Aider les jeunes du monde entier à s’organiser et à devenir des citoyens responsables. Tel est l’objectif que poursuit, depuis 75 ans, la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC); 75 ans d’action, d’organisation et de formation des jeunes du milieu populaire. Ce 30 avril, elle fête cet anniversaire et lance son 10e congrès international "Un travail juste pour toutes et tous". L’occasion pour Démocratie de rappeler, avec Luc Roussel, les origines historiques (bien belges) de ce mouvement international.


Lorsque Joseph Cardijn devient vicaire à Laeken en 1912, cette commune bruxelloise, encore rurale, s’urbanise rapidement. Des ateliers et des commerces s’y installent, une main-d’œuvre ouvrière y immigre. Cardijn est chargé des "œuvres féminines". Il entend promouvoir le syndicalisme féminin. À l’image de ce qu’il a observé en Angleterre, il le conçoit non seulement comme moyen de défense des intérêts des ouvrières mais aussi comme instrument de formation professionnelle, générale et morale. Avec Madeleine De Roo, il fonde un cercle d’études qui réunit une vingtaine de filles de milieu aisé. Ce noyau de dirigeantes étudie les problèmes sociaux, réalise des enquêtes sur les conditions de travail. Ce travail va encourager la naissance d’une section du Syndicat de l’Aiguille.
C’est ce même type de méthode qui va être appliqué auprès d’un cercle d’études de jeunes gens du patronage local avec l’aide d’un jeune employé de banque, Fernand Tonnet. La méthode jociste, vécue avant d’être codifiée, sera synthétisée plus tard sous le slogan voir-juger-agir. La conviction des fondateurs de la JOC et de la JOCF est qu’il fallait s’appuyer sur la jeunesse travailleuse pour que les choses changent vraiment. Pour ce faire, il fallait proposer à cette jeunesse autre chose que des "œuvres de jeunesse" dominées par des intellectuels bourgeois ou des syndicats d’adultes trop centrés sur leurs problèmes immédiats et peu ouverts à la dynamique des jeunes. Après la Première Guerre mondiale, Fernand Tonnet, Paul Garcet et Jacques Meert rassemblent des jeunes travailleurs. Ainsi naît la Jeunesse syndicaliste.
Le succès du mouvement montre qu’il répond à une aspiration latente. Il se heurte cependant à l’opposition de l’Action catholique de la jeunesse belge (ACJB). La Jeunesse syndicaliste a une visée nationale et désire s’affilier à la Ligue nationale des travailleurs chrétiens (LNTC), au grand dam de l’ACJB qui veut regrouper toute la jeunesse catholique dans une perspective religieuse sans distinction de classe. Le jeune mouvement a également maille à partir avec la CSC. La direction syndicale s’oppose en effet à la mise en place d’une organisation syndicale propre aux jeunes. Pris entre deux feux, Cardijn réoriente son action. Il entreprend d’étendre le mouvement en Wallonie et change son nom en Jeunesse ouvrière chrétienne, en 1924. Cela n’empêche pas les discussions de se poursuivre avec l’ACJB. À la suite d’une rencontre orageuse à Malines, devant le cardinal Mercier, il est convenu que Cardijn demanderait une audience au Pape. Pie XI l’accueille avec grande bienveillance et Cardijn sait habilement exploiter cette audience privée. Les dirigeants de la JOC peuvent dès lors se mettre à l’ouvrage sans entrave et organiser leur premier congrès national le 19 avril 1925 à Bruxelles. Peu après, la branche féminine et les branches flamandes se constituent sur le même modèle.

La dimension internationale
À l’époque de la grande crise économique des années 30, la JOC crée un service des jeunes chômeurs dont l’aspect le plus connu sans doute est la création de camps de chômeurs, au cours duquel les jeunes reçoivent une formation professionnelle et peuvent se remotiver. Toutefois, faute de relais quant à la prise en charge réelle des jeunes chômeurs, le mouvement place rapidement son espoir dans l’action internationale. Le chômage des jeunes est inscrit à l’ordre du jour de la XIXe Conférence internationale du travail à Genève sous l’égide du Bureau international du travail (BIT). Avec l’appui de la Confédération internationale des syndicats chrétiens, les jocistes lancent une pétition connue sous le nom de " Recours à Genève ". Pour la première fois, la JOC organise une action internationale.
La dimension internationale du mouvement est présente dès l’origine. Elle se marque par l’extension rapide dans d’autres pays européens et dans les autres continents. Elle s’inscrit dans les Semaines d’étude internationales (en 1935...); les pèlerinages à Lourdes, à Rome; l’aide prodiguée aux jeunes prisonniers ou travailleurs forcés en Allemagne nazie. Le Congrès jubilaire des branches belges de la JOC en 1950 est l’occasion d’un immense rassemblement au stade du Heysel à Bruxelles (100.000 participants) ainsi que d’une nouvelle conférence internationale à Braine-l’Alleud (45 pays représentés).
Après la Seconde Guerre mondiale, le mouvement se reconstruit. Il publie le "Statut de la jeunesse travailleuse" lors du congrès de 1945. Comme dans la plupart des autres mouvements catholiques, l’anticommunisme et la guerre froide marquent la JOC. Mais la guerre et ses suites ont transformé la jeunesse : l’intérêt pour le tiers-monde, la progression des loisirs et de la consommation de masse... sont de nouveaux centres d’intérêt. Par rapport à ces changements, la JOC et la JOCF seront dans un premier temps très prudentes.
Dans les années 60, ce sont les questions de désarmement et de développement qui constituent les priorités de travail et d’action. Une grande campagne pour obtenir le "crédit d’heures" est lancée et soutenue par des milliers de signatures. Le concile Vatican II auquel participent Cardijn devenu cardinal, durant la dernière session, et des responsables de la JOC internationale (à titre d’observateurs laïcs) est l’amorce d’un grand espoir de changements dans l’Église.

Radicalisation
Durant les années 70, la JOC et la JOCF perdent leur quasi-monopole auprès des jeunes de milieu populaire. Le nombre de membres diminue. Le message du mouvement se radicalise à l’occasion du Conseil international de Beyrouth en 1969 et à la suite de Mai 1968. L’emprisonnement de permanents, d’aumôniers et de militants de la JOC brésilienne par la dictature militaire en 1969 et 70 et l’absence de soutien du Vatican, l’attrait grandissant pour l’analyse marxiste de société sont autant d’éléments qui contribuent à cette radicalisation. Un des signes de cette évolution est la publication du Manuel d’action en entreprise, un outil de recentrage du mouvement vers les jeunes ouvriers en usine. Simultanément des actions par catégories s’organisent : apprentis, jeunes en écoles professionnelles, immigrés, employées de maison...

Cette évolution profonde ne se fait pas sans mal. Après la fête du 50e anniversaire à Charleroi, plusieurs fédérations quittent brusquement la JOC et la JOCF pour fonder une "inter-fédérale" dissidente. Peu à peu ces fédérations rejoindront toutefois le mouvement national. L’influence du Conseil international de Linz (1975) contribue à durcir les positions. Ces événements n’empêchent pas le mouvement de s’adapter en partant, comme toujours, des réalités vécues par les jeunes. En 1976-77, la JOC procède à une analyse de la jeunesse; elle lance aussi une enquête à plusieurs volets, dont un consacré à la sexualité, en vue d’encourager le travail d’initiation auprès des jeunes en contact avec le mouvement. Sur la base des résultats de cette enquête, la JOC organise des campagnes sur la répression, lance un journal de grande diffusion Utopie (1979-81), réunit des militants sur le thème des relations garçons-filles, le nucléaire, la drogue...
Dans les années 80, l’effet de la crise économique que l’on croyait passagère, touche les jeunes de plein fouet. Politique monétaire, période de pouvoirs spéciaux font payer les conséquences de l’adaptation du capitalisme aux classes populaires. Pour les jeunes, la recherche d’un emploi et la lutte contre les nouvelles formes d’exclusion deviennent primordiales. C’est la raison pour laquelle des coopératives de production, des jardins coopératifs, des radios libres, des maisons de jeunes et lieux de rencontres sont mis sur pied avec des chômeurs et des étudiants. Les fédérations dissidentes reviennent petit à petit au sein du mouvement national. Marches pour l’emploi, manifestations anti-missiles et actions contre le racisme mobilisent des milliers de jeunes. La JOC et la JOCF réexplorent au cours de nombreuses journées de formation ce qui fait le cœur de la méthode du mouvement. Le célèbre voir-juger-agir, auquel on ajoute le verbe évaluer, est remis au goût du jour.
An 2000 : la JOC, la JOCF et la KAJ fêtent leurs 75 ans. À cette occasion, se tient à Bruxelles le 10e Conseil international sur le thème "Un travail juste pour toutes et tous".

Luc Roussel
Aumônier du MOC de Bruxelles
(et ancien aumônier national de la JOC)


Adresses utiles :
JOC, rue d’Anderlecht 4, 1000 Bruxelles, tél. : 02/513.79.13, fax : 513.79.12.
JOCI et Fondation internationale Cardijn, av. Georges Rodenbach 4,
1030 Bruxelles,
tél. : 02/ 245.02.52,
fax : 02/242.48.00,
e-mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.">Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Les grands principes du mouvement

La visée de la JOC peut être définie selon trois axes. Elle veut tout d’abord offrir à chaque jeune travailleur et travailleuse un projet de vie qui lui permette de s’accomplir dans son milieu; elle propose ensuite de les conduire progressivement vers un monde nouveau, vers un projet de société où ils puissent trouver toute leur dimension personnelle et collective; elle propose enfin à ceux et à celles qui adhèrent à ces deux impulsions fondamentales, de les vivre dans une perspective fondée par la foi en Jésus-Christ.


La JOC internationale

Dès le début, la dimension internationale est déterminante pour les jocistes. C’est cependant en 1957, lors du premier Conseil international qui suit le grand pèlerinage à Rome, que la JOCI est instituée. Celle-ci est la mise en œuvre d’une attitude et d’une politique élaborée de façon pragmatique depuis les années 30.
Depuis 1957, neuf Conseils internationaux ont réuni les délégués des mouvements nationaux. Ils ont eu lieu chaque fois dans un continent différent. Les Conseils de Bangkok (1965) et de Beyrouth (1969) en particulier ont permis aux mouvements nationaux de prendre définitivement une conscience internationale et d’élaborer une action internationale commune. Celui de Linz en 1975 a été déterminant pour adapter les structures et développer l’action. Depuis 1986, une crise divise la JOC. Des mouvements nationaux (France, Italie, Angleterre, Portugal, Espagne [en partie], différents pays d’Afrique...) ont créé la CI-JOC, Coordination internationale des JOC, en rupture avec la JOCI. Jusqu’ici les efforts menés en vue d’une réunification sont restés vains; les divergences entre les deux organisations ne sont pas énormes. La JOCI insiste sur les points communs tandis que la CI-JOC le fait sur les différences.

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