 % – l'une des plus fortes croissances de ces trente dernières années. C'est ce qui ressort du « Guide immobilier Trends-Tendances » de cette année. Tous les indicateurs – ou presque – sont à la hausse, qu'il s'agisse des prix, qui en certains endroits ont progressé de plus de 60 % au cours des cinq dernières années, ou des achats, le consommateur belge ayant plus que jamais une brique dans le ventre.
Aujourd'hui, 74 % des Belges sont propriétaires de leur logement (1), contre 65 % en 1996. Plusieurs explications à cela. La baisse des droits d'enregistrement – en Flandre depuis le 1er janvier 2002 et à Bruxelles depuis le 1er janvier 2003 –, a sans surprise soutenu le marché l'année dernière (+ 6,7 % pour une hausse globale de 4,7 %). Des taux d'intérêt historiquement bas ont aussi poussé pas mal de ménages, dont le pouvoir d'achat a dans le même temps augmenté, à opter pour l'achat de leur habitation au cours des dernières années. La chute des places financières, enfin, a ramené vers l'immobilier quelques boursicoteurs échaudés. Reste à voir la somme qu'il faut désormais allonger pour devenir propriétaire. Pour une maison, le coût moyen est de 170 000 euros à Bruxelles (+ 4,5 %), 150 000 euros en Flandre (+ 8,8 %) et 110 000 euros (+ 5,3 %) en Wallonie.

Il y a urgence !
Pourtant, si 68 % de Wallons sont propriétaires, face aux prix indiqués ci-dessus, un certain nombre de Wallons resteront encore longtemps locataires… Ils sont en effet encore plusieurs milliers en Wallonie à vivre dans des campings, parcs résidentiels ou domaines touristiques, de façon permanente et parfois précaire. Par choix pour les uns. Par « pas le choix » pour les autres. Du côté du logement social wallon, on compte plus de 100 000 logements et il en manquerait encore quelque 40 000… et les logements actuels sont loin d'être en bon état…
Ainsi, l'inventaire récemment dressé par la Société wallonne du logement (SWL) est sans appel. Le patrimoine social locatif en Wallonie, qui compte 102 000 unités, recèle des « déficiences techniques importantes » dans quelque 35 874 logements, soit plus de 35 % de l'ensemble. Sur les 100 000 logements sociaux que compte la Wallonie, la plupart sont construits sur la base des règles anciennes. Selon l'inventaire des besoins présenté par chaque société de logement de Wallonie, ce sont 40 000 logements qui devront être rénovés et sécurisés.
Les travaux prévus ont trait tant à la protection contre les incendies qu'aux problèmes de gaz en passant par les ascenseurs, l'éclairage voire la stabilité de certains bâtiments ou leur étanchéité. L'année dernière quelque 80 millions d'euros ont déjà été investis dans la rénovation et la sécurisation de 7 048 logements. La situation du logement social en Wallonie est décriée depuis des années, les problèmes financiers qui touchent ce secteur sont récurrents.
Lorsque la Société nationale du logement a été régionalisée au début des années 80, la Région wallonne a hérité d'une dette de 50 milliards de francs. Depuis, les choses ne s'améliorent que lentement. Cela fait quelques années que le parc immobilier belge à finalité sociale suscite l'inquiétude, alors que sa nécessité n'a cessé de grandir. En 2000, dans un rapport, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies s'inquiétait « de la pénurie considérable de logements sociaux en Belgique, en particulier en Flandre. Il est préoccupé également par le fait que les familles nombreuses, monoparentales ou à faible revenu sont désavantagées en ce qui concerne l'accès à ces logements sociaux ».
Du côté des opérateurs de terrain – les sociétés publiques de logement agréées – on reconnaît volontiers une prise de conscience et un effort de la part des autorités de tutelle mais, les budgets alloués restent encore bien insuffisants. En quatre ans, la Flandre a investi 670 millions d'euros dans le logement social, la Région wallonne y a consacré 173 millions d'euros et la Région bruxelloise 200 millions d'euros pour rénover environ 17 000 logements sociaux. Mais, cette enveloppe couvre aussi bien les travaux d'entretien, de rénovation ou encore de construction.

Une manne de 1 milliard d'euros
Face à ce constat et poussé dans le dos par le récent drame de l’incendie de la cité des mésanges à Mons, le gouvernement wallon, à l'initiative du ministre wallon du Logement Michel Daerden (PS), vient de permettre à la SWL de réaliser un emprunt notamment auprès de la Banque européenne d'investissement, sous la garantie de la Région, destiné à financer un programme exceptionnel visant à la sécurisation et à la salubrité de ce parc locatif. Le montant s'élève à un peu plus de 1 milliard d’euros, dont 400 millions sont réservés à des actions en province de Liège. Cette somme permettra de remettre en état plus de 35.000 logements, parmi lesquels près de 15 000 liégeois. Le programme est sans aucun doute l'un des plus ambitieux de la législature. Et parce que le gouvernement veut aller vite, il s'étalera sur cinq petites années (2004-2008). Le programme se décline en trois volets. Il y a d'abord ce que le ministre du Logement a dénommé les « déconstructions », autrement dit les démolitions. Pour certains bâtiments en effet, il est plus coûteux de les rénover que de les démolir. Beaucoup de logements sociaux datent de l’après-guerre, voire même d’avant, dans les années 20. Les revenus locatifs des sociétés de logements de services publics ne suffisent pas pour réaliser d'importants investissements. On assiste à la création de poches de logements qui deviennent insalubres. Nombreuses sont les habitations qui ne disposent pas des commodités jugées normales aujourd'hui. Sanitaires, toitures, carrelages, installations électriques... sont souvent insuffisants ou même carrément obsolètes. Il en va de même au niveau des équipements dans les communs, comme l'éclairage, les cages d'ascenseurs, etc.
Une majorité de bâtiments seront en outre sécurisés ; le souvenir du récent drame de Mons est évidemment encore dans toutes les mémoires. Avec ce projet, Michel Daerden entend aussi changer les mentalités au sein des sociétés locales de logement en leur demandant, notamment, de désormais provisionner une partie de leurs recettes locatives parce qu'il n'est pas question pour le ministre du Logement de recommencer cette opération dans dix ans. Le secteur de la construction, lui, se frotte les mains. Selon les estimations des experts, les multiples chantiers qui vont s'ouvrir permettront de donner du travail à 3 200 équivalents temps plein pendant cinq ans.

Catherine Morenville

1 Les Flamands viennent en tête : 72 % d'entre eux sont propriétaires de leur logement (+14,1 % par rapport à 1991) contre 68,1 % dans le cas des Wallons (+9,7 %) et seulement 41,3 % à Bruxelles (+8,5 %). Comparativement aux autres grandes villes et à leur score moyen de 47,8 %, la capitale est bonne dernière : Anvers totalise 53,1 % de propriétaires, Gand 53,2 %, Charleroi 58,2 % et Liège 49,3 %.