Que ce soit avec la réforme du Pacte de stabilité ou encore le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) dans l’Union économique et monétaire, l’Europe se limite aujourd’hui pour sortir de la crise à des mesures punitives qui visent principalement à renforcer la discipline budgétaire dans les États membres. Une stratégie inefficace et dangereuse qui est de plus en plus contestée par la rue et dans les urnes...

 

Censées rassurer les marchés financiers, les politiques d’austérité ont un effet récessif évident. Inefficaces et suicidaires, elles rendent impossible ce pour quoi elles ont été mises en place : réduire le déficit des comptes publics et la dette des États membres de la zone euro. Le FMI prévoit pour 2012 une récession économique dans la zone euro de -0,3% (-1,8% en Espagne, -1,9% en Italie, -3,3% au Portugal, -4,7% en Grèce...). Sur le terrain social, les conséquences sont dramatiques. En Espagne, le chômage atteint près de 25%. La Grèce va connaître sa cinquième année consécutive de récession. Dans ces deux pays, le chômage des jeunes y dépasse les 50%. En Italie, une manifestation a dénoncé la vague de suicides qui touche le pays en raison de la crise économique. Ces tensions sociales se traduisent politiquement par une prime à la sortie des gouvernements en place que ce soit dans des scrutins nationaux, régionaux ou locaux. Plus inquiétant, elles favorisent des partis d’extrême droite (voire néonazis en Grèce) qui font du rejet des étrangers la solution à la sortie de crise. Bref, la politique d’austérité fragilise la démocratie et remet en cause l’intégration européenne comme projet politique d’avenir.
Face à cette situation, de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer l’échec de cette stratégie. En particulier, le pacte budgétaire dont des dispositions reviennent à constitutionnaliser les politiques d’austérité et empêcher les investissements en faveur de la relance économique, de l’emploi ou de la transition écologique. Un traité qui grave dans le marbre une orientation économique dogmatique qui risque plus d’affaiblir l’Europe que de la renforcer.
Côté syndical, la Confédération européenne des syndicats (CES) a refusé d’accorder son soutien à ce traité; une première dans son histoire. La « Joint Social Conference » 1 qui regroupe une trentaine de syndicats et de mouvements sociaux dénonce aussi ce traité, et les réformes du pacte de stabilité ; le « Six Pack » et le « Two Pack » qui, en cours d’adoption, contient également le principe de la règle d’or budgétaire. Enfin, il y a un an naissait en Espagne le mouvement des Indignés qui mène la contestation et a essaimé, depuis lors, dans d’autres pays européens.
Sur le plan politique, la gauche radicale a fait du combat contre l’austérité un axe central de son programme, avec des succès électoraux dans plusieurs pays. De son côté, François Hollande, lors de la campagne pour la présidentielle en France, a déclaré vouloir renégocier le pacte budgétaire en le complétant d’un volet croissance axé sur 4 éléments : l’augmentation du capital de la Banque européenne d’investissement, la mobilisation des fonds structurels non utilisés, la taxe sur les transactions financières, la création de « project bonds ». Un front conservateur anti-austérité s’est également mis en place à l’initiative des Premiers britannique et italien rejoints par dix autres pays européens 2. Ils proposent de « restaurer la confiance en la capacité de l’Europe à générer une croissance économique forte et durable ». Ils misent sur l’achèvement du marché unique via une libéralisation accrue du secteur des services. Une approche libérale de la construction européenne limitée au déploiement d’une zone de libre-échange chère au Royaume-Uni.
Dans ce contexte de grande incertitude sur l’avenir même du projet européen, l’élection de François Hollande a plusieurs mérites. Elle permet un rééquilibrage politique au sein de l’Union en mettant fin à l’ère « Merkozy » dont la gestion de la crise a été désastreuse. De nombreux observateurs s’accordent à dire que si l’Europe était venue directement en aide à la Grèce, dont l’économie représente à peine 2% du PIB de la zone euro, la crise de la dette souveraine aurait pu être contenue. C’est le contraire qui s’est passé. La gestion conservatrice de la crise a favorisé son extension et, aujourd’hui, l’incendie menace tout le continent.
Alors même que les propositions du nouveau Président français sont sans doute trop modestes par rapport aux enjeux, force est de constater qu’il suscite un fort espoir de changement de la politique actuelle. Et pas seulement en France. Néanmoins, si un certain consensus émerge sur l’échec de la stratégie visant à faire de l’austérité la seule réponse à la crise, s’il est plus ou moins admis que la relance de l’activité devra servir à orienter l’économie européenne vers une société bas-carbone. Reste que les tenants d’un néolibéralisme pur et dur sont encore largement majoritaires en Europe. Pour eux, dans une sorte de fuite en avant idéologique, la relance de l’économie européenne passe par plus de libéralisation et des réformes structurelles principalement sur le marché du travail. En ignorant que ce sont les pays où la protection sociale est la plus forte qui ont le mieux résisté à la crise.
Quelle sera la marge de manœuvre de François Hollande et sa véritable ambition pour changer de cap en Europe? Ses principaux alliés sont l’échec des politiques actuelles et la contestation grandissante qui pourrait infléchir à gauche une Europe qui n’a jamais été aussi à droite 3. L’autre scénario pourrait voir ce mécontentement social capté par les partis d’extrême droite. Face à cette incertitude, les mouvements sociaux n’ont d’autres choix que de poursuivre leur mobilisation et surtout de l’amplifier pour rendre un changement nécessaire possible…



1. http://www.jointsocialconference.eu/.
2. http://www.euractiv.com/fr/avenir-europe/david-cameron-en-faveur-dun-programme-lib-ral-pour-la-croissance-news-511004.
3. Olivier Derruine et Philippe Lamberts, « Un MES à reprendre en main », Revue Politique, Mai-Juin 2012.