Personne n'ignore aujourd'hui que d'énormes quantités de données concernant les consommateurs sont collectées, traitées, stockées et utilisées par un nombre croissant de professionnels : le secteur de la grande distribution, les opérateurs de télécommunications, les banques, les compagnies d'assurance. Cette situation n'est pas sans risque : quand on les considère de manière isolée, les données personnelles sont, pour la plupart, banales. Qu'en est-il lorsque ces données provenant de fichiers différents mais concernant la même personne, sont rassemblées et traitées de manière systématique ? Elles peuvent alors devenir de véritables mines d'informations...


Jusqu'à la popularisation d'internet, le problème majeur, issu du regroupement des informations banques de données à la fin des années 70, tenait à la distance entre le contrôleur et le sujet de l'information : plus cette distance était grande, plus grand était le risque que l'information soit dévoilée ou incorrecte. On connaît les conséquences de ces abus: déni injuste de crédit, tracas fiscal, évaluation médicale ou professionnelle indiscrète... La liste est longue, et les cas individuels sont parfois tragiques. Avec l'arrivée d'Internet, l'accès se généralise brutalement. Plus de cloisonnement . tout est instantanément disponible, depuis n'importe où. La question de la protection de la vie privée passe de l'échelle locale et nationale à l'échelle internationale. C'est ainsi qu'une mosaïque composée des caractéristiques intimes d'une personne se transforme en portrait très précis. L’expression " Sur la Toile, personne ne sait que vous êtes un chien " est aujourd'hui devenue complètement obsolète.
Deux exemples tirés de l'excellente brochure "Vie privée et consommation" publiée par le Centre de droit de la consommation de l'UCL permettent de se faire une idée plus précise des techniques de collectes de données employées sur la "toile".

Les Clicktrails
Olivier surfe sur Internet et consulte une page web. Un encart publicitaire lui propose de découvrir les nouveaux modèles de sa marque préférée de voitures. Il lui suffit de cliquer sur l'image. Ce petit "clic" de souris est-il passé inaperçu ? Pas du tout ! Chaque fois qu'Olivier clique sur son ordinateur, il émet une sorte de "commande". Celle-ci transite par le réseau jusqu'au serveur qui se charge alors d'y répondre. Pour permettre au serveur d'envoyer la bonne réponse au bon ordinateur, l'ordinateur d'Olivier possède ce qu'on appelle une adresse IP : une suite de chiffres qui représentent les coordonnées "personnelles" du disque dur d'Olivier. Le serveur connaît donc le contenu et la destination précise de chacune des demandes qui lui sont envoyées. De nombreux professionnels utilisent ces données retenues par le serveur. Elles leur permettent de mieux évaluer l'efficacité d leur publicité ou de mieux cerner il manière dont les choix sont effectués, quels sont les sites les plus fréquentés, etc.


Les Cookies
Olivier part aux sports d'hiver dans cinq jours. Il a effectué sa réservation sur Internet. Depuis une semaine, il consulte le bulletin météo "spécial montagne". Sur une page web, une annonce publicitaire lui propose des promotions sur les sports d'hiver et il reçoit des réclames sur le matériel de ski dans sa boîte e-mail. Ceci est dû à l'existence de "cookies", petits fichiers enregistrés - sur l'ordre du site visité - dans le disque dur de l'ordinateur d'Olivier. Grâce à eux, Olivier ne doit pas être à chaque fois identifié. Le responsable du site l'a automatiquement reconnu et lui répond dès lors plus rapidement. Mais les cookies n'ont pas seulement pour vocation d'accélérer la navigation sur le Web. Ils peuvent aussi permettre à un serveur de déterminer avec précision le parcours d'olivier et d'en faire un profil. C'est simple : quand Olivier visite une page, le serveur insère un cookie sur son disque dur et le récupère à la fin - ou trois jours ou trois mois plus tard par exemple - pour analyser le comportement d'Olivier. En l'occurrence, le responsable du site a repéré qu'Olivier s'intéresse au temps qu'il fait dans les Alpes... et en profite pour lui proposer des prix avantageux sur des skis paraboliques...


Quelles solutions ?
Cette collecte de données à caractère personnel via internet et leur traitement à des fins de marketing direct est admise pour autant qu'Olivier l'ait accepté ou qu'à tout le moins, il ait le droit - et la possibilité effective de s'opposer au traitement (droit d'accès, droit à l'information, droit de rectification, d'opposition, de suppression ou d'interdiction d'utilisation). Des moyens techniques sont disponibles pour supprimer les cookies. Il est également possible de passer par un intermédiaire ("anonymiseur" professionnel, etc.) mais dans ce cas l'absence d'anonymat n'est en quelque sorte que décalée d'un échelon puisque c'est alors l'intermédiaire qui connaît tout le parcours d'Olivier. En outre, la personne peut exiger de son fournisseur de services internet qu'il installe des filtres à courrier ou bien il peut contacter une des associations se vouant à la prévention du "junk mail". D'autres services existent pour aider à se prémunir du "junk e-mail" tels que wwwspamfree.org. Si le problème persiste la Personne peut écrire à son autorité de surveillance nationale.

Mais il ne faut pas nécessairement être connecté à Internet pour connaître de telles intrusions. Notre boîte aux lettres réelle, et non virtuelle, en fait les frais chaque jour...

Les pubs personnalisées
Plus anciennes qu’Internet, diverses techniques permettent aux entreprises de sélectionner les personnes susceptibles d'être intéressées par leurs services. Il y a bien évidemment le grand classique : l'annuaire téléphonique. Lorsqu'il est sur papier, ce dernier permet de trouver une adresse et un numéro de téléphone à partir d'un nom de famille. Avec ces données, une entreprise sait très peu en principe de vos préférences... On a vu cependant que l'utilisation d'internet et la mise à disposition des annuaires téléphoniques sur CD-ROM permet d'en savoir déjà beaucoup plus.

Pour obtenir plus d'informations les entreprises disposent aussi du carnet d'adresses qu'elles se sont créé au fur et à mesure des services qu'elles ont prestés. Elles peuvent également procéder par enquêtes (dans la rue, par téléphone, dans des magazines, ,..) ou par des formulaires types à remplir (carte de membre, ... ). Une autre méthode consiste à faire appel à des professionnels spécialisés dans la collecte de données. On peut diviser ceux-ci en deux groupes. Certains louent les carnets d'adresses de plusieurs entreprises pour les céder à d'autres : on les appelle des courtiers en fichiers. D'autres en revanche, disposent de leur propre base de données. Ce sont des producteurs de listes. Ces deux types de professionnel sont capables de cibler quelles seront les personnes susceptibles d'être intéressées par tel ou tel produit. Et permettent ainsi d'éviter d'envoyer une réclame pour la nourriture pour chat à quelqu'un qui n'a qu'un chien... ou de vanter les mérites d'une balançoire à quelqu'un qui n'a ni enfant, ni jardin. Aujourd'hui, le traitement de données obtenues par les cartes de fidélité permet d'arriver au même résultat.

Le service Robinson
La loi sur la protection de la vie privée autorise l'utilisation à des fins de marketing direct de données relatives aux personnes. Mais elle l'admet sous certaines conditions. Elle consacre une série de droits que tout citoyen peut faire valoir. Outre le fait qu'on doit être informé des finalités de la collecte des données ; on a le droit d'accéder à nos données et, au besoin de les faire rectifier. On a également le droit de s'opposer à ce que nos données fassent l'objet d'un traitement et, enfin, le droit d'en demander la suppression ou l'interdiction d'utilisation. Si, par exemple, vous ne désirez plus recevoir ce genre de courrier, vous pouvez vous adresser à l'Association belge du marketing direct (ABMD) afin d'adhérer gratuitement au service Robinson. Ce service spécifique créé par l'ABMD (cf. la rubrique "adresses utiles" ci-dessous) a été conçu pour répondre aux attentes des particuliers qui ne veulent plus recevoir de courrier personnalisé venant des entreprises qui en sont membres (voir annexe). Une solution moins radicale consiste à contacter la ou les entreprise(s) qui vous ont envoyé le courrier et leur demander de ne plus vous en adresser à l'avenir. Ces deux solutions existent également pour les envois de fax personnalisés et les appels téléphoniques. Enfin, si vous vous interrogez sur la légitimité d'une collecte de données ou sur la façon d'exercer ses droits, vous pouvez vous adresser à la Commission de la protection de la vie privée (cf. encadré).


Catherine Morenville
avec pour source principale la bro-chure Vie privée et consommation ré-digée par Jeanne Stichelbaut et Jacques Laffineur et publiée par le Centre de droit de consommation (UCL)

La brochure est diffusée au prix unitaire de 150 FB (3,72 EUR), tél.: 010 47 85 31, e-mail :
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Quelques adresses utiles

ABMD, Association belge du marketing direct
Service consommateurs
Esplanade Heysel, bte 46 à 1020 Bruxelles
Tél. : 021477.17.97 - Fax: 02/479.06.79 - E-mail: Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.">Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. - www.bmda.be

Deux sites :

http://europa.eu.int/comm/internal-market/fr/dataprot/links.htm : site de l'Union européenne où l'on peut trouver l'adresse de la Commission pour la protection des données de chaque pays européen. http://www.cnil.fr: site français de la Commission nationale de l'Informatique et des libertés. On peut y lire le document suivant: "Vos traces sur internet. Découvrez comment vous êtes pistés sur Internet", téléchargeable à cette adresse.