« Chaque jour, on nous demande de trouver des places pour des enfants et des adultes handicapés, mais nous avons beau tout essayer, rien n’y fait, il n’y a plus de place nulle part. » Ce cri d’alarme est lancé dans une lettre ouverte par des assistantes sociales de la Région bruxelloise réunies en collectif et qui travaillent en institutions pour personnes handicapées.


«Nous partageons toutes le même questionnement par rapport au devenir des enfants qui quittent nos institutions, une fois atteint l’âge de 16 ans, explique Simone Bouquette, assistante sociale au Creb, centre de jour (1), et membre du collectif. La réponse est partout la même : il n’y a pas de place, ni à Bruxelles, ni en Wallonie. Un peu plus en Flandre mais cela reste difficile pour des familles maghrébines, par exemple, qui parlent déjà difficilement le français, d’aller placer les enfants dans des institutions flamandes. La seule solution qui s’offre pour l’instant aux parents dont l’adolescent termine son parcours en institution, c’est que l’un des deux quitte son boulot pour rester à la maison, ce qui n’est pas viable à long terme ! Les parents d’enfants polyhandicapés sont sur les genoux. Face à la pénurie de places, ils s’épuisent, il n’y a même pas de liste d’attente sur la Région bruxelloise. Nous avons décidé de prendre le relais et d’interpeller les politiques, les syndicats, les mutuelles, les médias.»
Une autre question touche aussi au sens même du travail de ces assistantes sociales qui depuis des années pratiquent rééducation, préparation sensorielle, éveil social avec les enfants. « Une fois qu’ils quittent les institutions, qui va continuer ce travail avec eux ? On perd le bénéfice de plusieurs années de travail !».

Des réponses inadaptées
Au-delà du découragement, les assistantes sociales mettent surtout en avant la mauvaise prévision par le monde politique de l’évolution des personnes handicapées dans la société. Les causes sont connues : vieillissement de la population, augmentation des prématurés, des accidentés de la route, etc. «Face à cette évolution, aucune solution n’est proposée ». En Wallonie, même constat : il manque de nombreuses places en services résidentiels et d’accueil de jour pour jeunes et pour adultes, de même qu’en entreprises de travail adapté. La ministre bruxelloise en charge de l’Aide aux personnes handicapées, Evelyne Huytebroeck (Ecolo) (2), se dit consciente du problème et ne nie pas le manque de places pour les personnes handicapées. Des projets sont actuellement en cours de réalisation, répond-elle, mais ils demandent du temps et des moyens que la Commission communautaire française ne détient pas en suffisance. Le Service bruxellois francophone des personnes handicapées mène actuellement une étude afin de déterminer précisément les besoins et demandes pour les différentes catégories de personnes handicapées. Il réalisera par la suite un relevé des places dans les différents types de centres en Région bruxelloise. Un chercheur de la Fondation Travail Université financé par la ministre et mandaté par l’Observatoire de la personne handicapée est également chargé de travailler en collaboration avec le collectif des assistantes sociales.


Replacer les priorités
« Par ailleurs, note Véronique Gailly, collaboratrice de la ministre sur ce dossier, des initiatives sont prises telles que les centres d’hébergement de court séjour, les centres de répit, nous subsidions également des projets comme le Tof Service, sorte de ‘handicap-sitting’ qui permet de soulager durant quelques heures les parents. Nous essayons aussi de permettre une meilleure individualisation de l’encadrement pour qu’une différenciation se fasse entre handicap lourd et handicap léger. Jusqu’à présent, faute de moyens, les institutions avaient tout intérêt à privilégier les handicaps légers, les lourds nécessitant plus d’encadrement. Nous travaillons aussi à réformer la réglementation pour que, lorsqu’une place se libère, elle aille en priorité aux personnes handicapées qui en ont le plus besoin.» Et d’insister sur les politiques d’accompagnement mises en place, « tout aussi importantes que les places en institution. »
Quant aux projets évoqués par la ministre Huytebroeck, il s’agit de quatre centres, qui représentent au total une soixantaine de places supplémentaires, ce qui est encore insuffisant au vu du nombre de demandes mais « nous avançons avec le budget que nous avons, répond-on au cabinet de la ministre. Le prix au m2 est exorbitant à Bruxelles, trouver des zones où on peut construire de plain-pied n’est pas évident, et transformer du bâti existant, cela coûte aussi très cher. ». Les nouveaux centres ne devraient pas être ouverts avant 2007…
Reste, pour le collectif des assistantes sociales, que cette logique de travail correspond à celle des mandataires politiques mais ne répond pas aux demandes journalières des parents qui se font de plus en plus urgentes. Le collectif des assistantes sociales annonce déjà une manifestation pour la rentrée scolaire prochaine.

(1) CREB - av. Chapelle aux Champs, 40 à 1200 Bruxelles - tél. : 02 776 84 70 - courriel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
(2) Cabinet Huytebroeck, rue du Marais 49-53 à 1000 Bruxelles - tél. : 02 517 12 00 - fax : 02 517 14 90 - courriel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.