Dur, dur d’être jeune aujourd’hui ! La société les voit chômeurs, délinquants, en refus de ses valeurs ou en décrochage scolaire… En bref, comme un « problème » à résoudre. Et non comme un potentiel d’avenir. Mais où et comment les reconnaît-on comme acteurs responsables ? Où et comment leur permet-on de déployer leur potentiel de citoyenneté ? Le soutien public aux organisations de jeunesse, l’engagement des jeunes dans les conseils de participation des écoles ou encore l’accès financier aux études (bourses, notamment) sont autant de domaines à privilégier.
La gestion des matières « jeunesse » a connu quatre ministres différents (MR) sous cette seule législature, signe manifeste du peu d’intérêt porté par le monde politique pour ce secteur. Ce peu d’intérêt se traduit également budgétairement : dans le cadre des accords de la St-Polycarpe (refinancement des Communautés), 4 millions d’EUR de majoration budgétaire seulement sont prévus pour les organisations de jeunesse à dater de 2010. Par ailleurs, et depuis 20 ans, le décret relatif aux organisations de jeunesse n’a jamais été appliqué dans son volet financier et l’allocation de base qui finance structurellement les organisations de jeunesse n’a jamais suivi l’évolution de l’index. Alors que le secteur « jeunesse » souffre d’un tel sous-financement structurel, on assiste par ailleurs au développement de politiques programmatiques, initiées par les différents ministres de la jeunesse qui financent à coût de subsides extraordinaires des initiatives ponctuelles lesquelles, par principe, ne s’inscrivent pas dans une continuité d’action et qui sont autant de pratiques susceptibles d’être porteuses de logiques clientélistes.
Depuis 1994, un système « cliquet » a également été instauré. Ce système prévoit un rabotage des subventions de fonctionnement d’une année à un pourcentage arbitraire calculé en fonction des marges budgétaires disponibles et des subventions de fonctionnement de l’année précédente. Le risque est donc réel pour bon nombre d’organisations de jeunesse dynamiques de subir un rabotage plus ou moins important entre la subvention à laquelle elles ont droit et la subvention qui leur est réellement octroyée. Enfin, le Conseil de la jeunesse d’expression française (CJEF) connaît depuis trois ans une réforme structurée autour de trois axes : ouverture, participation et représentativité. Force est de constater que cette réforme peine à se réaliser, faute de consensus entre organisations de jeunesse. Faire vivre un projet de participation suppose l’existence d’instances représentatives solidement organisées et structurées, adaptées au travail « par, pour et avec » les jeunes. Or, une dérive sur ce point est bien réelle dès lors qu’une tendance au sein du futur Conseil des organisations de jeunesse verrait d’un très bon œil qu’un certain nombre de jeunes « vieux » (de plus de 35 ans) siègent à divers titres (conseillers, experts, techniciens…) au sein de ce même Conseil.
Bilan mitigé
À l’entrée de la nouvelle législature de 1999, on pouvait lire dans la déclaration gouvernementale que « les jeunes, acteurs de changement et porteurs d’avenir, seront au centre des préoccupations du gouvernement de la Communauté française », qu'« il se dotera d’outils lui permettant d’améliorer son information quant à la situation des jeunes » et qu’il lancera « des pistes de réflexion sur la reconnaissance et le subventionnement des organisations de jeunesse ». Des paroles fortes à l’époque et, évidemment, porteuses de nombreux espoirs. Et de fait, le ministre de la Jeunesse a lancé la réforme du Conseil de la Jeunesse et mis sur pied le futur Conseil général de la Jeunesse censé représenter la parole de tous les jeunes, qu’ils soient organisés ou pas. Certes, un refinancement du secteur a été décidé et planifié, mais qui se cantonne toujours à peine à 1,24 % du budget général consacré à la culture. Nous avons eu droit à de nombreuses déclarations médiatiques et effets d’annonces à propos des nouvelles formes d’organisations « émergentes » (comme les « initiatives jeunes », par exemple) sans qu’un cadastre du secteur n’ait été réalisé et qu’un sérieux état des lieux relatif aux besoins, attentes et situations des jeunes en Communauté française n’ait été dressé. Enfin, la réforme des PRC (programmes de résorption du chômage - ex-travailleurs PRIME, notamment) risque de poser de sérieux problèmes financiers aux associations de jeunesse. Leur financement est en effet calculé sur la base des salaires qu’ils percevaient de la Région wallonne, alors qu’ils doivent être rémunérés aujourd’hui selon les barèmes du secteur socioculturel (plus élevés dans de nombreux cas…).
École et participation
Les Conseils de participation ont été mis en place par le décret « Missions » du 24 juillet 1997 (dans son article 69). Ce conseil d’avis se voit attribuer des compétences touchant notamment à deux dimensions importantes de la vie de chaque école : le projet d’établissement et le rapport d’activités. Véritables outils de démocratie scolaire, les Conseils de participation en appellent théoriquement à des valeurs d’engagement, de coopération, d’écoute, de solidarité… Or, dans les faits, le meilleur côtoie le pire !
Le projet d’établissement – document décrivant le plus précisément possible l’ensemble des actions et projets qu’une école entend mener pour atteindre ses objectifs éducatifs et pédagogiques – se doit d’être amendé et évalué par le Conseil de participation, c’est-à-dire par des membres du pouvoir organisateur, des professeurs et des parents élus, des membres issus du monde associatif et/ou de l’entreprise… et des élèves (élus également). Or, pour bon nombre de ces derniers, siéger activement au sein d’un Conseil de participation n’est pas une tâche facile, loin de là, tant les difficultés et les obstacles sont nombreux. Comment, en tant qu’élèves, siéger et représenter activement et efficacement ses condisciples quand :
• légalement, les Conseils de participation ne sont pas tenus de se réunir plus de deux fois l’an ? Comment, en deux réunions, mener un véritable débat à propos du sens de l’école et des projets à mettre en œuvre susceptibles de faire avancer l’égalité, la solidarité et la démocratie au sein de l’école ?
• les Conseils de participation, loin de leur mission première, ne sont que des lieux de conflits d’intérêts individuels et/ou corporatistes (parents défendant leurs propres enfants, direction défendant ses prérogatives, enseignants défendant leur autonomie…) ?
• les élèves ne peuvent disposer d’aucune formation utile à l’exercice de leur mandat (formation au débat, à l’argumentation, à la conduite de réunions, au mandat représentatif…) ?
• la complexité et la technicité du langage employé par certains membres du Conseil (direction, enseignants…) rendent les enjeux incompréhensibles pour les autres membres et étouffent d’emblée toute volonté de participation de la part des élèves (et bien souvent également des parents) ?
• par peur du conflit, les débats évitent les questions essentielles, provoquant à terme l’apathie et le désintérêt des participants ?
• par peur de devoir partager le pouvoir de décision, les avis ne sont pas écoutés, ne sont pas suivis d’effets et les décisions finales sont prises d’autorité… ?
Il ne s’agit malheureusement pas d’hypothèses. Si certains Conseils de participation – quand ils fonctionnent encore – remplissent excellemment leurs missions, d’autres en sont très loin. Depuis l’installation des Conseils de participation, le 1er janvier 1998, il est impossible d’obtenir un état des lieux global de la situation faute d’évaluation sérieuse. Une certitude toutefois : beaucoup d’établissements scolaires ne respectent pas leur obligation décrétale en la matière. La seule initiative politique sur ce sujet prise sous cette législature se résume à l’envoi d’une circulaire en juillet 2003 relative à la réactualisation des rapports d’activités…
Bourses d’études
Dans une société complexe et avancée comme la nôtre, l’acquisition et le maintien d’un haut niveau de formation deviennent une exigence de plus en plus pressante. Mais pour que les jeunes puissent répondre au mieux à cette exigence, il faut que les conditions matérielles et sociales suffisantes leur soient offertes. Or, le système actuel d’aide aux jeunes est loin de remplir de façon satisfaisante cette mission. En 2000, le travail étudiant représentait 9,1 % de l’emploi total en Belgique, c’est-à-dire plus de 500 000 contrats de travail. Cette situation ne va pas sans conséquences négatives sur le taux d’absentéisme et d’échec des étudiants. Plus généralement, l’accès à l’enseignement reste pour beaucoup de jeunes financièrement trop lourd et le système des allocations d’études reste peu adapté, inégalitaire et peu efficace.
Frais en hausse
Les frais de scolarité sont en hausse constante. Les loyers des kots et les frais de transports ont doublé en 10 ans. Le nombre de boursiers a quant à lui chuté, passant dans le supérieur de 27 517 en 1990 à 23 604 en 2001. Même situation dans l’enseignement secondaire : 85 185 boursiers en 1990, 82 210 boursiers en 2001. En cause ? La dureté des critères d’octroi.
De plus, le montant moyen des allocations d’étude est en baisse dans l’enseignement supérieur, passant de 840,99 EUR à 821,77 EUR en dix ans. Ce montant est par contre en légère hausse pour le secondaire, passant de 158,13 EUR à 165,88 EUR. En termes d’indice des prix (base 100 pour 1990), l’allocation moyenne pour le supérieur s’effrite. Elle ne vaut plus que 89 %, alors que dans le secondaire, elle représente 156 %.
Dans sa réforme des bourses d’études, la ministre de l’Enseignement supérieur, Mme Françoise Dupuis (PS), a relevé les plafonds de 14,5 % en deux ans (2000/2001 et 2001/2002). Dans le même temps, le nombre de bénéficiaires a lui aussi augmenté : + 5,09 % de bénéficiaires dans l’enseignement secondaire et + 3,98 % dans l’enseignement supérieur (année 2001/2002). Par contre, et durant cette même période, les montants moyens des bourses ont été rabotés de 0,29 % dans le secondaire et de 0,73 % dans le supérieur. Enfin, la ministre de l’Enseignement supérieur a créé l’année dite « joker » qui permettra dorénavant à un étudiant qui double son année de bénéficier à nouveau de son allocation d’études. Mais ce droit à l’erreur ne sera valable que pour l’enseignement supérieur et limité à la seule première année !
Exclusion
Un enfant de chômeur complet indemnisé (chef de ménage) menant ses études en première ou seconde année du secondaire n’a pas droit à une bourse d’études ! La raison ? Il suffit d’un simple calcul. Ce père chômeur a droit à une allocation de chômage variant entre 10 119 EUR et 11 840 EUR et dépassera de ce fait le plafond admissible pour un enfant à charge scolarisé dans le secondaire fixé à 10 019,16 EUR !
Autre situation significative : comment couvrir vos besoins de loyer de « kot » en sachant que cela vous coûtera au minimum 2 500 EUR, plus les frais d’inscription, le matériel, les syllabus… avec une allocation d’études maximale de 3 624,60 EUR ? C’est très juste ! Pourtant, les bénéficiaires des bourses d’études sont à 97 % des « externes » (koteurs) dans l’enseignement secondaire et 70 % dans l’enseignement supérieur. On l’a dit, la ministre de l’Enseignement supérieur a augmenté les plafonds de revenus permettant l’octroi d’une bourse d’études de 14,5 % en deux ans. Toutefois, malgré cette mesure, bon nombre d’enfants d’allocataires sociaux ne peuvent encore prétendre à l’octroi d’une bourse d’études. Précisons également que la ministre a supprimé les deux types de bourses pour le secondaire (première et seconde année, d’une part, et les autres cycles de l’autre) et créé un seul plafond (mesure qui est toujours en attente d’un décret). Enfin, une plus grande prise en compte des frais scolaires (syllabus, kot, frais de déplacement…) a également été obtenue… mais les textes légaux se font toujours attendre.
Tracasseries
La procédure d’admissibilité et d’octroi reste problématique pour beaucoup de jeunes, et ce, malgré une modification de cette procédure introduite par la ministre en 2002 allant théoriquement dans le sens d’une plus grande simplification des démarches. À cet égard, certaines statistiques parlent d’elles-mêmes : 7,98 % des demandes d’allocations pour le secondaire et 2,57 % des demandes pour l’enseignement supérieur se sont vues refusées pour cause de retard. Enfin, bénéficier d’une bourse d’études est une bonne chose, mais pas en fin d’année scolaire… en attendant, il faut pouvoir débourser les sommes nécessaires pour son année d’étude, ce que tous ne peuvent faire !
Le remaniement du système des bourses d’études initié sous cette législature par la ministre concernée pour, notamment, faciliter et simplifier leur octroi n’a toujours pas donné de résultats tangibles. Brochures d’information, publicités, spots télévisés ont été réalisés, mais il y a toujours autant, si pas plus, de retards dans l’introduction des demandes d’allocations d’études et un taux de 70 % de refus… d’ordre financier (revenus jugés trop élevés).
Lahoucine Tazribine
et la Commission jeunesse du MOC