L’éducation permanente, les centres culturels, les télévisions locales et la radio-télévision de service public, l’accès aux biens culturels et la pratique des arts sont autant de leviers pour contribuer à ce que chacun puisse exercer pleinement ses droits démocratiques à la critique, à l’expression et au débat. Lors des élections régionales de 2004, nous revendiquions un élargissement et une consolidation des mesures favorisant l’accès de tous à la culture via :
– l’accessibilité financière aux biens et services culturels ;
– l’accès pour tous aux nouvelles technologies ;
– la réduction des concurrences en radio-télévision.
Mais démocratiser la culture ne suffit pas à mettre en place une réelle démocratie culturelle. C’est pourquoi, nous avions insisté sur la nécessaire participation citoyenne au sein d’espaces déterminés et sur le soutien à l’associatif, tant les associations d’éducation permanente que les centres culturels. Pour rendre cela possible, nous demandions un accroissement des droits culturels afin de permettre à chacun de se former pour être davantage un citoyen actif. Nous prônions l’élargissement du congé-éducation payé et la diversification des offres de formation continuée.
Y a-t-il eu des avancées politiques dans la voie de ces revendications ? La déclaration de politique communautaire en partageait les principes généraux… Ainsi, le gouvernement faisait de l’accès et de la participation à la culture une priorité politique. Il entendait soutenir des projets visant à réduire la fracture sociale, générationnelle, et la fracture numérique. Il souhaitait aussi permettre l’accès des publics les plus défavorisés aux biens culturels et renforcer les liens entre culture et école. Enfin, il voulait veiller à ce que les médias de service public assurent leur mission de promotion et d’information culturelle de façon à atteindre le public le plus large.
La gratuité de certains musées, les chèques culture, les dispositions « articles 27 », l’opération « Culture à l’école » visent à favoriser l’accès du plus grand nombre à l’art et à la culture. Mais ces initiatives souffrent souvent d’un manque de concertation et surtout d’évaluation, ce qui empêche de mesurer leur impact réel, en particulier en ce qui concerne le public réellement touché, qui reste trop restreint. Pendant ce temps, une « uniformisation » de l’offre culturelle grand public, via notamment la TV ou les entreprises culturelles dominantes, continue à s’accentuer sans véritable réflexion ni réaction politique.
Dans notre société, appelée à répondre à un besoin croissant de participation citoyenne et à faire face à des inégalités nouvelles, le gouvernement estimait que le rôle et la place de l’associatif n’ont jamais été aussi essentiels. Ainsi, les gouvernements de la Région wallonne, de la Cocof et de la Communauté promettaient d’initier un Pacte associatif transversal. Par ailleurs, le gouvernement communautaire promettait la mise en œuvre complète des accords du non-marchand. Enfin, le gouvernement faisait du renforcement de la démocratie participative et du développement de l’esprit critique une priorité politique.
Fin mai 2008, la « Charte associative », qui concrétise un partenariat entre les pouvoirs publics et le monde associatif, a été adoptée en première lecture par le gouvernement conjoint (CF, RW, Cocof). Selon le texte, il s’agit de favoriser la complémentarité et la non-concurrence entre l’action des pouvoirs publics et celle des associations. Il est aussi entendu que les pouvoirs publics devront traiter de façon égale l’ensemble des prestataires de services d’intérêt général. Ces derniers devront assurer un service égal à tous les demandeurs sans aucune discrimination. Hélas, rien ne garantit le respect de cette charte au niveau local, pourtant premier concerné.
De plus, la majorité sortante n’a pas pris d’initiative pour encourager la pratique des arts en amateurs. Le soutien aux « loisirs actifs » (fanfares, troupes de théâtre amateur, ateliers de peinture ou d’écritures) est pourtant attendu depuis de longues années par les publics concernés et ceux, surtout, qui pourraient le devenir.
La mise en œuvre du nouveau décret de soutien à l’éducation permanente a permis de consolider le secteur, en stabilisant la plupart des associations reconnues sous l’ancien décret, et en ouvrant la porte à de nouvelles initiatives. Les fondamentaux de l’éducation permanente ont été sauvegardés et même renforcés : citoyenneté critique, droits sociaux et culturels, émancipation individuelle et collective, participation active et analyse critique. Les associations n’ont toutefois pas obtenu jusqu’à présent l’intégralité du financement auquel elles ont droit, et certaines d’entre elles rencontrent de vraies difficultés.
Concernant les droits culturels, c’est d’un recul qu’il faut parler, à la suite de la décision prise en juillet 2006 par le gouvernement fédéral de réduire de façon drastique le nombre d’heures de congé-éducation, auquel les travailleurs ont droit pour se former tout en continuant à travailler. Directement concernées par le fait qu’il s’agit principalement de l’accès à la formation générale et professionnelle, les Communautés et les Régions n’ont pas su éviter ce grave recul social et n’ont pas pris d’initiative pour tenter de compenser, à leur niveau, les besoins ainsi créés. À noter toutefois, et c’est une mesure que le MOC tient à saluer vivement, le refinancement et le développement de la promotion sociale.
Concernant la lutte contre la fracture numérique, le gouvernement wallon a souhaité « l’accès à Internet pour tous les citoyens notamment par la création d’espaces publics numériques (EPN) ou l’établissement de points d’accès publics à Internet notamment dans les quartiers défavorisés ». Un programme de développement des EPN a été lancé en 2005 et la Région a créé, en 2007, un label des EPN des pouvoirs locaux ainsi qu’un réseau des EPN labélisés. Quelque 70 projets locaux ont été sélectionnés depuis. À Bruxelles, il n’existe pas (encore) d’initiative coordonnée similaire. Portés essentiellement par le monde associatif, les projets bruxellois restent dispersés et manquent de visibilité. Le gouvernement bruxellois devrait s’inspirer de l’exemple wallon.
Avancées et reculs...
Le gouvernement a mis en œuvre les États généraux de la Culture qui ont eu le mérite de rassembler les acteurs culturels de la Communauté française. Si ces rencontres n’ont guère débouché sur l’affectation de moyens supplémentaires, elles furent cependant le lieu d’expression d’un bon nombre d’attentes et de revendications. Une évaluation du processus manque toutefois. Nous regrettons, par exemple, que les attentes exprimées par les représentants des nombreux centres culturels, en termes de participation culturelle et de proximité notamment, n’aient pas été rencontrées au cours de la législature, malgré l’annonce d’un décret redéfinissant les missions de ces centres. Enfin, le MOC estime que la majorité sortante a fait une inquiétante marche arrière en matière de service public dans l’audiovisuel. En effet, le contrat de gestion de la RTBF, signé en 2006, a déplafonné le recours de la radiotélévision publique à des recettes publicitaires et lui permet de décider seule de la « protection » des enfants contre la publicité.
Revendications
Il est primordial pour le MOC de continuer à favoriser l’accès de tous à la culture. Cet accès doit passer à la fois par l’école et par la possibilité offerte à tous de se procurer des biens ou assister à des événements culturels. Les liens entre culture et école sont primordiaux. À ce sujet, le rééquipement informatique des écoles (Cyberclasse et Plan Multimédia) ne suffit pas à garantir un usage responsable, critique et autonome de ces technologies par les jeunes. Il doit donc être accompagné de programmes de formation aux TIC, et ce, dès l’enseignement fondamental. Ces formations doivent s’adresser aux jeunes, mais aussi aux enseignants et aux éducateurs, dans le cadre de l’éducation aux médias. À cet égard, il est souhaitable d’impliquer les organisations de jeunesse dans ce programme, en leur offrant des opportunités semblables à ce qui se fait en milieu scolaire.
Le MOC sera particulièrement attentif à la mise en œuvre de la Charte associative. D’abord par les pouvoirs publics régionaux et communautaires, qui l’ont signée mais en oublient certains principes dans leur mode de gouvernance ! Mais aussi dans les provinces et les communes : un des enjeux importants est la traduction de la charte sur le terrain local. Les tensions et concurrences entre services publics et associatifs se rencontrent en effet surtout au niveau local. La charte prévoit simplement « d’encourager les pouvoirs locaux à transposer la charte ». C’est insuffisant.
Un nouveau décret sur les centres culturels est attendu depuis plusieurs années. Les lenteurs et la faiblesse de l’investissement politique à cet égard ont des effets démobilisateurs sur le secteur parce qu’elles empêchent la reconnaissance de nouveaux centres et le redéploiement des centres sur l’ensemble du territoire. Or, il est urgent de réinvestir dans ces outils culturels et de consolider leurs liens avec le secteur associatif. Ce décret doit être l’occasion de repenser des politiques culturelles coordonnées au niveau de territoires cohérents, dans le respect de la Charte associative.
Le travail de proximité réalisé par les associations d’éducation permanente en vue de développer la citoyenneté active est primordial. Pour que ces associations puissent continuer leurs actions, il est nécessaire de leur octroyer sans tarder le financement total auquel elles ont droit dans le cadre de leur reconnaissance.
Le MOC demande aux Régions et aux Communautés de réclamer la restauration complète des droits au Congé éducation payé (CEP), voire l’augmentation du nombre d’heures admissibles pour les formations choisies par le travailleur.
Les télévisions locales doivent être soutenues dans l’exercice de leurs missions de service public. Elles doivent être solidement ancrées dans le terrain local et sous-régional et, en particulier, dans les dynamiques associatives de leur zone. Le système de subvention doit valoriser la production propre, mais aussi définir des critères de qualité, en regard des missions de service public. Enfin, la politisation excessive des instances dirigeantes entrave trop souvent l’autonomie des rédactions et des équipes culturelles ; la Communauté française doit mener, à cet égard, un travail d’évaluation des dispositions décrétales et des systèmes de sanctions du Conseil supérieur de l’Audiovisuel.
La RTBF est une radio-télévision de service public. Il faut donc qu’elle fasse entendre et voir sa différence avec les opérateurs commerciaux en développant davantage ses missions culturelles, d’éducation permanente et d’éducation aux médias, notamment en proposant des approches diverses des enjeux politiques, sociaux, culturels, environnementaux... Aujourd’hui, les logiques publicitaires et l’audimat pèsent trop lourdement sur les programmations. Le MOC soutient la proposition portée par de nombreuses associations de réaliser une étude objective et scientifique sur le financement de la RTBF et la recherche de financements alternatifs à la publicité commerciale et au parrainage. D’urgence, il réclame une protection accrue des enfants face à la publicité, tant sur les chaînes publiques que commerciales.
Cet article est une synthèse de l’une des fiches politiques rédigées par le CIEP-MOC dans la perspective des élections régionales de juin 2007. Plus d’informations : www.ciep.be.