Nul n’est besoin de le rappeler : nous vivons dans un monde profondément inégalitaire, dans lequel les chances de disposer d’un environnement épanouissant et menant au bien-être ne sont pas identiques pour l’ensemble des citoyens, dès le début de leur vie. Cette inégalité, au départ renforcée par la logique libérale progressivement imposée à toutes les sphères de la société, trouve son essence dans la course au profit individuel et à la compétition, l’exacte antithèse de l’égalité. Afin d’enrayer ce processus, des organisations syndicales, des associations et des partis politiques progressistes, regroupés pour la circonstance, veulent mettre sur pied des "Assises pour l’Égalité".

 

Mise sur orbite prévue pour la mi-mars.

L’environnement économique de ces derniers mois, couplé à la communication et à la politique de l’"Arc-en-ciel", complique singulièrement la tâche de ceux qui estiment qu’il faut continuer à mener le combat de l’égalité. La croissance retrouvée, la diminution des chiffres du chômage, une réforme fiscale présentée comme une pêche miraculeuse pour tous, sont autant d’éléments qui, véhiculés par des messages savamment désordonnés mais en définitive totalement convergents, en viendraient à nous faire oublier des réalités tragiquement banales; comme le fait que l’école est chez nous massivement productrice d’échecs, que la précarité et le travail à temps partiel sont particulièrement le lot des femmes, ou que les enfants des ménages socialement défavorisés le sont aussi sur le plan de la santé… Bref, que l’exigence humaniste et progressiste d’égalité n’est pas rencontrée dans la société actuelle.


Un thème fédérateur
Au-delà de la thématique de l’égalité, la démarche des Assises est aussi intéressante parce qu’elles se veulent "rassemblement" : elles sont un processus imprégné d’ouverture et de pluralisme qui entend bien "n’appartenir" à aucune organisation en particulier, mais dont l’ambition est de développer les alliances indispensables pour faire front à la marchandisation et au capitalisme triomphants; et faire émerger les convergences entre les mouvements inscrits dans l’histoire, comme les organisations syndicales, et les associations œuvrant sur des préoccupations apparues plus récemment; entre les organisations très structurées et présentes sur l’ensemble de la communauté française, et des groupes de citoyens plus informels, agissant dans un cadre géographique limité. C’est donc une démarche qui va dans le sens des conclusions de la Semaine Sociale du MOC d’avril 2000 : face au tout-au-marché et à l’argent-roi, il faut d’urgence décloisonner la société civile organisée, il faut jeter des ponts entre citoyens et associations des différents piliers et familles qui la composent, il faut réconcilier et rassembler les forces politiques et les mouvements sociaux qui adhèrent aux valeurs de justice et d’égalité.

Mais il est une autre caractéristique de la démarche qui nous paraît essentielle : c’est sa décentralisation. Dès les premières rencontres visant à former un comité de pilotage, cela fut immédiatement une volonté largement partagée : il fallait éviter que l’initiative soit "bruxello-centriste", et qu’elle soit perçue comme une réflexion "préfabriquée" lancée par quelques intellectuels et personnalités éloignées des réalités "de terrain". Au contraire, non seulement la localisation des rencontres, décentralisée sur l’ensemble du territoire wallon et bruxellois, mais aussi la logique même de l’opération, dont l’essentiel des choix de thèmes et de stratégies est laissé à la responsabilité des partenaires au plan régional, doivent être les garants d’un processus qui trouve sa source dans la réalité vécue par les acteurs eux-mêmes. Cela étant, les Assises sont aussi un processus en construction, dont l’aboutissement est aujourd’hui inconnu, puisque ce sont précisément les partenaires qui se rencontreront dans les différentes régions qui en détermineront les formes.


Moteur de développement
Nous nous rangeons, en ce qui nous concerne, du côté de ceux qui entendent bien que la démarche débouche sur du "changement social", c’est-à-dire qu’elle conduise à des avancées réelles et concrètes en matière d’égalité : que ce soit par l’élaboration d’un rapport de force, par une action de sensibilisation menée vers l’opinion publique, par l’interpellation des partis et du pouvoir politique, par la proposition de mesures législatives tendant vers l’égalité, l’essentiel, pour nous, est que les Assises dépassent le stade du forum de discussion pour mener à des progrès substantiels dans les différents champs sociaux abordés. Elles visent en tout cas un résultat, que l’on mesurera au terme du processus, c’est-à-dire dans deux ans. L’espoir est que, de convergences ponctuelles, on puisse passer à des convergences plus globales, stratégiques qui permettent que, sur un certain nombre de sujets, des propositions et de l’action commune puissent se dégager. Et puis, plus fondamentalement, même si les mots sont édulcorés tant ils sont utilisés par les uns et par les autres pour recouvrir des conceptions différentes, notre conviction est que l’égalité est un véritable projet de société que nous situons clairement à gauche de l’échiquier politique. Pour nous, et contrairement à la droite, c’est l’égalité, et non l’inégalité, qui doit être le moteur du développement humain.

Aujourd’hui, les gourous du libéralisme et de la mondialisation, parfois en se présentant comme "porteurs de préoccupations sociales" (comme ce fut le cas à Davos, en ce mois de janvier 2001) tentent de nous imposer l’idée que, une fois réalisée l’égalité des chances (c’est-à-dire cette égalité établie "au départ", y compris en admettant la nécessité de discriminations positives qui permettent aux moins favorisés par l’origine sociale ou culturelle, de se trouver sur la même ligne que les autres), il faut laisser jouer les lois du profit individuel et de la concurrence, ce qui revient en effet à considérer l’inégalité comme le moteur du développement ! Nous défendons le modèle inverse : c’est l’égalité qui doit être la finalité et le moteur de la société que nous voulons.
Les Assises pour l’Égalité, ce fut d’abord une belle et grande idée. Par la volonté et l’engagement d’une vingtaine de militants de la société civile organisée, elles sont devenues un projet enthousiasmant. Elles doivent maintenant entamer l’étape essentielle de leur parcours : être ce qu’en décideront celles et ceux qui, en différents lieux de Wallonie et de Bruxelles, vont se les approprier pour les mener à bien pour qu’il y ait davantage d’égalité.

Thierry Jacques et Lahoucine Tazribine

La Charte

Liberté-égalité-fraternité : située au cœur des valeurs qui fondent l’idéal démocratique, l’égalité ne se porte pas bien. Exigence radicale, elle ne se réduit pas à des concepts consensuels comme "l’égalité des chances" ou l’"équité" qui servent d’alibi aux inégalités réelles, lesquelles ne se mesurent pas seulement "au départ", mais aussi – surtout – "à l’arrivée"; chaque jour, l’écart grandit entre les riches et les pauvres, entre le nord et le sud de la planète, entre ceux qui dominent et ceux qui sont dominés, tandis que les inégalités entre les femmes et les hommes persistent.
Dans un contexte de globalisation et de course à la compétitivité, les services publics sont remis en cause et font l’objet de formes de démantèlement tandis que la sécurité sociale est menacée et que la fiscalité perd de vue sa fonction redistributrice. La fragilisation des fonctions collectives – de l’enseignement à la santé, de la justice aux transports en commun – accentue le risque de dérive inégalitaire de la société et hypothèque les conditions d’un développement durable pour tous. Cœur de tout projet politique authentiquement démocratique, l’aspiration égalitaire doit être raffermie. De même, le critère d’égalité doit être mis au centre du jugement porté sur les politiques publiques. C’est l’ambition des Assises pour l’Égalité.

En Wallonie et à Bruxelles, les Assises pour l’Égalité rassembleront des initiatives collectives portées tant par des citoyens réunis pour la circonstance que par des organisations syndicales, des militants de mouvements sociaux (CSC et MOC, FGTB wallonne et bruxelloise), des associations (Ligue des Familles, Entraide et Fraternité, Oxfam, secteur de l’insertion sociale et professionnelle, entre autres) et des partis politiques progressistes (PS, Ecolo, DC), des personnalités du monde universitaire et intellectuel. Elles s’adressent à un large public et lui propose un cadre commun de réflexion, de discussion et, le cas échéant, d’action pour appeler la société à une transformation sociale, culturelle et politique dans un sens plus égalitaire.

Des Assises, comment?

- Un comité de pilotage
Composé de femmes et d’hommes issus de divers horizons progressistes représentatifs de Wallonie et de Bruxelles, siégeant avec l’aval de leurs organisations ou à titre individuel, il est le reflet et le garant du pluralisme des Assises et de leur ouverture à l’ensemble des préoccupations de la société. Son rôle est essentiellement d’aider le processus à se développer en organisant des réunions régionales de lancement, d’en alimenter la réflexion, et d’en vérifier la bonne marche, sans pour autant entamer le processus de décentralisation.

- Des chantiers décentralisés
Ils constituent la matière de base des Assises. Organisés à partir de regroupements locaux réalisés dans l’esprit de cette charte (orientation progressiste, pluralisme, ouverture), ils se centreront sur une dimension particulière du combat pour l’égalité, dans des domaines socio-économiques, de la justice, de l’enseignement, de la santé, des relations nord-sud, de la citoyenneté, de la culture ou de l’environnement.
Les chantiers peuvent prendre des formes très diversifiées qui s’articulent obligatoirement autour d’une activité ouverte au public. Ils peuvent privilégier l’expertise, l’enquête ou le témoignage, être précédés d’un travail en séminaire et suivis d’une action publique, concerner la population dans son ensemble ou un groupe plus particulier – dans une école, une institution, un quartier. Ils seront organisés de manière autonome, y compris sur le plan financier, mais auront accès à un ensemble de services communs.

- Un calendrier
Les Assises pour l’Égalité seront lancées à la mi-mars 2001. Elles se dérouleront pendant deux ans, avec un moment d’évaluation à mi-chemin. Elles se termineront par des Journées de l’Égalité où seront présentées des synthèses collectives à partir du travail des chantiers. Simultanément douze chantiers seront lancés en Wallonie et à Bruxelles, dont la liste sera arrêtée lors du lancement des Assises.

Infos : adresse provisoire de contact :
Henri Goldman, rue du Coq, 110
1180 Bruxelles,
tél./fax : 02/375.28.46, GSM : 0478/49.23.56,
e-mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.">Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Site des assises http://users.swing.be/assises.egalite