À cause notamment du compartimentage des divers régimes juridiques qui régissent le statut de la personne handicapée, on constate en Belgique une absence d’uniformité en matière de conception et d’évaluation du handicap. Difficile donc pour le commun des mortels de s’y retrouver dans l’imbroglio de définitions et de compétences. Démocratie a tenté de démêler l’écheveau.


Au niveau fédéral
La référence commune (sauf en ce qui concerne l'allocation d'intégration) pour la définition du handicap est la perte de capacité de gain. Celle-ci est déterminée en fonction de critères socio-économiques (âge, formation, passé professionnel) et s'évalue différemment selon la législation concernée.

o Législation chômage - L'article 60 de la réglementation stipule que pour bénéficier des allocations le travailleur doit être "apte" au travail, au sens de la législation relative à l'assurance maladie invalidité, c'est-à-dire ne pas présenter une perte de capacité de gain de plus de 65%. Le degré d'inaptitude est fixé par un médecin agréé par le bureau de chômage. Donc, en chômage, une personne est considérée inapte si elle a moins de 35% de capacité de gain.

o Pour l’assurance maladie-invalidité (gérée par l’INAMI et relayée par les mutuelles), est considéré comme invalide le travailleur qui a cessé toute activité professionnelle et dont les lésions et les troubles fonctionnels sont reconnus comme réduisant sa capacité de gain à un tiers au moins de ce qu’une personne de même profession et de même formation peut ou pourrait gagner par son activité professionnelle. L’incapacité de travail est constatée par le médecin-conseil.

o En matière d’accident du travail ou de maladie professionnelle, l’incapacité est établie sur la base d’un rapport de consolidation du médecin-conseil de l’organisme assureur proposant un taux d’incapacité exprimé en pourcentage. Il n’y a pas de barême officiel obligatoire.

o Les allocations aux handicapés

Les allocations de compétence fédérale visent à remplacer ou à compléter le revenu de la personne handicapée qui est incapable, en raison de son handicap ; d’acquérir un revenu suffisant ou qui doit supporter des charges complémentaires. Elles sont de deux types :

  • L’allocation de remplacement de revenu : elle est octroyée aux personnes qui n’ont pas de revenu ou qui sont limitées à 1/3 de leur capacité à acquérir un revenu par rapport à une personne valide. Le handicap est constaté par un médecin du service médical du Ministère des Affaires sociales ou du service de contrôle médical de l’INAMI.

    Pour le handicapé marié, établi en ménage ou avec enfants à charge
    719, 24 EUR/mois ou 29.014 FB
    Pour le handicapé isolé 539,44 EUR/mois ou 21.761 FB
    Pour le handicapé cohabitant 359,64 EUR/mois ou 14.508 FB
  • L’allocation d’intégration : elle est octroyée (suivant le type et le degré du handicap) aux personnes ayant des difficultés (dues à leur autonomie limitée) à s’intégrer dans la vie sociale.

    Catégorie 1 74,00 EUR/mois ou 2.985 FB
    Catégorie II 252,18 EUR/mois ou 10.173 FB
    Catégorie III 402,95 EUR/mois ou 16.255 FB
    Catégorie IV 587,04 EUR/mois ou 23.681 FB

    N.B. : la personne handicapée qui séjourne dans une institution totalement ou partiellement à charge des pouvoirs publics ou de la sécurité sociale perçoit une allocation d’intégration limitée aux deux tiers.
  • Les allocations familiales majorées
    Tout enfant handicapé âgé de 0 à 21 ans peut bénéficier outre l’allocation familiale ordinaire, d’une allocation familiale supplémentaire s’il est atteint d’une incapacité physique et/ou mentale d’au moins 66%. Pour mesurer le degré d’autonomie ; il est tenu compte de 6 catégories fonctionnelles : comportement, communication, soins corporels, déplacement, utilisation du corps dans certaines situations et adresse, adaptation au milieu, sur la base desquelles il est octroyé à l’enfant un nombre de points de 0 à 9.

Source : Guide de la personne handicapée, édité par le Ministère des Affaires sociales, de la santé publique et de l’environnement, service de la politique des handicapés.


Au niveau communautaire
o Pour l’enseignement spécial, est considéré comme handicapé l’enfant ou l’adolescent apte à recevoir un enseignement, mais toutefois incapable de poursuivre celui-ci dans un établissement scolaire ordinaire. La réglementation distingue 8 types d’enseignement selon les déficiences suivantes : arriération mentale légère, arriération mentale modérée ou sévère, troubles caractériels, déficiences physiques, maladies chroniques, troubles de vue, troubles de l’ouïe, troubles instrumentaux. Pour entrer dans une école spéciale, il faut être en possession d’un rapport d’inscription, contenant une attestation et un protocole justificatif, délivrés par un médecin spécialiste ou un centre habilité à le délivrer. Pour l’année scolaire 2001-2002, en Communauté française, 15.708 enfants handicapés fréquentaient l’enseignement spécial fondamental et 12.714 adolescents fréquentaient l’enseignement spécial secondaire, soit un total de 28.422 élèves.

Au niveau régional francophone
o En ce qui concerne le placement, et les formations Forem, 3 catégories d'aptitude sont prises en compte, déterminées par les médecins agréés du Forem.
– aptitude normale: incapacité physique ou mentale de 0 à moins de 10%;
– aptitude réduite ou partielle : incapacité physique de 10 à moins de 30% ou incapacité mentale de 10 à moins de 20%.
– aptitude très réduite : incapacité physique de 30 à moins de 66%, incapacité mentale de 20 à moins de 66%.

o AWIPH (Agence Wallonne pour l'Intégration des Personnes Handicapées).
L'enregistrement donnant droit aux interventions de l'AWIPH suppose une limitation des possibilités d'intégration sociale et professionnelle due à une insuffisance ou à une diminution d'au moins 30% de la capacité physique ou d'au moins 20% de la capacité mentale. Cette définition, figurant dans le décret du Conseil régional wallon du 6 avril 1995 ne supprime pas les critères antérieurs à la régionalisation. L'évaluation se fait par une équipe pluridisciplinaire sur base d'un questionnaire médical et psychosocial.

o SBFPH (Service Bruxellois Francophone des Personnes Handicapées).
Pour bénéficier de ses aides, la personne handicapée doit remplir les mêmes conditions qu’à l’AWIPH.

Instances compétentes en matière d’aide aux personnes handicapées

L’État fédéral

  • Allocations familiales majorées
  • Allocations de remplacement de revenu et d’intégration (octroyées par le ministère des Affaires sociales, de la Santé publique et de l’Environnement, département de la prévoyance sociale)
  • Frais de prestations individuelles de réadaptation fonctionnelle (remboursés par l’Institut national d’Assurance maladie invalidité)
  • Exonérations et réductions fiscales : redevance radio-TV, taxe voiture, impôts
  • Tarifs sociaux : téléphone, transports en commun, …
  • Avantages divers : carte de stationnement, …

Les Communautés

  • Enseignement spécial et intégré

Les Régions

  • Avantages en matière de logement social
  • Accessibilité aux lieux publics
  • Accueil et hébergement :
    • En Région wallonne : l’Agence wallonne pour l’intégration des personnes handicapées (l’AWIPH)
    • En Région de Bruxelles-Capitale : le Fonds de soins médico-socio-pédagogiques
  • Aide sociale, orientation et formation professionnelle et mise au travail :
    • En Région wallonne : l’AWIPH
    • En Région de Bruxelles-Capitale : Le Fonds bruxellois francophone pour l’Intégration sociale et professionnelle des personnes handicapées.

Source : AWIPH

Nombre de personnes handicapées parmi la population active

La Belgique compterait environ 13% de personnes handicapées parmi sa population active. Un chiffre à mettre au conditionnel quand on sait que les données disponibles sont directement liées à des avantages sociaux ou des interventions proposées par la société.
Il est donc impossible de se faire une idée exacte du nombre et du profil des travailleurs et demandeurs d'emploi handicapés (1). On estime que le taux moyen d’emploi des personnes handicapées en Belgique serait de 20% (Eurostat 1996) : 80% des personnes handicapées recensées sont sans emploi. Mais toutes ne souhaitent pas travailler ou ont très peu de chances de pouvoir le faire. Celles qui vivent dans des services d’hébergement, par exemple, ont peu d’opportunités de décrocher un emploi. Le taux d’activité des personnes handicapées qui souhaitent travailler est d’environ 30% inférieur au reste de la population et le taux de chômage 2 à 3 fois supérieur à celui de l’ensemble des travailleurs.
Notons qu’il existe des incitants à l’embauche de formes multiples : prime de 10.000 FB par mois (sur six mois maximum) pour le tutorat d'un handicapé engagé en entreprise, prime à l'intégration (d'un an maximum) fixée à 33% du coût salarial d'un handicapé engagé après au moins six mois d'inactivité professionnelle, remboursement d'une partie du coût salarial (jusque 50%) lorsque le handicap du travailleur entraîne une baisse de rendement. La fonction publique wallonne est en principe liée à l'engagement d'un quota de personnes handicapées : un emploi sur 55 dans les communes, un mi-temps pour 20 équivalents-temps plein dans les CPAS et 2,5% dans les ministères et les pararégionaux wallons.

  1. Autre facteur à prendre en compte : une partie de travailleurs handicapés intégrés dans l'emploi ordinaire ne souhaitent pas être enregistrés comme personnes handicapées (condition sine qua non pour bénéficier d'une aide).
Invalides : une situation interpellante

Par l’intermédiaire de ses services sociaux, la mutualité chrétienne a interrogé quelque 400 invalides sur leur situation financière et leur qualité de vie. Les résultats que nous vous résumons ci-dessous sont assez inquiétants.

Profil des personnes interrogées
Parmi les 413 personnes interrogées à leur domicile, on retrouve le même nombre d’hommes que de femmes, 68% ont entre 35 et 54 ans. En ce qui concerne leur situation familiale, quatre groupes peuvent être distingués : les invalides vivant avec un conjoint et/ou d’autres parents mais sans enfants financièrement à charge, les invalides vivant avec un conjoint et/ou d’autres parents plus des enfants à charge, les invalides vivant seuls dont près de la moitié sont séparés de fait ou divorcés et enfin les invalides vivant seuls avec des enfants à charge dont l’écrasante majorité sont des femmes séparées de fait ou divorcées. Parmi les personnes interrogées, peu présentent une perte d’autonomie importante. Par contre, près de la moitié bénéficient de l’intervention majorée de la part de l’Inami (remboursement préférentiel).

Paupérisation et isolement
Parmi les personnes interrogées, près de 58% déclarent s’en sortir financièrement difficilement ou très difficilement. Les isolés et les familles monoparentales sont davantage confrontés aux problèmes financiers, les taux sont respectivement de 72% et 81%. Les ménages en difficulté indiquent qu’ils devraient disposer d’un supplément de 10.000 FB (ou 248 EUR) à 15.000 FB (ou 372 EUR) en moyenne par mois pour s’en sortir. La précarité financière oblige la moitié voire, trois quarts des ménages, à faire des économies sur les postes suivants : voyage, cadeaux loisirs et détente, aménagement et entretien du logement, chaussures et vêtements. Mais des postes davantage indispensables comme l’alimentation, les consultations médicales ou le chauffage font aussi l’objet de privations pour un quart à un tiers des ménages. La situation est plus critique encore pour les invalides isolés et les familles monoparentales qui doivent rogner sur tous les postes. Un ménage sur cinq n’a plus les moyens de constituer une épargne et un sur deux doit régulièrement puiser dans les économies. Un tiers des ménages recourt à l’emprunt auprès d’amis, de proches ou d’organisations et un tiers doit également faire face à des factures impayées.

D’une manière générale, pour les invalides de l’enquête, on constate également un isolement social important. À peine 10% exercent une activité professionnelle autorisée, et ce, en moyenne, à raison de 16,8 h/semaine. Par ailleurs, les invalides développent très peu d’activités sociales, l’état de santé dégradé et des revenus expliquant en grande partie cet isolement.

On le voit, il est plus qu’urgent de relever les revenus des invalides et prioritairement parmi eux les isolés et les familles monoparentales. Pourtant, si le gouvernement fédéral a décidé d’augmenter les revenus de certains allocataires sociaux (comme les chômeurs), rien n’a été prévu pour les invalides. Ce n’est pourtant pas faute de propositions : ainsi, les mutualités chrétiennes réclament pour les isolés et les chefs de famille d’ augmenter les indemnités minimales d’au moins 10%, de lier les indemnités minimales au bien-être, d’octroyer un pécule de vacances de 10.000 FB (ou 248 EUR) pour tous les invalides, d’augmenter le revenu autorisé pour la personne à charge d’un titulaire indemnisé, etc. Reste à voir maintenant quelle place sera faite à ces propositions dans la confection du budget 2002…

 

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