Le budget communal est souvent considéré comme une grande boîte noire, peu compréhensible, à laquelle il vaut mieux ne pas trop se frotter. Et pourtant, c’est un bon outil pour lire, derrière les règles techniques utilisées qu’un tel outil exige de connaître, les priorités d’une commune.

Le budget est un acte politique par lequel le Conseil communal prévoit les recettes et dépenses de l’année qui vient. Il doit être voté, sur proposition du Collège des Bourgmestre et échevins (qui s’appellera, en Wallonie, Collège communal), durant le dernier trimestre de l’année précédente. Le vote du budget donne mandat au Collège des bourgmestre et échevins pour engager les dépenses prévues et pour réaliser (recouvrer) les recettes prévues. Il faut souligner le rôle, important, du Receveur communal qui doit (faire) encaisser, sous sa propre responsabilité, l’ensemble des sommes qui sont dues à la commune. Le budget, voté par le Conseil communal, est soumis au pouvoir de tutelle qui est exercé (depuis 1980) par les Régions sauf pour les communes de langue allemande dont le pouvoir de tutelle est exercé par l’État fédéral. Ce dernier est également compétent pour l’organisation de la tutelle sur Comines-Warneton, Fourons et les six communes à statut spécial contiguës de Bruxelles même si c’est le pouvoir régional qui est compétent pour l’exercice de la tutelle.

Règles fondamentales

La Loi communale (qui était fédérale mais est devenue régionale dans le cadre des compétences transférées par la loi spéciale du 13 juillet 2001) définit les grandes règles que toutes les communes de Belgique doivent suivre. C’est ce premier cadre qui définit les grandes règles qu’un budget communal doit suivre. Le budget communal doit se conformer à quelques règles fondamentales : l’annalité (il est établi pour un an, reprenant les recettes et les dépenses escomptées entre le 1er janvier et le 31 décembre) ; l’universalité (il doit mentionner toutes les recettes et toutes les dépenses, interdisant donc tout système de compensation) ; la spécificité (chaque dépense et chaque recette doivent être spécifiées de manière précise) ; la publicité (la discussion et l’approbation au sein du Conseil se feront en séance publique ; de plus chaque citoyen peut prendre connaissance du budget à la maison communale). Il faut également noter qu’aucun article de dépense ne peut être dépassé ni aucun transfert opéré entre deux articles. Si, en cours d’année, il faut intégrer des modifications dans les recettes ou les dépenses, un cahier de modifications budgétaires doit être soumis au Conseil communal. Le budget communal doit également respecter les autres règles édictées par le pouvoir régional qui, concrètement se traduisent par des décrets (ou ordonnances) et des circulaires.

Une présentation uniforme

Le budget doit également respecter des règles de présentation uniforme. Ces règles obligent les communes à classer l’ensemble de leurs dépenses et de leurs recettes selon une classification fonctionnelle (c’est-à-dire selon les principales fonctions que la commune exerce) et selon une classification économique (c’est-à-dire distinguant le budget ordinaire qui concerne les recettes et dépenses courantes et le budget extraordinaire qui concerne les investissements). Ces règles donnent un cadre général commun à toutes les communes belges et permettent, notamment, d’effectuer des comparaisons entre communes. Le document budgétaire de la commune sera toujours présenté de la même manière et comportera différentes parties.

Dépenses obligatoires et facultatives

La Loi communale prévoit explicitement que la commune doit porter au budget les sommes nécessaires pour faire face à diverses dépenses appelées obligatoires. On peut, à titre d’exemples, citer les dépenses suivantes : personnel communal y compris les pensions à charge de la commune, frais de bureau de l’administration communale, entretien et loyer des bâtiments communaux, l’intervention dans les fabriques d’église, dépenses électorales, dotations aux CPAS, dépenses de la voirie communale, etc. Les autres dépenses sont des dépenses facultatives qui pourront toujours être remises en cause par la commune notamment quand celle-ci éprouvera des difficultés financières. Il en est ainsi de tous les subsides aux associations.

Budget en équilibre

Le budget doit être voté en équilibre. Cette règle est donc clairement explicitée même s’il faut savoir que le budget ordinaire peut atteindre l’équilibre en utilisant un fonds de réserve (constitué des bonis des exercices antérieurs) que la commune aurait créé pour ce faire ; de même il faut se rappeler que le budget extraordinaire est essentiellement équilibré par le produit d’emprunts que la commune prend pour effectuer ses investissements, le remboursement des emprunts figurant lui dans le budget ordinaire.

Source d’informations

La lecture du budget et de ses annexes permet également de disposer d’autres informations : les emprunts et l’évolution de la dette communale, les investissements programmés, les propriétés de la commune et leurs locataires, le cadre du personnel communal et le personnel effectivement en activité, etc.
- À côté de la Commune
Pour connaître et comprendre l’ensemble des questions qui sont du ressort communal, il importe souvent d’analyser d’autres institutions et associations. En effet le CPAS, les régies communales, diverses intercommunales et asbl permettent à la commune de remplir l’ensemble des tâches qui sont de sa compétence. Ainsi, si vous êtes intéressés par des questions culturelles, l’analyse du budget du centre culturel communal qui prend souvent la forme d’une A.S.B.L sera indispensable. Les intercommunales, particulièrement dans les grandes agglomérations, remplissent souvent une partie des fonctions essentielles de la commune : la protection contre l’incendie, le développement économique, le traitement des déchets, etc.
- Le compte communal
Le budget est un outil de prévision, montrant ce que la commune escompte comme recettes et les dépenses qu’elle estime devoir engager. La réalité n’est donc pas toujours celle qui est présentée dans le budget. Ce sera le compte communal (souvent nettement moins médiatisé) qui permettra d’évaluer la situation réelle de la commune. Celui-ci est présenté au vote du Conseil communal, en principe au cours du trimestre qui suit la fin de l’année. Les documents présentés au Conseil communal comporteront le compte budgétaire, le compte de résultat et le bilan.
- Le budget ordinaire
On distingue principalement deux budgets : le budget ordinaire et le budget extraordinaire. Le budget ordinaire est le budget qui permet à la commune de faire face à ses dépenses de fonctionnement au sens large du terme. Les principales recettes ordinaires d’une commune sont les recettes fiscales (taxes communales et additionnels), les subsides affectés à des dépenses précises (comme les subsides pour l’enseignement, le service incendie, etc.), les transferts généraux (principalement le fonds des communes), les recettes de la dette (participation au bénéfice d’entreprises publiques et d’intercommunales et remboursements d’emprunts et d’intérêts par l’autorité subsidiante), les redevances et prestations (recettes prévues en contrepartie d’un service fourni par la commune). L’évolution des recettes des communes durant les années montre que ce sont les taxes qui ont augmenté le plus et le fonds des communes le moins ; ceci traduit sans doute un transfert de charges des autorités (fédérales ou régionales) vers les communes.
- Le budget extraordinaire
Le budget extraordinaire reprend l’ensemble des investissements réalisés par la commune. La structure de ce budget diffère donc fondamentalement de celle du budget ordinaire. On retrouvera en recettes essentiellement des emprunts (augmentant ainsi la dette de la commune), des transferts (venant notamment d’une autorité subsidiante), des recettes d’investissement (notamment la vente de possessions communales). On retrouvera en dépenses les divers investissements programmés, classés selon les fonctions. Il est important, pour comprendre correctement l’évolution des investissements d’une commune, de ne pas se cantonner à une seule année : en effet, les efforts d’investissement d’une commune et leur répartition entre différentes fonctions ne peuvent se juger qu’après un certain nombre d’années.

État des lieux

Quelles sont les principales recettes et les principales dépenses d’une commune « moyenne » ? Les principales recettes d’une commune sont :
- le Fonds des Communes : une des principales recettes d’une commune est la dotation qu’elle reçoit du Fonds des Communes. Comme ce sont les Régions qui sont compétentes dans cette matière, cette dotation est calculée d’une manière différente en Région wallonne, Région bruxelloise et Région flamande. Notons que la part de cette ressource dans les budgets communaux est en diminution continue, ne suivant donc pas l’évolution des dépenses communales ;
- les taxes communales : les communes peuvent, par décision du Conseil ou par une loi prise à un niveau supérieur, bénéficier de recettes provenant de taxes. Celles-ci peuvent être classées en deux grandes catégories ;
- les additionnels : les taxes complémentaires et les centimes additionnels sont des taxes qui complètent des impôts levés par d’autres pouvoirs publics. Les additionnels les plus connus sont les additionnels à l’Impôt des Personnes Physiques (qui est un pourcentage, généralement entre 6 % et 8 %, qui s’ajoute à l’IPP) et sur le précompte immobilier (qui est un pourcentage qui s’ajoute à l’impôt déjà perçu sur le revenu cadastral) ;
- les taxes spécifiques : le Conseil communal peut établir une large gamme d’impôts qui lui sont propres et qui sont indépendants des autres pouvoirs publics. Ce seront donc les services communaux (et le Receveur) qui en assureront le recouvrement. Cependant la loi peut interdire certains impôts ou en limiter le montant ; ainsi les communes ne peuvent par exemple pas établir d’impôts sur les jeux de casino ou les permis de pêche.

Pour analyser un budget

La démarche active est essentielle quand on veut prendre la mesure du budget de sa commune. Pour ce faire, plusieurs angles d’approche sont possibles :
- analyse d’une fonction : on peut tout d’abord analyser une politique communale particulière en lisant de manière systématique tout ce qui la concerne dans le budget. On peut ainsi choisir la politique de l’enseignement communal dans l’enseignement primaire ou la politique concernant les voiries. Une lecture attentive du budget (ordinaire et extraordinaire, du tableau des emprunts, des investissements prévus, etc.) permet de comprendre (surtout si on connaît bien le secteur en question) l’évolution de ce secteur. On peut ainsi voir évoluer concrètement une politique communale. Pour que cette analyse soit la plus intéressante possible, il faut la mener sur plusieurs années (budgets) en vue de voir se dessiner des changements éventuels. Cette analyse particulière peut s’appliquer à des questions plus pointues comme l’endettement de la commune, l’évolution des recettes structurelles les plus importantes…
- évolution chronologique globale : il est également intéressant de voir l’évolution des grandes masses de recettes et de dépenses d’une commune au travers de plusieurs exercices. Cela permet de mettre en lumière les changements les plus importants dans la structure financière communale, de voir les évolutions en termes de dette communale, de fiscalité, de politique du personnel ou de transfert ;
- comparaison avec une autre commune : comparer une commune avec une autre de taille et de population relativement semblables est un exercice très utile car il permet de découvrir les politiques différentes menées face à des réalités similaires. Ainsi, comparer Liège à Charleroi ou Schaerbeek et Anderlecht est très instructif. Cette analyse peut mettre en lumière les grandes masses budgétaires des communes comparées ou faire une analyse plus pointue dans un domaine particulier. Il faut cependant veiller à nourrir l’analyse comparative d’informations expliquant les différences constatées, par exemple par le recours plus important à des organismes extérieurs : ainsi une commune qui a son propre service d’incendie, a d’autres types de dépenses qu’une commune qui participe à une intercommunale.

Un budget, des enjeux

Analyser un budget c’est sans doute vouloir vérifier si des marges existent en vue de mener une autre politique. On constatera souvent que les marges de modification sont assez faibles dans le court terme mais que des modifications plus importantes sont possibles à moyen terme. Analyser un budget, c’est également voir comment les mécanismes de solidarité s’exercent entre communes riches (où les recettes sont plus importantes et les dépenses moindres) et communes pauvres, entre communes des centres urbains et communes des périphéries, entre communes urbanisées et communes rurales ; c’est réfléchir aux enjeux globaux d’une région. Analyser un budget c’est distinguer de nouvelles initiatives, de nouveaux besoins, de nouvelles voies. Analyser un budget c’est participer à un débat démocratique sur les choix politiques fondamentaux d’une commune, c’est exercer ses droits fondamentaux de citoyen.
Malgré son caractère technique, le budget communal doit être un outil d’information et de participation des citoyens. Il doit aider les citoyens à prendre la mesure des choix proposés. C’est pourquoi, il est nécessaire qu’un réel travail de formation, d’information, d’explicitation, de transparence soit mené par la commune ou soit soutenu par elle. Ceci vise à montrer et expliquer les priorités de la commune traduites en termes financiers. Le bulletin communal comme des séances d’information peuvent contribuer à atteindre cet objectif dans la mesure où ces moyens ne sont pas seulement un outil de propagande de la majorité en place. Des efforts importants doivent être faits pour améliorer la transparence et la compréhension des budgets communaux.
Des efforts doivent être manifestement faits pour intégrer dans la situation financière d’une commune tant ce qui constitue le cœur de son budget que ses budgets annexes, le budget des entités (asbl ou autres) liées à son action, etc.
L’information donnée doit être comparée avec d’autres : les changements au cours des années ou encore les comparaisons avec des communes voisines ou semblables. Cette information doit être socialement analysée : quels sont les revenus des habitants de la commune (pas seulement ceux qui sont déclarés) ? À quelle hauteur chaque groupe social contribue-t-il aux ressources communales ? Quelle est la contribution des revenus de la propriété et du travail ?
Il est également essentiel pour les citoyens de connaître l’évolution des principales dépenses de la commune et de leur importance relative : quelles sont les politiques les plus onéreuses ? à quels groupes sociaux bénéficient-elles ? comment évoluent-elles ?
Les responsables communaux doivent également expliquer les conséquences financières des politiques menées. Il est important, par exemple, de montrer le coût, pour un budget communal, de la construction d’un hall sportif dans les budgets d’investissement mais également dans les budgets de fonctionnement. Ces informations sont des outils d’une participation responsable, consciente, permettant d’opérer des choix en fonction de divers critères.
Comparer le budget de plusieurs communes permet également d’aborder les questions de solidarité entre communes. Les moyens des communes sont en général proportionnels avec les revenus de leurs habitants… alors que leurs charges sont inversement proportionnelles ! Il faudrait donc que les citoyens des communes les plus pauvres paient proportionnellement plus que ceux des communes les plus riches ! Il faudrait donc augmenter les impôts pour les plus pauvres et les diminuer pour les plus riches ! Or la paupérisation, la marginalisation, l’exclusion augmentent.
La solidarité financière entre communes (que concrétise par exemple le fonds des communes) est essentielle pour rétablir une plus grande égalité, une plus grande équité ; mais elle est beaucoup trop faible. Cette revendication ne peut bien sûr être exprimée que vis-à-vis d’un pouvoir supra communal (comme la Région ou l’État fédéral).

(Texte rédigé par le CIEP)

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