200 000 nouveaux emplois d’ici la fin de la législature ! C’est la mesure phare de la dernière Déclaration de politique fédérale. Peut-on également créer une part importante de ces emplois nouveaux à Bruxelles et en Wallonie ?


Les Régions wallonne et bruxelloise sont chargées de l’accompagnement et de la formation des personnes sans emploi, et du développement des politiques d’insertion. Elles peuvent également prendre des mesures d’aides à destination des entreprises, organiser et financer des services non marchands, ou encore soutenir la recherche et le développement… Mais que constate-t-on sur le terrain ? Après quelques années un peu plus favorables, fin des années 90, le chômage est reparti à la hausse dès l’automne 2001. Le gouvernement wallon tente de minimiser le problème en disant que la situation est pire ailleurs. À Bruxelles, on met surtout l’accent sur la difficulté de certains publics d’accéder aux emplois disponibles dans la Région. Rappelons que fin novembre 2003, il y avait 253 000 demandeurs d’emploi (18 % des travailleurs) en Région wallonne et 86 000 (22 %) à Bruxelles. En une seule année, ce sont 20 000 chômeurs de plus en Wallonie et 5 000 à Bruxelles. Les jeunes francophones sont toujours trop nombreux à n’avoir comme perspective, après leurs études, que le chômage (plus de 60 % du total national). 200 000 emplois, c’est beaucoup par rapport à l’évolution de l’activité économique, aux restructurations ; mais c’est peu vis-à-vis des 600 000 travailleurs privés d’emploi en Belgique et du million de personnes indemnisées par l’ONEm.
En juin 2002, il y avait 900 000 emplois salariés en Wallonie, 73 000 de plus qu’en 1996. Près des deux-tiers de ces emplois en plus se retrouvent dans le secteur public et non marchand. À Bruxelles, l’emploi est passé de 557 000 à 602 000, soit une augmentation de 45 000 unités en 6 ans.

À Bruxelles et en Wallonie
Côté wallon, on transforme les programmes de résorption du chômage en aides pour l’emploi. Une réforme qui concerne plus de 40 000 personnes, qui travaillaient sous divers statuts ou sous-statuts (ACS, PRIME, TCT…). La réforme vise à unifier ces systèmes, créés à l’origine dans une optique de rotation et qui, au fil du temps, sont devenus des instruments permettant de rendre des services collectifs. Elle vise aussi à permettre de tenir compte de l’ancienneté et des évolutions salariales. L’application concrète de ces modifications devra être suivie de près, particulièrement dans le volet de ces emplois qui concerne la Communauté française où des problèmes subsistent.

Autre réforme : les titres-services. Mis en place par le gouvernement fédéral, ceux-ci pourraient être étendus à l’accueil de l’enfance et aux soins aux personnes. Les gouvernements actuels semblent en tous les cas avoir posé les balises à Bruxelles et en Wallonie ; mais ces balises ne sont pas garanties dans la durée. Une nouvelle majorité pourrait par exemple décider d’étendre les titres-services à des activités non marchandes comme l’accueil de l’enfance et les soins aux personnes. Quelle qualité dans les prestations pourra-t-on alors garantir à la population ? Les Régions peuvent également durcir certaines dispositions de travail pour les personnes qui prestent les titres-services. Les gouvernements régionaux pourraient aussi mettre en place des méthodes d’évaluation qui permettraient de réorienter le tir si cela s’avère nécessaire.
L’enseignement et la formation tout au long de la vie constituent également des leviers importants de la politique d’emploi. Chaque Région ou Communauté dispose d’un opérateur public important en matière d’emploi ou de formation (Forem, Orbem). Ces organismes ont été réformés, en raison de nouvelles normes internationales. Leur rôle de service public est parfois menacé, suite à ces changements qui introduisent des éléments de marché. Ces organismes ont tendance à se distancier du public pour lequel ils sont les plus nécessaires : les personnes sans emploi, peu qualifiées, peu socialisées, illettrées, …

Développement durable et emploi
Même si nous vivons dans un monde plus global et plus marchand, les pouvoirs publics conservent quelques leviers d’action pour favoriser le développement d’activités et d’entreprises. La Région wallonne va ainsi se doter, en fin de législature, de nouvelles règles de soutien à l’investissement des entreprises. Ces règles intègrent des objectifs environnementaux et d’emploi relevés par rapport à la situation actuelle. Il s’agira de les mettre en application, dans le domaine de l’utilisation rationnelle de l’énergie, notamment. La volonté est de réduire, de rendre plus sélectives les aides aux grandes entreprises, en développant un système contractuel, incluant des engagements en termes d’emplois.

Communauté française et Régions participent aussi activement au financement des activités de recherche et de développement, dans les universités et les entreprises. Le développement de ces axes et de leur efficacité constitue un élément important pour l’emploi de demain. L’objectif européen est d’atteindre 3 % du PIB consacré à la recherche, la Belgique est aux environs de 2,2 %. Sous cette législature, les engagements de la Région wallonne ont augmenté rapidement. La Communauté française n’a pas encore les marges budgétaires suffisantes que pour faire un effort significatif en ce sens. La recherche, ce sont pourtant des emplois directs dans les universités, les entreprises, mais aussi de nouvelles activités, souvent avec du personnel qualifié, mais aussi d’autres emplois lorsque les innovations deviennent des succès.
L’assainissement des sites industriels désaffectés, tant à Bruxelles qu’en Wallonie, a été au cœur de nombreux discours mais qui, malheureusement, n’ont été que trop peu accompagnés de mesures concrètes. De nouvelles zones d’activités industrielles ou de services sont dans le même temps envisagées. Ces zones sont nécessaires mais leur implantation semble parfois négliger les aspects durables de la mobilité : seule la voiture pour les futurs travailleurs et le camion pour les entreprises sont pris en compte. Des pressions s’exercent déjà sur certaines d’entre elles pour en faire des pôles d’attraction de commerces. Il ne s’agit pas là d’une option souhaitable.
Les logements sociaux ou privés à loyer abordable manquent cruellement à Bruxelles et en Wallonie. Et on le sait, la rénovation et la construction de logements restent des activités intensives en emplois. Des actions ont été promises. Une grosse opération de rénovation du logement social va prochainement démarrer en Wallonie (1 milliard d’euros en 5 ans). Mais cela ne suffira pas. Les investissements publics sont les parents pauvres en Belgique depuis plus de 20 ans. Les besoins sont pourtant considérables : bâtiments scolaires, entretien du réseau routier, du réseau hydraulique, développement du réseau ferré, épuration de l’eau, équipements hospitaliers… Autant de chantiers qui pourraient relancer l’emploi.

Luc Simar
Service d’études de la CSC

De l’emploi, oui, mais quel type d’emplois ?

L’évolution du nombre d’emplois traduit aussi le développement des formes précaires d’emploi : emploi à durée déterminée, emploi à temps partiel et intérim.

L’emploi à temps partiel
Selon l’Enquête sur les forces de travail, un peu plus de 18 % des travailleurs sont occupés à temps partiel, et parmi ces travailleurs à temps partiel, 85 % sont des travailleuses ! L’augmentation du travail à temps partiel a été de près de 60 000 unités entre 1996 et 2002, rien qu’en Wallonie. Deux emplois salariés féminins sur cinq sont des emplois à temps partiel. Parmi les travailleurs à temps partiel, 9 % affirment ne pas vouloir de travail à temps complet, 32 % déclarent ne pas avoir trouvé d’emploi à temps plein et 45 % justifient leur temps partiel par des raisons familiales. Du point de vue sectoriel, les travailleurs à temps partiel se trouvent surtout dans les secteurs de la santé et de l'action sociale (28 %), du commerce (19 %), de l’éducation (16 %) et de l’administration publique (13 %).

L’emploi temporaire
En 2000, sur un peu plus d’un million de salariés vivant en Wallonie,106 000 occupent un emploi temporaire, soit environ 10 % des salariés wallons : parmi ces derniers la moitié sont sous contrat à durée déterminée (CDD), 14 % sont des intérimaires, 12 % sont des jeunes en formation et enfin 10 % d'entre eux sont sous contrats ALE. L’emploi temporaire s’est développé nettement plus rapidement que l’emploi à durée indéterminée.

L’emploi intérimaire
Il connaît une croissance sensible à partir de 1994, plus nettement marquée en 1997 et 1998. Le nombre d’heures prestées est ainsi passé de 3 à plus de 6 millions par trimestre, soit de 8 000 à plus de 16 000 équivalents temps plein annuels. Particulièrement dans les services aux personnes, les Régions et les Communautés sont quasi directement créatrices d’emplois. Leur action porte bien sûr sur le volume d’emploi ; mais la tendance est parfois au développement des emplois précaires même (et surtout) au sein des emplois non marchands (PTP, activa, articles 60…).

L. S.

 

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