Chaque jour en Belgique, dix millions d’individus, industriels, et responsables politiques planifient leur vie, investissent, et prennent des décisions comme si l’ère du pétrole abondant et bon marché était éternelle. Or cette ère dans laquelle nous sommes nés et avons grandi est en train de s’achever.

 De nombreux indices indiquent que la production de pétrole est proche de son maximum et va bientôt entrer en déclin. Comment est-ce possible alors que, selon la croyance populaire, « il reste 40 ans de pétrole » ? N’est-on pas tranquille pour un bon moment ? Et ce d’autant plus que ça fait vingt ans qu’« il reste 40 ans de pétrole », ce qui suppose que les réserves se reconstituent régulièrement grâce aux nouvelles découvertes et aux progrès technologiques. Pour comprendre le problème, examinons deux concepts majeurs dans l’évolution de notre disponibilité en pétrole : les réserves et la vitesse d’extraction du pétrole. Quand un champ de pétrole est découvert, les géologues estiment ses réserves en donnant une fourchette de trois valeurs :
– le minimum, appelé réserves prouvées (= 1 P), correspond à la quantité de pétrole récupérable avec une probabilité d’au moins 90 % ;
– la valeur espérée, ou réserves prouvées + probables (= 2 P), lesquelles correspondent au pétrole que la compagnie espère récupérer et sur base de laquelle est décidée l’exploitation du gisement. Ces réserves ont une probabilité d’au moins 50 % ;
– la valeur maximale, ou réserves prouvées + probables + possibles (= 3 P), ayant une probabilité d’au moins 10 %.
De nombreux malentendus concernant les réserves de pétrole proviennent de la présence de ces trois valeurs, car, selon ses intérêts, la compagnie pétrolière ou le pays producteur donnera les chiffres de ses réserves 3 P ou 2 P ou 1 P, parfois en maintenant le flou autour de la catégorie de réserves dont il s’agit. Sans définitions claires, de nombreux analystes prendront les chiffres avancés pour argent comptant et interprèteront ces estimations comme étant des réserves « prouvées », puisque seules les réserves « prouvées » relèvent du domaine public. C’est ainsi que, selon Oil & Gaz Journal, entre 1969 et 1972, les réserves « prouvées » de l’Algérie augmentèrent d’un facteur 7 puis, en 1973, elles retombèrent tout aussi soudainement à leur niveau de 1969. Aucune raison ne peut expliquer un tel mouvement, si ce n’est un changement de catégorie de réserves déclarées.
Certaines données ne sont pas non plus mises à jour régulièrement. Ainsi, les chiffres des réserves « prouvées » publiés dans la base de données BP Statistical Review of World Energy montrent que sur les 48 principaux pays producteurs de pétrole, 37 ont donné des chiffres identiques en 2005 et 2006, et 10 ont donné des chiffres identiques au cours des cinq dernières années. Concernant les pays de l’OPEP, les aberrations sont encore plus évidentes. Dans les années 1980, l’OPEP instaura des quotas de production liés à ses réserves pour soutenir les prix, ce qui entraîna deux effets néfastes. Premièrement, six pays de l’OPEP augmentèrent subitement leurs réserves « prouvées » (de 40 à 200 %) dans le but de s’attribuer des quotas de production supérieurs, alors qu’il y eut peu de découvertes de pétrole dans ces pays à cette époque. Deuxièmement, il fut pratiquement impossible pour un pays de l’OPEP de refléter l’épuisement de ses réserves en diminuant ses chiffres officiels, car cela aurait réduit ses quotas de production, ce que tout pays veut éviter. Ainsi, depuis le milieu des années 1980, les réserves « prouvées » de l’OPEP restent globalement constantes malgré une production continue et l’absence de découvertes significatives.
Pour compliquer encore les choses, les définitions des réserves ne sont pas identiques partout. Ainsi, aux États-Unis, la Securities and Exchange Commission (SEC) n’utilise pas une définition probabiliste. Elle définit les réserves prouvées comme étant le pétrole « ayant une certitude raisonnable d’exister ». Chacun ayant sa propre définition de ce qui est raisonnablement certain, les compagnies pétrolières ont une grande flexibilité pour déclarer leurs réserves prouvées, qui vont jusqu’à correspondre à des réserves prouvées + probables si des critères probabilistes étaient utilisés. Quant aux réserves de l’OPEP, elles ne sont soumises à aucun audit ni à aucune définition.

Comptabilités différentes

Non seulement les chiffres des réserves « prouvées » sont sujets à caution, mais ils sont peu utiles pour effectuer des prévisions, puisque ce sont les réserves prouvées + probables qui se rapprochent le plus de la quantité de pétrole qui sera finalement récupérée des gisements. L’ennui, c’est que les chiffres des réserves prouvées + probables sont gardés secrets par les compagnies pétrolières et les pays producteurs, car seules les réserves prouvées doivent être déclarées publiquement. C’est une décision qui remonte aux débuts de l’industrie pétrolière américaine. En obligeant les compagnies à ne déclarer que le minimum, c’est-à-dire à sous-estimer leurs réserves, une protection contre tout risque d’exagération était ainsi accordée aux investisseurs. Il existe donc deux comptabilités pétrolières qui évoluent en parallèle : les réserves dites « prouvées », auxquelles nous ferons souvent référence sous le terme de réserves politiques, car il s’agit d’une compilation de chiffres tels qu’annoncés par les compagnies et les gouvernements – sans que les chiffres avancés puissent être vérifiés –, et les réserves prouvées + probables, auxquelles nous ferons souvent référence sous le terme de réserves techniques, puisqu’elles correspondent au mieux à la réalité. Les chiffres des réserves techniques étant généralement gardés secrets, ils sont obtenus par scouting, qui est une forme d’espionnage industriel. Ces données sont cependant connues des géologues pétroliers puisque c’est leur travail, et peuvent être obtenues auprès de compagnies spécialisées dans la collecte de données pétrolières, mais peu de personnes les utilisent, car le prix à payer est élevé. Les données politiques sont connues de tous et sont disponibles auprès de l’International Energy Agency (IEA), BP Statistical Review of World Energy, Oil and Gaz Journal, World Oil, etc.

Réserves mondiales

La figure 1 montre l’évolution des réserves mondiales de pétrole selon les deux comptabilités. Entre 1950 et 1990, les réserves de pétrole furent sous-estimées (les réserves techniques étant prouvées + probables sont logiquement supérieures aux réserves politiques, qui sont simplement les réserves prouvées), et depuis 1980, les réserves techniques diminuent, alors que les réserves politiques continuent d’augmenter. La hausse des réserves politiques explique qu’« il reste 40 ans de pétrole » depuis 20 ans, et donne l’illusion qu’on découvre chaque année plus de pétrole qu’on en consomme, alors que c’est l’inverse qui se produit depuis 1980. Aujourd’hui, pour chaque baril découvert, ce sont deux à quatre barils qui sont consommés. Mais un autre problème apparaît à partir de 1990 : les réserves politiques sont supérieures aux réserves techniques, ce qui est anormal étant donné que les réserves prouvées ne peuvent être qu’inférieures aux réserves prouvées + probables. Cette aberration provient en partie des manipulations des réserves de l’OPEP dans les années 1980, qui sont visibles sur le graphique sous la forme d’un bond des réserves politiques d’environ 30 %.
L’évolution divergente des réserves politiques et techniques s’explique en partie par la façon dont elles sont mises à jour chaque année. En cours d’exploitation, à mesure que s’améliore la connaissance du gisement, le pétrole peut changer de catégorie de réserves. Par exemple, au fil des années, du pétrole classé dans les réserves probables se transforme progressivement en réserves prouvées. C’est donc à ce moment que le pétrole apparaît dans les statistiques officielles, parfois bien des années après avoir été découvert puisque les réserves politiques sont modifiées en additionnant les réévaluations les unes derrière les autres. Ce système plaît aux producteurs car, les réserves techniques étant secrètes, il permet de déclarer les réserves petit à petit, c’est-à-dire de lisser les découvertes afin de montrer aux actionnaires qu’il y a renouvellement régulier des réserves et donner une image optimiste de la réalité. Cela permet aussi de justifier les investissements en affirmant que la technologie a permis une croissance des réserves, alors qu’il s’agit pour une bonne part de règles comptables.
À cause de cette mauvaise pratique comptable, une meilleure connaissance d’un gisement sera donc souvent interprétée comme une nouvelle découverte ou comme une amélioration du taux de récupération du pétrole du gisement. Ainsi, aux États-Unis, les révisions des réserves prouvées représentent plus de 90 % des additions annuelles, laissant moins de 10 % aux nouvelles découvertes. Pour avoir un sens, les réévaluations des réserves doivent être faites rétroactivement, c’est-à-dire rapportées à l’année de découverte, pour éviter, par exemple, que du pétrole découvert en 1990 n’apparaisse dans les chiffres des années postérieures à 1990. C’est ce principe qui est appliqué pour le calcul de la courbe des réserves techniques.
Les réserves politiques et techniques présentent donc chacune une image différente de la réalité. Or, elles sont utilisées par des catégories différentes d’experts, ce qui explique en partie les désaccords passionnés qui peuvent exister entre les géologues pétroliers (qui ont accès aux réserves techniques) et les économistes effectuant des prévisions pour les gouvernements (qui utilisent les réserves politiques). Malgré le caractère douteux des chiffres officiels, dû aussi bien à leur nature politique qu’à la façon dont ils sont mis à jour, ils sont en effet acceptés sans analyse critique par les organismes officiels, car ceux-ci aussi bien que les compagnies pétrolières ne peuvent remettre en cause les déclarations officielles des pays producteurs sous peine de problèmes diplomatiques. Ainsi, les manipulations des réserves de l’OPEP sont régulièrement soulignées dans les rapports de l’IEA, mais l’IEA n’en tient pas compte dans ses analyses. Et la base de données BP Statistical Review of World Energy est utilisée comme référence dans beaucoup d’études gouvernementales, bien que BP prenne ses distances avec les chiffres publiés, en indiquant qu’ils « ne représentent pas forcément le point de vue de BP concernant les réserves prouvées par pays ».

Vider les réserves : à quel rythme ?

Si les réserves de pétrole sont un paramètre essentiel pour appréhender notre futur énergétique, un autre concerne la vitesse d’extraction du pétrole. On ne vide pas les réserves comme on fait le plein à la pompe. Pour des raisons physiques, la production de pétrole d’un nouveau gisement est élevée lors des premiers forages, car elle dépend de la pression du gisement, puis diminue ensuite progressivement (bien que la baisse de pression soit compensée par injection d’eau ou de gaz) jusque zéro sur une période qui peut s’étaler sur plusieurs dizaines d’années. La production pétrolière d’un pays passe donc par un maximum avant de décliner ; ce maximum est appelé « pic du pétrole ». Ce schéma est aussi valable pour la planète. Or, du point de vue de l’économie, le moment où il n’y aura plus de pétrole importe peu. Ce qui compte, c’est le moment où il y en aura moins, car, comme schématisé sur la figure 2, passé le pic du pétrole, un déséquilibre croissant apparaîtra entre une demande qui augmente et une production qui diminue chaque année, entraînant tout d’abord volatilité et hausse des prix, et ensuite des pénuries.
Le pic du pétrole se produit lorsque les réserves extractibles sont environ à moitié vides. Cette notion est extrêmement importante, car elle signifie qu’il restera encore énormément de pétrole lorsque la production mondiale commencera son déclin. Et l’affirmation « il reste 40 ans de pétrole » n’est d’aucune utilité pour prédire la date de ce déclin.
Un bon exemple se trouve aux États-Unis. Très tôt dans l’histoire pétrolière de ce pays, l’habitude fut prise de calculer les réserves prouvées en multipliant par dix la production annuelle des champs en exploitation. Cette méthode simpliste facilitait le travail de tout le monde, car les gisements étant souvent partagés par un grand nombre de propriétaires, il était difficile de déterminer de manière correcte ce que contenait le gisement dans son ensemble. Mais calculer les réserves en multipliant la production par dix revient à dire « il reste 10 ans de pétrole ». Voilà pourquoi depuis les années 1920, « il reste 10 ans de pétrole » aux États-Unis. Or, la production américaine a été multipliée par quatre entre 1920 et 1970, a atteint son pic en 1970, et a depuis décliné de 40 %. Si l’industrie pétrolière américaine continue à utiliser cette tradition pour calculer ses réserves prouvées, il restera « 10 ans de pétrole » aux États-Unis jusqu’au dernier baril extrait.
Comme le pic du pétrole est atteint lorsque les réserves sont approximativement à moitié vides, estimer sa date nécessite de connaître à la fois les réserves qui ont déjà été consommées, les réserves découvertes qui restent à extraire (c’est-à-dire les réserves techniques discutées précédemment), et les réserves à découvrir, que les géologues parviennent aussi à estimer. Les différents chiffres des réserves et différentes méthodologies expliquent en partie les grandes divergences concernant la date du pic pétrolier : IEA (au-delà de 2030), Total (2020), Association for the Study of Peak Oil and Gas (ASPO) (~2010), IFP (2006-2028).
Pour l’IFP, un pic tardif (vers 2020-2028) implique un scénario optimiste où les contraintes d’investissement seraient limitées 2 ; même dans ce cas, la production de pétrole n’augmenterait que légèrement avant de stagner pendant plusieurs années (formant ce qu’on appelle un plateau). Si les investissements font défaut, l’IFP estime que nous pourrions déjà être sur le pic. Cette étude montre donc que des facteurs géopolitiques (guerres, nationalisations…) influencent aussi la date du pic, en limitant les investissements ou en rendant inaccessibles des zones prometteuses. Ces facteurs sont difficiles à intégrer dans des prévisions à long terme.

Déclin imminent ?

Par contre, à court terme, nous disposons d’une fenêtre de visibilité concernant l’évolution de la production pétrolière. Six à sept ans, c’est le temps moyen qu’il faut pour développer un gros projet pétrolier. Tous les gros projets qui entreront en production d’ici 2014 sont donc connus et répertoriés. Chris Skrebowski (Petroleum Review) a calculé que ces nouveaux gisements pourront compenser le déclin des vieux gisements jusqu’en 2011 3. Mais à partir de 2012, ce n’est plus le cas et la production mondiale entrera en déclin. Cette étude nous semble l’analyse la plus convaincante quant à la date du pic, car elle tient compte de facteurs extérieurs à la géologie, tels que la géopolitique, le montant des investissements, et la rapidité de développement des projets. C’est aussi l’une des études qui se rapproche le plus de l’évolution actuelle de la production de pétrole. Depuis fin 2004, la production mondiale de pétrole n’augmente plus (figure 3). Selon nous, 2004 marque le début du plateau de production, qui se poursuivra donc jusqu’en 2012 selon l’étude de Skrebowski (et quelques années de plus si le déclin est faible au début, et qu’un faible déclin puisse être considéré comme faisant encore partie de la phase du plateau). Notre analyse est confortée par le changement d’attitude de l’IEA, qui avertit en juillet 2007 d’un risque de pénurie de pétrole d’ici 2012. Il faut aussi reconnaître que de nombreux indices montrent l’imminence d’un pic pétrolier mondial. À titre d’exemple, 33 des 48 principaux pays producteurs ainsi que de nombreuses compagnies pétrolières sont déjà en déclin. Ensemble, les cinq « majors » (Exxon, Shell, Chevron, BP, Total) ont vu leur production baisser de 5 % entre 2001 et 2006.
Curieusement cependant, cette notion de pic du pétrole reste largement absente des médias et des études gouvernementales. Ainsi, le 19 juin 2007, la Commission Energy 2030 remit un rapport qui doit servir de base à l’élaboration de la politique énergétique belge. Le rapport évoque à peine la notion de pic du pétrole, déclarant qu’il y a débat entre ceux qui voient le pic dès maintenant, et ceux qui le voient après 2030. Sous prétexte de ce débat, la Commission a tranché en faveur des optimistes et n’envisage dans ses scénarios aucune contrainte physique au niveau des approvisionnements jusqu’en 2030. Le prix du pétrole y est vu sous les 60 $/baril (alors qu’en mars 2008, il est déjà proche de 110 $/baril). La justification donnée n’évolue pas : « il reste 40 ans de pétrole » et ça fait des années que ce chiffre est constant.

Et les exportations ?

La discussion qui précède concerne la production mondiale de pétrole. Mais tous les pays ne sont pas égaux devant le pétrole. Il y a les producteurs et les consommateurs. Or les pays exportateurs de pétrole (OPEP, Russie, et Mexique) consomment à présent autant de pétrole que l’Europe, et leur consommation s’envole (+ 3 % par an entre 2001 et 2006), stimulée par une économie en pleine croissance grâce aux pétrodollars. Comme ces pays sont désormais incapables (ou ne désirent pas) d’augmenter de manière substantielle leur production, la hausse de leur consommation se fait au détriment de leurs exportations. Selon Jeff Rubin 4 (CIBC), cette frénésie avec laquelle les pays producteurs commencent à dévorer leur propre production conduira à un déclin rapide de leurs exportations (7 % en moins entre 2006-2010), propulsant rapidement le baril au-delà de 100 $. En effet, ces pays pratiquent des politiques de subsides qui maintiennent l’essence à la pompe à des prix dérisoires (0,08 EUR le litre au Venezuela). Leur consommation de pétrole est donc immunisée contre une augmentation du prix du baril sur les marchés internationaux. Comme ces pays constituent à présent une part importante de la demande mondiale, ils participent au maintien de la demande mondiale à un niveau élevé même si le pétrole est cher. Et pour ces pays, il est politiquement risqué de modifier leur politique de subsides, car les populations, souvent pauvres, estiment que l’essence bon marché est un droit fondamental (la Birmanie et l’Iran ont dernièrement réduit les subsides ou rationné leur population, mais au prix de violentes émeutes). À mesure que les pays exportateurs basculent dans leur phase de déclin, c’est donc à une réduction rapide des exportations de pétrole que nous risquons d’assister, le déclin des exportations ayant tendance à augmenter exponentiellement avec la chute de la production (figure 4).
Parallèlement au déclin des exportations mondiales, le nombre de pays importateurs augmente, les pays en déclin basculant de la catégorie exportateur vers la catégorie importateur. Ainsi, l’Indonésie, membre de l’OPEP, est désormais importatrice de pétrole depuis 2004, et la Grande-Bretagne depuis 2006. Il apparaît donc de plus en plus clairement que les grands consommateurs de pétrole, dont l’Europe, verront bientôt leur approvisionnement diminuer. En résumé, nous partons avec l’idée qu’« il reste 40 ans de pétrole », mais nous manquons de pétrole dès maintenant (l’augmentation constante des prix depuis 2004 n’est rien d’autre qu’une forme de « rationnement » par les prix, qui touche en premier lieu les pays et classes sociales défavorisés) ; quant à la dernière goutte de pétrole, elle sera probablement extraite au siècle prochain.

Quelles conséquences ?

À travers le monde (sauf en Belgique), différentes études gouvernementales indiquent qu’il faut se préparer au pic du pétrole longtemps à l’avance. Attendre le pic pour lancer un programme d’urgence laisserait le monde avec des pénuries d’énergie pendant des décennies 5. Encore faut-il savoir quoi faire de toute urgence. Or, à notre connaissance, il n’existe en Belgique aucune étude sur le coût, les moyens, et le temps nécessaires pour déployer des solutions. Mais il est vrai qu’il n’existe pas non plus d’étude sur la date du pic du pétrole et la vitesse du déclin qui suivra, ni sur l’évolution des exportations, ni sur les conséquences économiques et sociales, ni non plus sur la manière de gérer le déclin. Depuis 2008, le monde politique belge commence cependant à prendre conscience du problème. Ainsi, en janvier et février, le conseil provincial du Hainaut votait une motion « Pic du pétrole », la Commission Énergie du Parlement wallon entamait une série d’auditions sur la problématique des pics du pétrole et du gaz, et la Commission Énergie de la Chambre des Représentants recevait une introduction concernant le pic du pétrole lors de la discussion du rapport final de la Commission Energy 2030. Dans ces trois cas, des membres d’ASPO Belgique et d’ASPO France furent reçus pour donner leur avis. Une chose est cependant certaine. Avec le déclin du pétrole, c’est vers un nouveau mode de fonctionnement de la société que l’on se dirige. Les transports, l’agriculture, le commerce, le tourisme et bien d’autres secteurs seront perturbés. Et s’il existe certaines alternatives bon marché à l’usage du pétrole dans certains secteurs (notamment l’habitat), il n’y en a pas pour d’autres (avions ? engrais ? etc.). Ces changements demanderont des réflexions préalables et des investissements considérables. Alors, plutôt que d’attendre d’avoir confirmation de la date de déclin de la production pétrolière, n’est-il pas temps d’agir ?


(*) Patrick Brocorens, est docteur en Chimie, et actuellement chercheur à l’Université de Mons-Hainaut. Michel Wautelet est physicien, professeur à l’Université de Mons-Hainaut (Belgique). Différentes parties de cet article ont été publiées dans la revue Athena (février 2008) et dans « Chimie nouvelle », revue de la Société royale de chimie.

Pour en savoir plus : www.aspo.be et M. Wautelet, « Vivement 2050 ! Comment nous vivrons (peut-être) demain », L’Harmattan, Paris (sous presse) .


1. Certaines études de Jean Laherrère sont disponibles sur le site d’ASPO France, http://aspofrance.org/.
2. Y. Mathieu, « Quelles réserves de pétrole et de gaz ? », Conférence-débat AFTP-CFE-IFP, mai 2006.
3. Chris Skrebowski (Petroleum Review), Conférence ASPO6, septembre 2007.
4. J. Rubin, P. Buchanan, Occasional Report #62, CIBC World Markets, 10 septembre 2007.
5. R. L. Hirsch et al., Peaking of world oil production: impacts, mitigation, & risk management, U.S. DOE, 2005.

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