Ma rue, mon quartier, mon village, ma ville, ma région, la Wallonie, Bruxelles, la Belgique, l’Europe, la planète. Chacun d’entre nous vit ces différentes échelles de territoire au gré de ses activités, de ses loisirs ou de ses relations familiales et sociales, de façon plus ou moins forte, consciente, voire engagée, à travers des actions. Mais quels impacts l’aménagement de l’espace a-t-il sur notre quotidien? Y a-t-il des options qui épuisent la planète et exploitent les travailleurs, ou, au contraire, existe-t-il des manières de penser l’espace plus respectueuses de l’homme et de l’environnement? Au Mouvement ouvrier chrétien, on est convaincu que ces dernières alternatives sont possibles. Ce dossier, rédigé par plusieurs experts et témoins de l’aménagement du territoire, est publié dans divers journaux du MOC et des organisations qui le constituent. Il s’agit de montrer que des choix sont possibles et soutenables s’ils sont portés collectivement. Bon voyage dans cette «odyssée de l’espace» territorial.


 
Les difficultés d’un accord entre les États, tant sur le partage de la dette écologique passée que sur les mesures à prendre pour réduire la production d’émissions destructrices de l’écosystème « terre » mettent en péril l’indispensable solidarité nord-sud et interrogent la place des pays émergents (Chine, Brésil, etc.) dans la gouvernance mondiale. Par ailleurs, le pic du pétrole se profile. L’impact de ce futur déclin sur les modes de production, de mobilité et de transport, mais aussi sur nos modes de vie sera majeur. Individuellement et collectivement, un choix se pose donc : continuer et attendre que les évènements décident pour nous ou anticiper, et mettre en place les politiques qui nous permettront de convertir cette menace en opportunité pour bâtir un autre monde. Parmi ces politiques, l’aménagement du territoire a une place centrale. Le philosophe urbaniste Thierry Paquot désigne par « ménager le territoire », ce nouvel aménagement.

Au coeur de la vie individuelle et collective
Par ailleurs, des décisions prises à différents niveaux ont un impact direct sur l‘aménagement du territoire et le cadre de vie des citoyens : la création d’une zone d’activités économiques, un contournement routier, l’installation d’un centre commercial, l‘implantation de pylônes gsm ou d’un parc d’éoliennes, de nouvelles infrastructures ferroviaires… Des mesures de gestion d’organismes ou d’entreprises ont des répercussions sur le fonctionnement du territoire et sur notre vie quotidienne : fermeture de haltes ferroviaires, nouveaux itinéraires ou changement de fréquence des bus, fermeture de bureaux de poste. Enfin, l’addition de microdécisions (comme construire une maison) a un poids significatif : dans les zones constructibles des plans de secteurs, la juxtaposition le long des routes d’habitations détruit les paysages, ne permet pas une véritable desserte en transports publics et oblige le recours à la voiture pour avoir accès aux écoles et aux lieux de travail.

Comment intervenir ?
Tout d’abord, en ayant conscience des enjeux dont est porteur l’aménagement du territoire c’est-à-dire une gestion parcimonieuse du sol, un aménagement pour une mobilité durable, une nouvelle politique forestière et agricole ainsi qu’une politique de la ville, une politique et des instruments d’interventions foncières et enfin la réutilisation du patrimoine bâti et du capital urbanistique des villes et des villages.
En n’oubliant pas que le territoire tel qu’il est « produit » est une contrainte forte pour les autres politiques. Il peut être un mur, un obstacle infranchissable pour ces politiques. Comment assurer en effet un accès en transport en commun, sans parler du coût à terme de la mobilité individuelle, face à la dispersion de l’habitat et des activités humaines (l’étalement urbain qui touche tant le périurbain que les villages) ?

Agir...
Tout d’abord, les citoyens et citoyennes peuvent réagir lors des enquêtes publiques avec un comportement qui soit une réponse à ces défis.
Il est surtout possible d’agir comme membre d’associations, dans les commissions consultatives d’aménagement du territoire et de la mobilité, les commissions de programmes communaux de développement rural, les plans de mobilité, les schémas de structure...

... pour quoi faire ?
Pour décrypter avec d’autres les raisons et les motivations des projets, mais aussi pour proposer un projet d’aménagement du territoire local ou régional qui réponde aux enjeux précédemment énoncés ainsi qu’à la réduction des inégalités sociales et environnementales (qui souvent se cumulent).

 Un aménagement du territoire pour quels logements ?

Qu’il soit privé ou social, le logement est de plus en plus régi par des normes les plus diverses. Au cours des dernières années, ce sont les normes énergétiques qui, à juste titre, ont été dopées. Même si d’autres concernent la hauteur des plafonds, la taille des fenêtres, etc.
Pourtant, à quoi cela sert-il d’avoir un logement énergiquement performant s’il est localisé loin de l’école, des commerces et d’autres services, publics et privés, loin du boulot, nécessitant ainsi une importante dépense énergétique pour se déplacer et imposant des contraintes en termes de temps ?
À quoi cela sert-il d’avoir un logement répondant aux normes techniques si c’est pour être isolé, dans un lieu sans diversité (par exemple : quartier périurbain exclusivement résidentiel ou quartier de bureaux) ou dans un environnement social trop homogène (par exemple, dans certains lotissements, les habitants vieillissent en même temps) ? C’est ainsi que les habitants permanents de certains « campings » préfèrent leur caravane qui n’est pas aux normes dans un lieu socialement riche à un logement social « parfait » dans un lieu socialement pauvre.
Les logements seront de plus en plus diversifiés, par leur taille et leur agencement. Parce que les modes de vie évoluent (notamment avec la croissance du travail à domicile), parce que les besoins des personnes âgées sont différents de ceux des plus jeunes, parce que les contraintes foncières imposeront la transformation en logements de toutes sortes de bâtiments (anciens bâtiments industriels, bureaux, etc.), la construction de tours de conception nouvelle, l’occupation des « friches » urbaines (espaces au-dessus d’autres bâtiments ou coincés entre deux immeubles).
Par ailleurs, le logement à vie c’est fini. Parce que les ménages se séparent et se recomposent. Parce qu’on trouve du boulot ailleurs. Parce que le logement familial est devenu trop inconfortable à 75 ans.

Un aménagement du territoire intelligent doit tenir compte de ces nouveaux besoins et de toutes ces évolutions :
– en assurant une bonne répartition spatiale des services de toute nature nécessaires à la vie moderne (commerces, loisirs, santé, sports...);
– en mêlant harmonieusement logements, lieux de travail, commerces, écoles, etc. ;
– en densifiant l’occupation du sol pour des raisons énergétiques et de cohésion sociale ;
– en assurant une diversité des logements (logements privés et publics, logements adaptés, intergénérationnels...), par exemple pour permettre à une personne âgée de migrer vers une autre habitation dans son quartier ;
– en offrant à proximité des espaces de vie communautaire (parcs, salles communales, jardins collectifs, centres d’accueil de jour pour personnes âgées...).
De très nombreuses associations défendent ces différents enjeux et interpellent les responsables politiques pour les sensibiliser, si cela n’est déjà fait, à ces réflexions absolument nécessaires si on veut créer un espace de vie où chacun pourra trouver une place de choix.


 Aller travailler sans voiture: un défi ?

Le développement territorial de ces dernières décennies a très souvent privilégié la séparation des fonctions (zones d’activités économiques, d’habitat et de loisirs, des campus scolaires et des zones commerciales). Ce type d’urbanisation a provoqué le recours accru à la voiture, notamment pour se rendre sur son lieu de travail et en particulier quand ce lieu est situé sur une zone d’activités. Les alternatives à la route y sont quasi inexistantes (desserte en transport en commun insuffisante ou inexistante, voirie inadaptée aux modes de déplacements doux - à pied/à vélo) et lorsqu’elles existent, elles sont soit ignorées soit incompatibles avec les horaires de travail.
En rendant la voiture indispensable, cette situation entraîne un recrutement des travailleurs de plus en plus difficile, en particulier pour les intérimaires. C’est aussi le cas pour les stagiaires, les jobistes et de façon générale les bas salaires puisque la part du budget consacrée au transport ne cesse d’augmenter.
À moyen terme, et c’est déjà le cas dans certains endroits, il ne fait aucun doute que le développement d’alternatives à la voiture pour effectuer les trajets domicile-lieu de travail deviendra un important facteur de compétitivité pour les entreprises. Mais en attendant de voir les effets d’une politique annoncée de meilleure localisation des activités économiques, on peut déjà agir pour encourager la transition vers des déplacements plus durables et plus accessibles à tous.

Des solutions collectives sont possibles comme :
– Soutenir des politiques structurelles de mixité des activités et de densification.
– Développer de réelles alternatives à l’échelle d’une entreprise de grande taille à partir d’une bonne concertation permet d’obtenir des résultats intéressants.
– Travailler avec les entreprises d’une même zone permet d’atteindre une taille critique qui facilite le développement d’alternatives, conférant aussi une légitimité auprès des autorités régionales.
– La mise à disposition d’une banque de données covoiturage commune, l’amélioration des cheminements vélos et piétons, l’adaptation des horaires des bus, la mise à disposition d’une information précise sur les alternatives à la voiture ont été rendues possibles grâce à une volonté collective d’améliorer l’accessibilité et la mobilité sur une zone d’activités.
Dès lors, évaluer ces actions nous est bien utile pour évoluer vers le développement de nouvelles alternatives. Dans tous les cas, la contribution des citoyens, des travailleurs et de leurs représentants reste un facteur de réussite. Et cette implication peut prendre différentes formes : participer aux consultations, s’intéresser aux projets de développements régionaux, donner son avis dans les commissions qui travaillent la question dans sa commune, interpeller le conseiller en mobilité de sa commune, faire partie d’un comité de village ou de quartier, ou encore d’une équipe locale, tester les nouvelles initiatives de mobilité, questionner les acteurs, soutenir la démarche dans les lieux de concertation (dans les entreprises notamment), accompagner et relayer l’information aussi largement que possible.


 En ville : tous égaux ?

Les femmes utilisent les transports en commun, sortent de chez elles, circulent dans la rue. Elles accompagnent leurs enfants à l’école, font les courses, rendent visite à leurs amies et voisines.
Est-ce pour autant qu’elles ont accès de manière égale à la ville ? Les rapports entre les femmes et les hommes sont-ils égaux dans la rue, les cafés, dans les bus, les métros, et cela jour et nuit ?
Les violences que les femmes vivent dans la ville sont nombreuses. Des insultes sexistes aux agressions, des places, parcs, bars où elles sont persona non grata aux transports en commun auxquels elles ne peuvent pas accéder avec des poussettes… Toutes ces situations de violences directes ou indirectes sont autant d’éléments qui font que les femmes ne se sentent pas toujours en sécurité dans l’espace public. Ces exemples montrent que la conception actuelle de la ville n’est pas égalitaire et que les marges d’évolution sont larges.

Aborder l’aménagement du territoire, la façon de concevoir la ville sous l’angle de toutes les personnes qui l’utilisent, y compris des femmes, est une façon d’améliorer la qualité de la ville en tentant de la rendre plus égalitaire, plus agréable pour toutes et tous.
Des expériences, des initiatives ont lieu. Les femmes marchent dans la ville pour la regarder autrement, pour repérer les lieux, les éléments qui les insécurisent. Des projets européens initient des aménagements de la ville en fonction des temps et déplacements différents liés à l’emploi du temps.
Des femmes occupent la rue pour y porter des revendications : grèves de la FN, dépénalisation de l’avortement, marches mondiales, femmes contre la crise… Ces expériences sont autant de réappropriation de l’espace public par les femmes.
Divers outils existent pour aborder cette question et porter un regard critique, genré sur la ville. Citons entre autres ceux-ci :
– «La rue est à nous !» Cette démarche qui invite les femmes à s’approprier la ville, le quartier est un outil d’animation proposant différentes étapes d’analyse de l’espace public selon la méthode de la marche exploratoire et de création de revendications ;
– Femmes et villes – «Violences dans l’espace public» est un outil d’apprentissage du français (adaptable à d’autres publics) visant à permettre aux femmes de s’exprimer sur les violences qu’elles rencontrent en ville et à construire progressivement des revendications à transmettre aux pouvoirs publics.



Ces outils sont disponibles au secrétariat de Vie Féminine par téléphone: 02 227 13 00, par mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. ou via le site internet : www.viefeminine.be

Ce dossier a été réalisé par le Ciep, avec la participation de Luc Maréchal, Bénédicte Vellande, Philippe Defeyt, Hélène Spitaels.


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