Fondamentalement, une cité démocratique est une cité où le pouvoir est exercé – partagé – par tous. Une cité démocratique forme en ce sens une communauté de citoyennes et de citoyens. Le pouvoir politique en régime démocratique tire son entière légitimité de l’ensemble des citoyens. Dit autrement, en régime démocratique, c’est le peuple qui est souverain.

La commune, de par le rapport de proximité qu’elle entretient avec le quotidien de chacune et chacun, est par excellence le lieu le plus propice à l’exercice de la citoyenneté politique et participative. Elle est le terrain de base de la démocratie. Elle constitue le niveau de pouvoir le plus proche du citoyen. Là plus qu’ailleurs, il ne peut se contenter d’élire ses représentants tous les 6 ans. Il a besoin de comprendre, et il veut que ses attentes soient entendues et prises en compte.
Promouvoir la participation, c’est créer des lieux de rencontre entre les gens. C’est l’occasion de développer la convivialité entre individus, en particulier via les associations volontaires. C’est aussi reconnaître la capacité d’expertise du terrain : les citoyennes et citoyens et leurs associations sont bien placés pour faire émerger les difficultés sociales ou culturelles rencontrées dans les quartiers, et pour proposer des réponses politiques. Les attitudes des pouvoirs communaux quant à la participation des habitants peuvent être classées en trois modèles, qui se rencontrent sous des formes et dans des proportions diverses en Wallonie et à Bruxelles :
– une attitude négative faite de méfiance quant à la capacité de la population à saisir les enjeux qui la concernent. Elle se fonde sur la peur des débats et des conflits. La volonté est de garder tout le pouvoir de décision dans le lieu clos et strict des organes élus ;
– une attitude minimaliste consistant en une volonté de communication formelle et limitée. Il s’agit de strictement se limiter à expliquer, motiver et justifier des décisions prises auprès des citoyens ;
– une attitude positive considérant la démocratie participative comme une fin en soi, partie intégrante de la démocratie, et complément indispensable à la démocratie représentative.
La commune est le lieu institutionnel le mieux placé pour concrétiser une démocratie active. La loi communale prévoit un certain nombre de dispositifs susceptibles de rencontrer cet objectif. Les marges de manœuvre pour les mettre en application sont cependant très grandes et donc l’autonomie communale permet d’en faire la meilleure ou la pire des choses. On peut proposer une typologie de la participation en fonction du degré d’association des habitants à la décision. À un pôle, il y a la simple information, à l’autre la codécision. Entre ces deux pôles, la consultation.

L’information

Le droit d’accès à l’information constitue la base élémentaire de toute possibilité pour l’habitant de devenir citoyen actif dans sa commune.
– L’accueil du public joue un rôle prépondérant dans la perception de sa commune par le citoyen. On insistera sur la nécessité d’un service aimable et efficace, sur le recours à des moyens de télécommunications modernes, sur l’attention particulière aux citoyens moins favorisés. On citera, par exemple une décentralisation des services vers des lieux de proximité, un accès aux bâtiments adapté aux personnes à mobilité réduite, l’organisation de journées portes ouvertes, des horaires d’ouverture des services adaptés aux travailleurs.
– La loi a rendu obligatoire de publier la date, le jour, l’heure et l’ordre du jour des séances du conseil communal. Elle prévoit que cette publicité se fait par voie d’affichage à la maison communale. Les séances du conseil communal sont donc publiques. Dans les faits, peu de personnes se déplacent pour assister aux séances du conseil communal. Les causes de ce désintérêt sont multiples : formalisme des débats, encombrement par des délibérations administratives, discussions tronquées, majorité peu attentive aux avis de l’opposition, insuffisance de publicité… Quelques dispositions simples pourraient rendre les séances du conseil communal davantage des lieux d’exercice de la citoyenneté : l’annonce claire des conseils et de leur ordre du jour, l’affichage dans des lieux publics et de passage, les annonces dans le bulletin communal, dans la presse locale ou régionale, la décentralisation des séances en fonction des sujets abordés. Mais aussi, bien sûr, les débats thématiques et réels sur les matières importantes et qui engagent l’avenir, la revalorisation du rôle de l’opposition, l’organisation d’une prise de parole citoyenne lors du conseil.
– La loi communale prévoit que tout habitant a le droit de consulter les décisions du conseil communal. La commune est libre d’imaginer toute forme de publicité. De même, la loi prévoit la publication des règlements et ordonnances du collège des Bourgmestre et échevins par voie d’affichage. Quelques dispositions peuvent être énoncées, telles que la publication des décisions du conseil communal dans le bulletin communal, le rapport des séances du conseil dans le même bulletin, et aussi, des délais de publication courts ! Tout retard rend en effet la lecture des rapports moins intéressante.
– La majorité des communes publie un bulletin d’information. Diffusé gratuitement, ce bulletin fait écho aux éléments relatifs à la gestion de la vie communale, aux débats qui y ont lieu, aux décisions prises. L’information citoyenne passe par un bulletin communal de qualité, qui donne une information objective et plurielle, dans laquelle toutes les tendances démocratiques présentes peuvent s’exprimer, et qui donne aussi la parole aux citoyens et aux associations (des points de vue qui ne passent donc pas nécessairement par les partis politiques et par les élus). Par ailleurs, d’autres outils doivent également être mis en place, comme un site internet, la distribution de feuillets d’information communale, la participation au créneau « information » de la télévision locale, la parution d’informations dans les journaux toutes-boîtes et dans la presse régionale. Idéalement, un comité de rédaction pluraliste (c’est-à-dire associant des représentants de la majorité comme de l’opposition, ainsi que des citoyens non-élus et des membres d’associations) assure, par le biais de ces différents outils, la publication des procès-verbaux des réunions du conseil dans une écriture qui privilégie l’essentiel, la lecture croisée des décisions prises, une place pour les paroles citoyenne et associative, des informations objectives sur la vie communale, un agenda des manifestations sociales et culturelles...

La consultation directe

– Le droit de vote : dans la logique de la démocratie représentative, l’élection constitue un acte politique fondamental. L’engagement minimal du citoyen dans la commune passe par le geste d’élire ses représentants : c’est celui qui permet d’exprimer son choix, pour des candidates et candidats, mais aussi pour des idées et un programme, qui permet également de confirmer sa confiance en une équipe, ou au contraire de la sanctionner.
– La consultation populaire : organisée par les autorités communales, la consultation populaire vise à obtenir l’avis de la population sur un sujet bien précis. Les communes ont le droit d’organiser une consultation populaire sur toute question d’intérêt communal et général. Ce droit devient une obligation si un nombre suffisant d’habitants en fait la demande (10 % dans les communes de plus de 30 000 habitants ; 3 000 personnes dans celles de 15 000 à 30 000 habitants ; 20 % dans celles de moins de 15 000 habitants). La consultation vise à poser une ou plusieurs questions auxquelles on demande une réponse par oui ou par non. La formulation de la question est primordiale. La participation à la consultation est facultative et le dépouillement n’est autorisé que si au moins 40 % des électeurs y ont participé. Le collège des Bourgmestre et échevins n’est pas tenu de prendre en compte les résultats.
– Les enquêtes publiques : les grands projets urbanistiques, les implantations d’entreprises, etc. font l’objet d’une enquête publique. Les riverains qui s’estiment lésés par ces constructions peuvent faire valoir leur point de vue et, éventuellement, obtenir quelques aménagements.
– Le droit d’interpellation : quelques communes ont institué un droit d’interpellation du conseil communal. Des habitants peuvent ainsi poser des questions, présenter un problème, développer une argumentation juste avant ou après la tenue de la séance officielle du conseil communal. Attention toutefois : la manière dont le droit d’interpellation fonctionne dépend du règlement d’ordre intérieur de chaque conseil communal. Dans les faits, peu de citoyens utilisent ce droit quand il existe. Pour le rendre plus effectif, il convient de mener une action d’une part auprès des associations, pour qu’elles suscitent et épaulent les citoyen(ne)s susceptibles d’être concernés, et d’autre part auprès des élus, et principalement du bourgmestre et des échevins, afin qu’ils veillent à « jouer le jeu » en traitant de manière sérieuse le problème qui leur est soumis.

Les organes consultatifs

– Les commissions consultatives : le pouvoir communal peut créer des commissions consultatives. Chaque commune est libre d’en créer sur les matières où elle juge ces organes consultatifs nécessaires. Par exemple, le troisième âge, l’enseignement, la famille, etc. La mission des commissions consultatives est de rendre avis. Elles n’ont pas un pouvoir de décision mais leur analyse peut peser dans les décisions communales. C’est le pouvoir communal qui détermine leur composition. Dans la plupart des cas, ces commissions associent des mandataires communaux, des experts, des représentants d’associations de la commune, de « simples » citoyens. L’expérience de terrain nous amène aux quelques considérations suivantes :
– le conseil communal peut instituer des commissions consultatives sans y être obligé. Nous proposons donc des commissions consultatives plus nombreuses ;
– dans une commission, l’information est primordiale. Le pouvoir communal doit informer, dans la transparence, de son intention politique et de ses projets concrets. De plus, pour être complète, l’information doit pouvoir être contradictoire : un espace et des moyens doivent être réservés pour la consultation d’experts indépendants ;
– dans tous les cas, il est bon de fixer les règles du jeu démocratique. Il y a lieu de fixer les matières et les projets sur lesquels la consultation par le pouvoir communal est facultative ou obligatoire. Dans le même esprit, la commission doit avoir la liberté de questionner le pouvoir communal et de déposer des propositions ;
– la commission doit disposer de tous les moyens et facilités qui favorisent un bon fonctionnement ;
– la composition de la commission est essentielle. Elle doit rassembler d’une part des représentants du pouvoir dûment mandatés, d’autre part des citoyens qui sont porte-parole des associations constituées. Elle doit, par ailleurs, garantir le pluralisme à travers la représentation équilibrée des diversités et tendances sociopolitiques vécues sur le terrain local.
Le cahier des charges est lourd mais l’enjeu est considérable : les commissions consultatives peuvent combler, au moins partiellement, les déficits de débat, de transparence, de participation et peuvent ainsi contribuer à la restauration d’une démocratie participative réelle.
Les CCAT – Commissions consultatives d’aménagement du territoire – constituent un cas particulier. Dans la mesure où elles répondent à des exigences précises fixées par un décret de la Région wallonne, elles sont obligatoires et donnent à la commune des facilités en matière de procédures de permis d’urbanisme. Dans ce cas, la composition est davantage réglementée (notamment la présence d’un certain nombre de conseillers communaux) et l’octroi de subventions pour assurer le fonctionnement est prévu. Les CCAT sont consultées dans le cadre de l’élaboration des documents d’urbanisme communaux et pendant l’instruction de certaines demandes de permis de bâtir et de lotir. Elles sont aussi amenées à jouer un rôle d’expert collectif et de forum, lieu privilégié de débat et de réflexion sur l’aménagement du territoire communal.
– Les conseils communaux consultatifs : certaines communes organisent des conseils communaux des enfants ou des jeunes. Ces conseils n’ont pas de pouvoir de décision mais leurs délibérations peuvent être communiquées pour avis au conseil communal officiel. L’objectif de ces expériences est double : éveiller la conscience politique et la préoccupation du bien collectif chez les jeunes mais aussi donner la parole à ces futurs citoyens qui ne sont pas encore en âge de s’exprimer via les dispositifs légaux.

La codécision

Le référendum est une forme de codécision qui implique directement chaque citoyen. Il consiste à soumettre à l’approbation des citoyens électeurs une mesure proposée par le pouvoir exécutif. Le résultat du référendum a un caractère contraignant au contraire du résultat de la consultation populaire. Notre droit ne reconnaît l’institution du référendum à aucun niveau de pouvoir ce qui est somme toute logique dans le cadre d’un dispositif démocratique fondé sur la représentation.

Des pistes pour des revendications

Outre les diverses propositions d’améliorations de la démocratie communale qui figurent dans le point précédent, le MOC suggère en particulier deux pistes à explorer dans les communes. La première concerne le modèle (dit de Porto Alegre) de budget participatif. Des expériences ont été menées dans plusieurs communes wallonnes et bruxelloises durant la législature qui vient de s’écouler, et il convient de les évaluer sans tabou. Les questions suivantes devraient être posées à cette occasion :
– cette faculté donnée à la population, par le débat citoyen, de peser sur des choix budgétaires dans la politique communale a-t-elle permis aux citoyens de s’approprier davantage leur quotidien ?
– l’expérience a-t-elle conduit à des choix judicieux, qui ont augmenté le bien-être général de la population ?
– l’expérience n’a-t-elle pas été confisquée par quelques élites culturellement favorisées, qui auraient de cette manière imposé des décisions défavorables au monde populaire et aux catégories sociales en difficulté ?
– s’est-elle accompagnée de débats et d’une action d’éducation permanente qui ont développé la « conscience citoyenne » en éveillant l’esprit critique et en encourageant la solidarité ?
Une fois cette évaluation réalisée, il conviendrait de corriger ce qui doit l’être (notamment en renforçant le travail d’éducation permanente qui doit nécessairement soutenir ce type de participation citoyenne), et de continuer et élargir l’expérience, notamment dans les communes qui ne l’ont pas encore pratiquée jusqu’à présent. La deuxième vise à faciliter le travail des associations dans les communes, en proposant aux autorités communales de conclure un « contrat associatif » par lequel elles s’engagent à reconnaître et soutenir le travail des associations. Il s’agit en quelque sorte de la déclinaison locale du pacte associatif, pour laquelle le MOC propose un modèle à négocier dans chaque commune (voir « contrat type » entre commune et associations).
Enfin, lors des prochaines élections communales, les étrangers non européens pourront, pour la première fois, exercer leur droit de vote. Les listes des électeurs devront être clôturées pour le 31 juillet. Il reste par conséquent peu de temps aux communes pour informer correctement les citoyens et mettre en œuvre une réelle campagne de sensibilisation et d’accompagnement des nouveaux électeurs afin qu’ils se sentent pleinement concernés et convenablement outillés dans l’exercice de leurs droits.