La résolution adoptée le 10 octobre par la Confédération européenne des syndicats (CES) reflète une position globale qui intègre les préoccupations syndicales prioritaires (au-delà des divergences bien réelles entre confédérations syndicales nationales). Par la voix de la confédération, le monde syndical européen en appelle à procéder à un remaniement fondamental des traités élaborés progressivement lors des conférences intergouvernementales successives.


Sur le plan du contenu des politiques internes, le document de la CES est construit autour de quatre thèmes principaux.

1. La charte des droits fondamentaux
Il s’agit sans doute de l’un des points sur lesquels les débats internes ont été les plus animés. Depuis la précédente convention européenne qui avait rédigé, en 2000, la charte des droits fondamentaux, cette dernière fait l’objet de critiques plus ou moins virulentes. Pour les uns, la Charte est mauvaise et il ne faut dès lors pas l’intégrer dans un nouveau traité européen. D’autres considèrent en revanche qu’elle représente un pas dans la bonne direction et doit, en conséquence, être promue. Mais de quelle manière et sous quelle forme ? Au sein de la CES, si la question de l’inclusion de la Charte dans le futur traité européen n’a pratiquement pas fait l’objet de différends, le statut à lui donner n’a, par contre, pas été totalement tranché. Finalement, la résolution souligne que « la CES recommande instamment que la Charte, malgré les lacunes qui subsistent, soit intégrée comme une pierre angulaire dans le traité constitutionnel de l’Union d’une manière juridiquement contraignante (soit directement en tant qu’élément constitutif du traité, soit par le biais d’un protocole annexé au traité) et qu’une procédure de suivi politique soit prévue par le biais d’une référence dans le traité, également dans la perspective de son évolution dynamique ultérieure. » La formulation évite la question technique du mode d’intégration dans le traité, mais l’essentiel est affirmé : intégration comme élément juridiquement contraignant, avec procédure de suivi.

2. L’avenir des relations industrielles
Directement liée à ce qui précède, la question de la reconnaissance pleine et entière des droits syndicaux transnationaux et du renforcement de l’autonomie des partenaires sociaux en tant que corégulateurs constitue l’une des priorités du mouvement syndical européen. L’idée, en somme, se résume à ces deux points : renforcer le rôle du dialogue social européen et reconnaître les droits syndicaux transnationaux (les droits à l’information et à la consultation dans l’entreprise, la liberté d’assemblée et d’association, et la liberté de négocier et de mener des actions collectives). Ces deux points sont intimement liés ; le droit d’action collective étant un moyen, pour l’acteur syndical, de faire pression sur l’acteur patronal au sein du dialogue social. En outre, la CES en appelle à la création d’une « infrastructure permanente des partenaires sociaux européens » – une sorte de conseil européen du travail, comme il existe, par exemple en Belgique, un Conseil national du travail (CNT) – afin de développer la consultation, le dialogue social et la négociation avec les partenaires sociaux européens.

3. La gouvernance économique
Depuis Maastricht, le monde syndical adresse comme principal reproche à l’union économique et monétaire de n’être en réalité qu’une union monétaire. En effet, si, au sein de la zone euro, le pôle monétaire est fortement structuré, avec une banque centrale dont les missions et l’indépendance ne souffrent guère de contestation, le pôle économique (politiques fiscales, budgétaires et salariales) est, en revanche, extrêmement éparpillé. Pour la CES, il s’agit de prévoir les éléments constitutifs d’un réel gouvernement économique européen. Les débats au sein de la confédération syndicale ont été extrêmement nourris sur cette question, qui englobe les questions de politique de concurrence, de cohésion économique et sociale, de stratégie pour l’emploi, d’orientations de politique économique, etc. En final, la résolution adoptée par la CES fait prévaloir le concept d’économie sociale de marché, c’est-à-dire une économie où l’on reconnaît le rôle du marché, mais où l’on contrôle ce marché au moyen de régulations sociales. Elle en appelle également au plein-emploi, à l’assouplissement du pacte de stabilité, à une meilleure coordination des politiques fiscales, à l’élargissement de la mission de la BCE comme soutien à la croissance, à l’investissement et à la création d’emplois.

4. Les services d’intérêt général
Aux yeux de la CES, la promotion des services d’intérêt général s’inscrit dans la définition du « modèle social européen », mais la question est de rééquilibrer les services d’intérêt général avec les objectifs du marché intérieur, d’une part, et les règles européennes de concurrence, de l’autre. Il s’agit notamment de reconnaître le rôle des services d’intérêt général dans la promotion d’un développement économique et social durable, et dans l’approfondissement de la cohésion sociale. Et ce, en particulier dans la perspective de l’élargissement de l’UE aux pays d’Europe centrale et orientale. La CES propose de clarifier en les limitant le champ d’application et la portée des règles européennes de concurrence, et d’octroyer un statut particulier pour les services d’intérêt général au regard de ces règles. Ce statut trouverait sa justification, selon la CES, par l’ancrage dans le traité des principes des services d’intérêt général : universalité, égalité d’accès, neutralité de propriété, tarification équitable, qualité du travail, emploi de qualité, sécurité et justice sociale.

C. D.

 

 

 

 

- Contribution de la CES à la Convention européenne : « Un traité constitutionnel pour une Europe sociale et des citoyens », résolution adoptée par le Comité exécutif de la CES les 9-10 octobre 2002. CES, Bd du Roi Albert II, 5 - 1210 Bruxelles, Belgique. tél. : + 322/224 04 11.