Davantage de publicité à la RTBF ? Voilà qui est fait. Le 17 juillet dernier, la Communauté française accordait à son principal média public l'autorisation d'augmenter ses recettes publicitaires. Les téléspectateurs manifestent pourtant une lassitude croissante face à l'invasion des pubs sur le petit écran. Qu'à cela ne tienne, il est également prévu de renouveler les pratiques. Mais pas dans le sens d'une meilleure protection des consommateurs. Ni d'une revalorisation des programmes.
Le nouveau contrat de gestion de la RTBF, valable pour cinq ans, est entré en vigueur en janvier dernier, sauf en ce qui concerne les recettes publicitaires (1). En effet, le texte prévoit deux mesures qui outrepassent les dispositions des décrets servant de cadre à l'établissement du contrat de gestion. La première mesure concerne un déplafonnement progressif des recettes émanant de la publicité. La seconde touche à de nouvelles pratiques publicitaires. Pour que ces mesures puissent être mises en application, il fallait d'abord modifier les deux décrets. Le 17 juillet dernier, le parlement de la Communauté française adopte les modifications nécessaires, sans le débat public que d'aucuns réclamaient. Avant d'entrer plus en détail dans le contenu de ces mesures, fixons brièvement le cadre légal. En Belgique francophone, deux décrets font référence. Celui du 27 février 2003 sur la radiodiffusion concerne toutes les entreprises (publiques ou privées) qui exercent un métier d'éditeurs, de distributeurs de services ou d'opérateurs de réseaux sur le territoire. Le décret de 1997, quant à lui, s'applique à la RTBF dont il définit les principes. Il impose également la conclusion d'un contrat de gestion, puisque la RTBF est devenue une entreprise publique autonome. Ce contrat fixe les règles et les modalités selon lesquelles la RTBF est tenue d'assumer ses missions de service public. Il détermine aussi le montant de la dotation de la Communauté française. Précisons ici que la compétence des États ne peut s'exercer que sur les émetteurs locaux. Aussi, bien que de nombreux Belges regardent des chaînes étrangères, le décret ne peut leur être appliqué. Sauf si elles diffusent une émission spécifiquement adressée à la population de notre pays.
Le nouveau contrat de gestion 2007-2011 de la RTBF, signé en octobre 2006, positionne celle-ci comme un vecteur de cet objectif, dans la mesure où elle contribue « à la protection et à la promotion de la diversité [...] en garantissant une accessibilité optimale pour tous ». En tant qu'entreprise publique exploitant des services de radiodiffusion sonore et audiovisuelle, la RTBF doit assumer ce rôle de vecteur d'émancipation en réalisant une série de missions de service public.
Elle doit ainsi se montrer crédible dans ses choix de programmation et ses approches, tant en ce qui concerne l'information que le divertissement, l'éducation et la culture. Elle est d'ailleurs tenue de réaliser des enquêtes sur l'audience et le taux de satisfaction du public. Nous y reviendrons. La RTBF doit aussi fédérer un large public tout en proposant une offre diversifiée, susceptible de favoriser le dialogue entre les groupes de populations. Elle s'engage à jouer, vis-à-vis de ces publics, un rôle de « fenêtre et de miroir » en se montrant attentive à l'actualité événementielle mais aussi culturelle et associative. Sa programmation est censée refléter les valeurs d'une société « démocratique et tolérante », en contribuant à l'insertion sociale, à la citoyenneté et au lien social, et en rejetant toutes formes d'exclusion et d'incitation à la violence. Il lui appartient encore de constituer une référence, dans le paysage audiovisuel, notamment en matière d'éthique, d'innovation, d'audace, de qualités techniques et artistiques... Enfin, elle se veut un soutien pour la « multiplicité des formes culturelles » et respectueuse du principe d'égalité de genre, active « dans la lutte contre les messages et les stéréotypes sexistes ».
En outre, lors de la signature du contrat, la ministre de la Culture, Fadila Laanan, et les responsables de la RTBF ont anticipé le travail parlementaire. En effet, modifier le plafond et les pratiques publicitaires nécessitait de revoir au préalable les volets correspondants dans le contenu des décrets. C'est l'affaire du parlement qui aurait dû pouvoir mener ce débat avant la signature du contrat.
En ce qui concerne l'augmentation du pourcentage des recettes publicitaires, il s'agit de passer de 25 à 27 % dès 2007 pour arriver à 30 % d'ici 2010. La RTBF estime en avoir besoin pour faire face à ses coûts et souligne que l'on a préservé les contraintes d'encadrement imposées à la publicité. Elle ajoute que plus de recettes ne signifie pas forcément plus de publicités. Néanmoins, elle s'engage vers une privatisation toujours plus importante des moyens financiers, même si le montant de sa dotation augmente quelque peu. D'autant qu'elle ne compte manifestement pas en rester là. Le texte du nouveau projet de décret l'annonce : « En outre, lorsque les recettes nettes de la publicité de la RTBF, déduction faite de la TVA, des commissions de régie publicitaire et des moyens complémentaires affectés à la production indépendante, dépasseront effectivement le seuil des 30 % des recettes totales de la RTBF, les parties concluront un avenant au présent contrat de gestion de manière à définir l'affectation prioritaire des nouveaux moyens financiers ainsi dégagés » (2).
Le contrat de gestion introduit aussi de nouvelles formes de pratiques publicitaires. Il s'agit de la pub par écran partagé (une fenêtre s'ouvre sur l'écran), de la pub interactive (on clique sur une icône pour se connecter sur une page publicitaire) et de la pub virtuelle (des marques ou produits sont insérés numériquement dans le décor de l'émission). En outre, les marques des sponsors pourront dorénavant être rendues visibles, ce qui était jusqu'à présent interdit.
Ces pratiques n'ont rien d'anodin. Annonceurs, agences de marketing et médias sont tous conscients de la lassitude, voire de l'exaspération d'une partie grandissante du public vis-à-vis de l'omniprésence de la publicité. Ils cherchent donc de nouvelles formules. Il faut souligner qu'elles ne sont pas identifiées en tant que publicités, comme le sont les spots entre deux génériques. Il sera plus malaisé pour les téléspectateurs, surtout les plus jeunes, de faire la part des choses et de prendre distance. La RTBF se justifie en expliquant qu'elle ne peut se permettre de rester en marge du marché publicitaire et qu'elle se met ainsi en phase avec la directive européenne dite « Sans frontières » (voir encadré page suivante). Un discours qui paraît un peu simpliste pour un service public. Quant à la procédure, le parlement de la Communauté française vient seulement d'adopter les modifications prévues aux décrets concernés. Il n'y a pas eu de débat public sur la question.
Christine Steinbach et Monique van Dieren
1 Le contrat de gestion de la RTBF peut être consulté sur le site : http://www.rtbf.be/corporate/historique/ARTICLE_046339. En ce qui concerne le plafond des ressources publicitaires, il s'agit des articles 8, §3, a) et 27, §2 du décret de 1997 s'appliquant à la RTBF. En ce qui concerne les pratiques publicitaires, il s'agit du décret du 27 février 2003 portant sur la radiodiffusion.
2 Projet de décret modifiant le décret du 14 juillet 1997 portant sur le statut de la RTBF.
3 La règle des cinq minutes interdit le passage de pub durant les cinq minutes qui précèdent et suivent une émission qui s'adresse aux enfants.
4 En juillet, la plate-forme était constituée de 13 associations dont Consoloisirs, Équipes Populaires, Inter-environnement Wallonie, MOC, Vie féminine, Ligue des Familles, Crioc, etc. À noter aussi, la campagne des Équipes populaires « Notre cerveau n'est pas à vendre » (voir : www.cerveaupasavendre.be).
En effet, ceux-ci sont étroitement liés au taux d'audience. Et c'est dans cette relation étroite entre audience et tarifs que se loge le nœud du problème. Si les dirigeants de la RTBF aspirent à augmenter les recettes issues de la publicité et si cette augmentation est conditionnée au taux d'audience, il y a tout à parier que les choix de programmation dépendront au moins autant de l'audimat que de l'esprit du décret. « La dotation de la RTBF sert à payer le personnel, explique Jean-Jacques Jespers, tandis que la production est financée par les recettes publicitaires (pub ou sponsoring). Donc, il y a une tendance compréhensible à produire des émissions qui vont attirer les annonceurs et à concevoir une programmation qui n'est pas vraiment celle d'un service public ».
Autre exemple (toujours lié à la nomination du nouveau directeur), l'évolution de la Deux. À l'époque de sa création, il y avait déjà la volonté de dissocier les programmes dans le but de fidéliser un public plus large sur la première chaîne, là où l'on diffusait plus de publicité. Quant à la Deux, c'était la chaîne de l'enfance, des sports, de la culture, des minorités et du direct. Celle où l'on pouvait suivre un film en version originale, trouver des émissions accessibles pour les sourds et les malentendants. Actuellement, un nouveau glissement s'opère. « Les émissions culturelles sont déplacées de 20h15 à 22h45 et remplacées par des séries que l'on peut voir ailleurs ! Il y a davantage de publicité. L'agenda culturel passe sur Arte, une chaîne regardée essentiellement par un public intellectuel. Certes, il est rediffusé sur la Première. Mais à minuit ! ». Dernier exemple en date de ce glissement : depuis le mois d'août, la rediffusion du JT pour les malentendants est reléguée après minuit, pour libérer un créneau horaire supplémentaire (et rentable) pour la publicité...
Ces exemples sont récents. Mais l'orientation générale qui tend à privilégier les critères publicitaires n'est pas neuve. Un des grands reproches faits au média public, c'est de rechercher d'abord ce qui attirera l'annonceur. « Depuis 15 ans, la politique de la RTBF consiste à grapiller la possibilité de passer plus de publicités, analyse Jean-Jacques Jespers. On a mis des programmes l'après-midi, on a ouvert de nouveaux créneaux, non pas parce qu'on voulait des programmes intéressants mais parce que cela donnait des créneaux supplémentaires à la publicité ». À vrai dire, la situation est encore pire du côté de la radio, où la consigne est qu'elle doit s'autosuffire. Résultat, le volume de publicité est très important sur certaines chaînes publiques, particulièrement le matin.
Christine Steinbach
Directive Télévision sans frontières
Dans le domaine de l'audiovisuel, une directive impose un socle de règles communes aux États membres de l'Union européenne. Elle fait en ce moment l'objet d'une procédure de révision, sur la base d'une proposition de la Commission, dans le but d'adapter les règles aux évolutions technologiques et commerciales. Relevons trois éléments. D'abord, le projet de texte établit une distinction entre les services dits linéaires (télévision traditionnelle, Internet, téléphonie mobile) et les services non linéaires (services audiovisuels à la demande). Ensuite, les règles d'insertion de la publicité seront assouplies. Ainsi, les chaînes de TV pourront augmenter les fréquences des écrans publicitaires mais sans dépasser la limite horaire de 12 minutes de pub. Enfin, le projet de directive ouvre la voie à de nouvelles pratiques publicitaires et donne un cadre légal au placement de produits. Celui-ci restera en principe interdit, mais les États membres pourront demander une dérogation pour l'autoriser dans les films, séries, programmes sportifs, moyennant des conditions visant à protéger le consommateur.
Les États ne régulent que les émetteurs locaux
En Communauté française, deux décrets font référence. Celui du 27 février 2003 sur la radiodiffusion concerne toutes les entreprises (publiques ou privées) qui exercent un métier d'éditeurs ou distributeurs de services ou d'opérateurs de réseaux sur le territoire. Le décret de 1997, quant à lui s'applique à la RTBF dont il définit les principes. Il impose également la conclusion d'un contrat de gestion, puisque la RTBF est devenue une entreprise publique autonome. Ce contrat fixe les règles et les modalités selon lesquelles la RTBF assume ses missions de service public. Il détermine aussi le montant de la dotation attribuée par la Communauté française. Il faut préciser que la compétence des États ne peut s'exercer que sur les émetteurs locaux. Aussi, bien que de nombreux Belges regardent des chaînes étrangères, le décret ne peut leur être appliqué. Sauf si elles diffusent une émission spécifiquement adressée à la population de notre pays.
Pub et TV : qui contrôle quoi ?
C'est le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) qui est chargé de réguler le secteur audiovisuel en Communauté française de Belgique. Il reçoit aussi les plaintes et remarques du public et sanctionne, le cas échant, les infractions. Enfin, il rend des avis. Sa composition suscite des critiques. Majoritairement composée des représentants des émetteurs, elle reflète davantage le souci d'un équilibre entre partis que celui d'une réelle représentativité des composantes de la société concernées par l'audiovisuel. Le CRIOC, entre autres, plaide pour une meilleure représentation des consommateurs, qui n'y ont qu'une voix.
Le Jury d'éthique publicitaire (JEP), pour sa part, est une instance d'autorégulation, composée uniquement de représentants du secteur. Elle est donc juge et partie. Le JEP ne se réfère pas à un cadre légal mais plutôt à des codes de bonne conduite et à la notion de bon goût.
Enfin – et plus largement – le Service d'Inspection du Ministère des Affaires économiques est compétent pour recevoir toute plainte à propos d'une publicité trompeuse. Il peut agir au cas par cas mais aussi, le cas échéant, en proposant des modifications réglementaires.
Le nouveau contrat de gestion de la RTBF, valable pour cinq ans, est entré en vigueur en janvier dernier, sauf en ce qui concerne les recettes publicitaires (1). En effet, le texte prévoit deux mesures qui outrepassent les dispositions des décrets servant de cadre à l'établissement du contrat de gestion. La première mesure concerne un déplafonnement progressif des recettes émanant de la publicité. La seconde touche à de nouvelles pratiques publicitaires. Pour que ces mesures puissent être mises en application, il fallait d'abord modifier les deux décrets. Le 17 juillet dernier, le parlement de la Communauté française adopte les modifications nécessaires, sans le débat public que d'aucuns réclamaient. Avant d'entrer plus en détail dans le contenu de ces mesures, fixons brièvement le cadre légal. En Belgique francophone, deux décrets font référence. Celui du 27 février 2003 sur la radiodiffusion concerne toutes les entreprises (publiques ou privées) qui exercent un métier d'éditeurs, de distributeurs de services ou d'opérateurs de réseaux sur le territoire. Le décret de 1997, quant à lui, s'applique à la RTBF dont il définit les principes. Il impose également la conclusion d'un contrat de gestion, puisque la RTBF est devenue une entreprise publique autonome. Ce contrat fixe les règles et les modalités selon lesquelles la RTBF est tenue d'assumer ses missions de service public. Il détermine aussi le montant de la dotation de la Communauté française. Précisons ici que la compétence des États ne peut s'exercer que sur les émetteurs locaux. Aussi, bien que de nombreux Belges regardent des chaînes étrangères, le décret ne peut leur être appliqué. Sauf si elles diffusent une émission spécifiquement adressée à la population de notre pays.
Missions de service public
Dans la foulée des États généraux de la culture, le gouvernement de la Communauté française a redéfini la politique culturelle autour d'un objectif central d'émancipation.Le nouveau contrat de gestion 2007-2011 de la RTBF, signé en octobre 2006, positionne celle-ci comme un vecteur de cet objectif, dans la mesure où elle contribue « à la protection et à la promotion de la diversité [...] en garantissant une accessibilité optimale pour tous ». En tant qu'entreprise publique exploitant des services de radiodiffusion sonore et audiovisuelle, la RTBF doit assumer ce rôle de vecteur d'émancipation en réalisant une série de missions de service public.
Elle doit ainsi se montrer crédible dans ses choix de programmation et ses approches, tant en ce qui concerne l'information que le divertissement, l'éducation et la culture. Elle est d'ailleurs tenue de réaliser des enquêtes sur l'audience et le taux de satisfaction du public. Nous y reviendrons. La RTBF doit aussi fédérer un large public tout en proposant une offre diversifiée, susceptible de favoriser le dialogue entre les groupes de populations. Elle s'engage à jouer, vis-à-vis de ces publics, un rôle de « fenêtre et de miroir » en se montrant attentive à l'actualité événementielle mais aussi culturelle et associative. Sa programmation est censée refléter les valeurs d'une société « démocratique et tolérante », en contribuant à l'insertion sociale, à la citoyenneté et au lien social, et en rejetant toutes formes d'exclusion et d'incitation à la violence. Il lui appartient encore de constituer une référence, dans le paysage audiovisuel, notamment en matière d'éthique, d'innovation, d'audace, de qualités techniques et artistiques... Enfin, elle se veut un soutien pour la « multiplicité des formes culturelles » et respectueuse du principe d'égalité de genre, active « dans la lutte contre les messages et les stéréotypes sexistes ».
Les moyens
Le contrat de gestion précise comment et avec quels moyens la RTBF va assumer ses missions. Grosso modo, elle perçoit une dotation annuelle de la Communauté française. À l'heure actuelle cette dotation équivaut à 188 millions d'euros. Le contrat de gestion en cours prévoit que cette somme augmentera désormais de 2 % chaque année (hors indexation) pour atteindre 220 millions en 2011. Ceci afin de pouvoir faire face à l'augmentation des coûts liés aux missions de service public. À côté du subside public, depuis 1991, la RTBF peut recourir à la publicité commerciale. Par décret, ce mode de financement était jusqu'à présent plafonné à 25 % du montant total de ses recettes, la dotation couvrant donc 75 % du budget. Dans les faits, la RTBF tourne plutôt autour des 23 %, soit quelque 60 millions d'euros. C'est ici que les Romains s'empoignèrent. Le nouveau contrat de gestion, entré en vigueur en janvier dernier, prévoit d'augmenter progressivement le plafond des recettes publicitaires. Il introduit également de nouvelles pratiques publicitaires, moins visibles et donc plus insidieuses.En outre, lors de la signature du contrat, la ministre de la Culture, Fadila Laanan, et les responsables de la RTBF ont anticipé le travail parlementaire. En effet, modifier le plafond et les pratiques publicitaires nécessitait de revoir au préalable les volets correspondants dans le contenu des décrets. C'est l'affaire du parlement qui aurait dû pouvoir mener ce débat avant la signature du contrat.
En ce qui concerne l'augmentation du pourcentage des recettes publicitaires, il s'agit de passer de 25 à 27 % dès 2007 pour arriver à 30 % d'ici 2010. La RTBF estime en avoir besoin pour faire face à ses coûts et souligne que l'on a préservé les contraintes d'encadrement imposées à la publicité. Elle ajoute que plus de recettes ne signifie pas forcément plus de publicités. Néanmoins, elle s'engage vers une privatisation toujours plus importante des moyens financiers, même si le montant de sa dotation augmente quelque peu. D'autant qu'elle ne compte manifestement pas en rester là. Le texte du nouveau projet de décret l'annonce : « En outre, lorsque les recettes nettes de la publicité de la RTBF, déduction faite de la TVA, des commissions de régie publicitaire et des moyens complémentaires affectés à la production indépendante, dépasseront effectivement le seuil des 30 % des recettes totales de la RTBF, les parties concluront un avenant au présent contrat de gestion de manière à définir l'affectation prioritaire des nouveaux moyens financiers ainsi dégagés » (2).
Le contrat de gestion introduit aussi de nouvelles formes de pratiques publicitaires. Il s'agit de la pub par écran partagé (une fenêtre s'ouvre sur l'écran), de la pub interactive (on clique sur une icône pour se connecter sur une page publicitaire) et de la pub virtuelle (des marques ou produits sont insérés numériquement dans le décor de l'émission). En outre, les marques des sponsors pourront dorénavant être rendues visibles, ce qui était jusqu'à présent interdit.
Ces pratiques n'ont rien d'anodin. Annonceurs, agences de marketing et médias sont tous conscients de la lassitude, voire de l'exaspération d'une partie grandissante du public vis-à-vis de l'omniprésence de la publicité. Ils cherchent donc de nouvelles formules. Il faut souligner qu'elles ne sont pas identifiées en tant que publicités, comme le sont les spots entre deux génériques. Il sera plus malaisé pour les téléspectateurs, surtout les plus jeunes, de faire la part des choses et de prendre distance. La RTBF se justifie en expliquant qu'elle ne peut se permettre de rester en marge du marché publicitaire et qu'elle se met ainsi en phase avec la directive européenne dite « Sans frontières » (voir encadré page suivante). Un discours qui paraît un peu simpliste pour un service public. Quant à la procédure, le parlement de la Communauté française vient seulement d'adopter les modifications prévues aux décrets concernés. Il n'y a pas eu de débat public sur la question.
Une RTBF sans pub ?
Dès la phase préparatoire du contrat de gestion, des associations se sont fait entendre. Elles ont notamment évité que soit supprimée la règle dite « des cinq minutes » (3). Sans prétendre être exhaustifs, on peut citer l'asbl Respire, qui milite contre la pub dans l'espace public ; Bernard Hennebert a initié l'Appel des cent, appelant à un débat public sur la question. Le Crioc, la Ligue des Familles, les Équipes populaires et d'autres encore demandent la création d'un Conseil fédéral de la publicité, cumulant des fonctions d'observatoire et d'organe de plainte, avec une représentation multipartite des acteurs. Le Gsara a lancé une campagne en 2005 sur le thème. Vie Féminine a dénoncé les stéréotypes sexistes dans la pub lors d'une journée d'études... Dans la foulée du récent vote au parlement, Fadila Laanan a annoncé l'organisation d'un débat public (public comment ? on ne le sait pas) sur la pub, la violence et les stéréotypes dans les médias. Respire, Consoloisirs et les Équipes Populaires ont répondu qu'il serait plus sérieux de ne pas noyer le poisson et ont demandé qu'une étude publique soit faite sur le financement de la RTBF et les alternatives possibles, avant d'organiser un débat large public de type Assises ou États généraux dans quelques mois. Au lendemain du vote, une plateforme s'est créée pour porter cette exigence (4). C'est que le jeu en vaut la chandelle. La question est de savoir si le principal média public francophone devra, lui aussi, se contenter de chantonner, entre deux émissions-coupures de pub : « achète et tu seras quelqu'un ». Ou s'il a un avenir comme service public chargé d'informer, de divertir et d'éduquer.Christine Steinbach et Monique van Dieren
1 Le contrat de gestion de la RTBF peut être consulté sur le site : http://www.rtbf.be/corporate/historique/ARTICLE_046339. En ce qui concerne le plafond des ressources publicitaires, il s'agit des articles 8, §3, a) et 27, §2 du décret de 1997 s'appliquant à la RTBF. En ce qui concerne les pratiques publicitaires, il s'agit du décret du 27 février 2003 portant sur la radiodiffusion.
2 Projet de décret modifiant le décret du 14 juillet 1997 portant sur le statut de la RTBF.
3 La règle des cinq minutes interdit le passage de pub durant les cinq minutes qui précèdent et suivent une émission qui s'adresse aux enfants.
4 En juillet, la plate-forme était constituée de 13 associations dont Consoloisirs, Équipes Populaires, Inter-environnement Wallonie, MOC, Vie féminine, Ligue des Familles, Crioc, etc. À noter aussi, la campagne des Équipes populaires « Notre cerveau n'est pas à vendre » (voir : www.cerveaupasavendre.be).
Ce que pub veut, la RTBF le peut...
L'augmentation des recettes publicitaires implique-t-elle davantage de publicités ? Lors du vote du décret permettant l'augmentation des recettes publicitaires, la ministre de l'audiovisuel, Fadila Laanan, a précisé qu'il ne s'agissait pas d'augmenter le volume de publicités, mais bien le pourcentage de recettes. Le même nombre de spots, donc, mais payés plus chers par les annonceurs ? Peut-être mais on peut alors se demander ce que la RTBF compte faire miroiter aux annonceurs pour faire valoir une augmentation de ses tarifs.En effet, ceux-ci sont étroitement liés au taux d'audience. Et c'est dans cette relation étroite entre audience et tarifs que se loge le nœud du problème. Si les dirigeants de la RTBF aspirent à augmenter les recettes issues de la publicité et si cette augmentation est conditionnée au taux d'audience, il y a tout à parier que les choix de programmation dépendront au moins autant de l'audimat que de l'esprit du décret. « La dotation de la RTBF sert à payer le personnel, explique Jean-Jacques Jespers, tandis que la production est financée par les recettes publicitaires (pub ou sponsoring). Donc, il y a une tendance compréhensible à produire des émissions qui vont attirer les annonceurs et à concevoir une programmation qui n'est pas vraiment celle d'un service public ».
Culture pour insomniaques
Auteur d'un livre intitulé « La RTBF est aussi la nôtre », Bernard Hennebert va dans le même sens. Pour lui, la présence de la publicité à la RTBF constitue le principal problème de ce média, à cause des effets qu'elle entraîne. « Souvent, les émissions qui plaisent aux annonceurs sont proposées à des horaires favorables et disposent de budgets conséquents. » En revanche, la culture est reléguée en toute fin de soirée. Et les rediffusions sont privilégiées. Bernard Hennebert pointe, par exemple, l'engagement du Français Yves Bigot en tant que directeur des programmes. Auparavant, M. Bigot a œuvré durant sept ans sur le volet du divertissement, pour France 2. « Conséquence : on emploie maintenant l'argent pour faire des rediffusions d'émissions françaises, comme celle de Jean-Luc Delarue ». Il y a également une tendance à l'imitation dans le domaine du divertissement, qui n'est pas le fort de la RTBF.Autre exemple (toujours lié à la nomination du nouveau directeur), l'évolution de la Deux. À l'époque de sa création, il y avait déjà la volonté de dissocier les programmes dans le but de fidéliser un public plus large sur la première chaîne, là où l'on diffusait plus de publicité. Quant à la Deux, c'était la chaîne de l'enfance, des sports, de la culture, des minorités et du direct. Celle où l'on pouvait suivre un film en version originale, trouver des émissions accessibles pour les sourds et les malentendants. Actuellement, un nouveau glissement s'opère. « Les émissions culturelles sont déplacées de 20h15 à 22h45 et remplacées par des séries que l'on peut voir ailleurs ! Il y a davantage de publicité. L'agenda culturel passe sur Arte, une chaîne regardée essentiellement par un public intellectuel. Certes, il est rediffusé sur la Première. Mais à minuit ! ». Dernier exemple en date de ce glissement : depuis le mois d'août, la rediffusion du JT pour les malentendants est reléguée après minuit, pour libérer un créneau horaire supplémentaire (et rentable) pour la publicité...
Ces exemples sont récents. Mais l'orientation générale qui tend à privilégier les critères publicitaires n'est pas neuve. Un des grands reproches faits au média public, c'est de rechercher d'abord ce qui attirera l'annonceur. « Depuis 15 ans, la politique de la RTBF consiste à grapiller la possibilité de passer plus de publicités, analyse Jean-Jacques Jespers. On a mis des programmes l'après-midi, on a ouvert de nouveaux créneaux, non pas parce qu'on voulait des programmes intéressants mais parce que cela donnait des créneaux supplémentaires à la publicité ». À vrai dire, la situation est encore pire du côté de la radio, où la consigne est qu'elle doit s'autosuffire. Résultat, le volume de publicité est très important sur certaines chaînes publiques, particulièrement le matin.
Profusion de chaînes
Situation paradoxale ou cercle vicieux infernal ? L'évolution de la RTBF est aussi caractérisée par une augmentation du nombre de chaînes à laquelle la présence de la publicité n'est pas étrangère. « En télévision, on est passé à deux chaînes puis à trois, note Bernard Hennebert. En radio, il y a maintenant cinq chaînes, qui ciblent toujours plus précisément un public, ce qui est un critère de marketing. La publicité exige donc des investissements toujours plus importants ». Jean-Jacques Jespers estime, lui aussi que ce déploiement de chaînes correspond davantage à une logique de marketing qu'à celle d'un service public. « Pourquoi, par exemple, faut-il une radio qui vise les 15-25 ans et qui diffuse de la musique de pointe ? On peut très bien laisser cela au privé. Par contre, disposer d'une chaîne qui fait de la culture, qui parle d'événements culturels, qui diffuse de la musique classique, ou du jazz, etc., ça c'est une fonction que le marché ne remplit pas spontanément parce que ce n'est pas rentable. Là, il y a donc une place pour le service public, peut-être pas de la façon dont il le fait actuellement, mais il y a là une place spécifique et légitime ». À présent que les deux décrets permettent l'application du nouveau contrat de gestion, on peut craindre le pire avec de nouvelles pratiques publicitaires insidieuses, nettement moins identifiables et donc encore plus dangereuses en termes de conditionnement culturel.Christine Steinbach
Le cadre légal
L'audiovisuel est loin d'être le secteur le moins contrôlé en matière de publicité. Un cadre légal existe en Belgique et sur le plan européen. Ce dernier est en voie d'assouplissement et s'ouvre dangereusement à de nouvelles pratiques.Directive Télévision sans frontières
Dans le domaine de l'audiovisuel, une directive impose un socle de règles communes aux États membres de l'Union européenne. Elle fait en ce moment l'objet d'une procédure de révision, sur la base d'une proposition de la Commission, dans le but d'adapter les règles aux évolutions technologiques et commerciales. Relevons trois éléments. D'abord, le projet de texte établit une distinction entre les services dits linéaires (télévision traditionnelle, Internet, téléphonie mobile) et les services non linéaires (services audiovisuels à la demande). Ensuite, les règles d'insertion de la publicité seront assouplies. Ainsi, les chaînes de TV pourront augmenter les fréquences des écrans publicitaires mais sans dépasser la limite horaire de 12 minutes de pub. Enfin, le projet de directive ouvre la voie à de nouvelles pratiques publicitaires et donne un cadre légal au placement de produits. Celui-ci restera en principe interdit, mais les États membres pourront demander une dérogation pour l'autoriser dans les films, séries, programmes sportifs, moyennant des conditions visant à protéger le consommateur.
Les États ne régulent que les émetteurs locaux
En Communauté française, deux décrets font référence. Celui du 27 février 2003 sur la radiodiffusion concerne toutes les entreprises (publiques ou privées) qui exercent un métier d'éditeurs ou distributeurs de services ou d'opérateurs de réseaux sur le territoire. Le décret de 1997, quant à lui s'applique à la RTBF dont il définit les principes. Il impose également la conclusion d'un contrat de gestion, puisque la RTBF est devenue une entreprise publique autonome. Ce contrat fixe les règles et les modalités selon lesquelles la RTBF assume ses missions de service public. Il détermine aussi le montant de la dotation attribuée par la Communauté française. Il faut préciser que la compétence des États ne peut s'exercer que sur les émetteurs locaux. Aussi, bien que de nombreux Belges regardent des chaînes étrangères, le décret ne peut leur être appliqué. Sauf si elles diffusent une émission spécifiquement adressée à la population de notre pays.
Pub et TV : qui contrôle quoi ?
C'est le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) qui est chargé de réguler le secteur audiovisuel en Communauté française de Belgique. Il reçoit aussi les plaintes et remarques du public et sanctionne, le cas échant, les infractions. Enfin, il rend des avis. Sa composition suscite des critiques. Majoritairement composée des représentants des émetteurs, elle reflète davantage le souci d'un équilibre entre partis que celui d'une réelle représentativité des composantes de la société concernées par l'audiovisuel. Le CRIOC, entre autres, plaide pour une meilleure représentation des consommateurs, qui n'y ont qu'une voix.
Le Jury d'éthique publicitaire (JEP), pour sa part, est une instance d'autorégulation, composée uniquement de représentants du secteur. Elle est donc juge et partie. Le JEP ne se réfère pas à un cadre légal mais plutôt à des codes de bonne conduite et à la notion de bon goût.
Enfin – et plus largement – le Service d'Inspection du Ministère des Affaires économiques est compétent pour recevoir toute plainte à propos d'une publicité trompeuse. Il peut agir au cas par cas mais aussi, le cas échéant, en proposant des modifications réglementaires.