L’aménagement du territoire, c’est la construction politique de notre espace commun. La prise de décision en la matière nécessite que des arbitrages soient faits sur de nombreuses questions : le logement, les équipements collectifs, la création d’emplois, les effets économiques, tant publics que privés, l’impact environnemental, la mobilité, la sécurité des citoyens.


Nous pouvons ainsi définir l’objectif que nous assignons à une politique d’aménagement du territoire de la manière suivante : il s’agit d’aménager notre espace public en vue de favoriser le développement social, culturel et économique des personnes qui y résident dans une perspective solidaire et durable. C’est donc la vie quotidienne de chaque citoyenne et citoyen qui est en jeu lorsqu’on dessine un projet de développement territorial pour sa commune. Toutefois, l’aménagement du territoire est une compétence politique qui relève de différents niveaux de pouvoir : communal, bien sûr, mais aussi régional, fédéral et même européen. De plus, il s’agit d’un champ d’action politique particulièrement complexe, souvent très technique, dont les populations concernées se préoccupent peu, parce qu’il n’est pas facile pour chaque citoyenne et citoyen d’en comprendre les enjeux, les contraintes, les règles. L’importance de ce champ décisionnel dans la vie de tous les citoyens oblige cependant à ce que toutes et tous, et en particulier celles et ceux qui sont les plus défavorisés, puissent y participer en connaissance de cause : c’est une exigence démocratique fondamentale.
Parmi les nombreux domaines dans lesquels la commune exerce une fonction en matière d’aménagement du territoire, citons les projets de construction de logements groupés, les lotissements, les parcs et jardins, les espaces verts, les équipements collectifs comme les crèches, les plaines de jeux, les terrains de sport, les magasins (grands et petits), les sites d’activités économiques désaffectés, les projets de rénovation urbaine et de revitalisation associant les pouvoirs publics et le privé, les contournements routiers, les parkings, l’aménagement d’espaces et de lieux centraux de convivialité, la sécurité routière, etc. Nous voyons ainsi à quel point cette compétence communale concerne au plus près diverses dimensions de notre vie quotidienne. Cependant, beaucoup de communes négligent encore l’élaboration réfléchie d’une politique communale cohérente en matière d’aménagement du territoire. Pointons les éléments essentiels suivants :
– la participation de la population : même si la législation prévoit des consultations obligatoires de la population (enquêtes publiques) et la mise en place de structures consultatives (CCAT), on constate que ces dispositifs restent souvent très « formels », et que les mandataires politiques communaux n’en tiennent pas toujours, loin s’en faut, vraiment compte ;
– une vraie politique foncière : la grande majorité des communes n’ont jamais défini de véritables politiques foncières et elles subissent donc, de manière plus ou moins passive, la dérégulation et les dégâts causés par des initiatives privées insuffisamment contrôlées et encadrées. Cela aboutit à une hausse généralisée du prix des terrains dans les noyaux d’habitat, y compris en région rurale, et à l’exclusion des personnes qui ont les revenus les plus faibles ;
– une absence de vision à long terme et de conception globale : trop souvent, les projets d’aménagement du territoire sont traités de façon ponctuelle et sans anticipation ni, a fortiori, prise en considération des effets produits à long terme. De même, les projets sont envisagés, au mieux en fonction de leur impact micro-local en matière d’environnement, sans lien avec les quartiers et les communes voisines, sans réflexion approfondie sur l’intérêt général et la solidarité (le meilleur exemple est celui du refus d’accueillir du logement social), et sans appréciation de retombées autres qu’environnementales.

Le pouvoir communal et provincial
1. Les règlements communaux d’urbanisme

Ces règlements ont trait aux manières de construire les bâtiments et d’aménager les voiries et les espaces publics, ainsi qu’éventuellement leurs abords. Par ailleurs, toutes ces réalisations doivent se conformer aux dispositions prévues par les règlements régionaux d’urbanisme, c’est-à-dire ceux mis au point par la Région dont dépend la commune concernée. Les règlements communaux d’urbanisme sont établis à l’initiative des communes. On ne peut y déroger que selon les formes prévues par le Code (régional). Ces règlements peuvent contenir un ou plusieurs des points suivants:
• des prescriptions relatives à l’implantation des bâtiments, à la hauteur et aux pentes des toitures, aux matériaux d’élévation et de couverture ainsi qu’aux baies et ouvertures ; ces prescriptions s’appliquent aux bâtiments principaux comme aux bâtiments secondaires ;
• en ce qui concerne la voirie et les espaces publics, des prescriptions relatives au gabarit, au mode de revêtement, au traitement du sol, au mobilier urbain, aux plantations, au stationnement des véhicules, aux enseignes et procédés de publicité ainsi qu’aux conduites, câbles et canalisations ;
• éventuellement des dispositions relatives aux abords des bâtiments et des voiries ainsi que toute autre indication relative aux matières traitées par les règlements régionaux d’urbanisme.
Ils peuvent couvrir soit l’ensemble du territoire communal (dans ce cas, une carte délimite éventuellement les territoires qui sont concernés par des réglementations différentes) soit une partie du territoire communal (dans ce cas, une carte en indique les limites.)

2. L’opération communale de développement rural
Une opération de développement rural consiste en un ensemble coordonné d’actions de développement, d’aménagement et de réaménagement, entreprises ou conduites en milieu rural par une commune, dans le but de sa revitalisation et de sa restauration, dans le respect de ses caractères propres et de manière à améliorer les conditions de vie de ses habitants au point de vue économique, social et culturel. Le Programme communal de Développement rural (PCDR) est le document de synthèse d’une telle opération pour chaque commune concernée.
La Commission régionale d’aménagement du territoire – qui rend un avis au ministre sur la qualité de chaque PCDR – a déterminé une grille d’évaluation des PCDR. Les originalités d’une opération de développement rural sont :
– la participation citoyenne : réunions de village et commission locale permettent à chaque citoyen qui le désire de réaliser avec d’autres l’état de la situation de la commune, de définir des objectifs de développement et les projets à mettre en œuvre. Cette participation citoyenne directe est toutefois tempérée par le fait que la décision finale reste de la compétence exclusive du Conseil communal ;
– un programme global : une opération de développement rural, c’est tout d’abord une réflexion sur l’ensemble des aspects qui font la vie d’une commune rurale : agriculture, économie, emploi, aménagement du territoire, urbanisme, environnement, mobilité, action culturelle… Ce sont ensuite des projets qui combinent souvent plusieurs de ces éléments ;
– une réflexion stratégique à long terme, clairement encouragée : le programme communal qui émane de cette réflexion collective propose des objectifs qui orienteront la politique locale pour plusieurs années. Les projets se réaliseront par conventions annuelles entre la commune et la Région. L’aide de cette dernière peut aller jusqu’à 80 % du coût des projets.

3. Les Commissions consultatives communales d’aménagement du territoire
Dans le souci d’une plus large participation de la population à la gestion de leur cadre de vie, le CWATUP (code wallon) prévoit l’obligation pour les autorités communales de créer une « commission consultative communale d’aménagement du territoire » (CCAT). Bien que la CCAT soit un organe purement consultatif, l’avis des membres de la commission doit être obligatoirement pris en compte par les autorités communales pour certaines matières. La commission peut aussi, d’initiative, rendre des avis aux autorités communales sur l’évolution des idées et des principes dans ses matières et sur les enjeux et les objectifs du développement territorial local.

4. Le schéma de structure
Le CWATUP (art. 16 à 18) définit le schéma de structure communal comme un « document d’orientation, de gestion et de programmation du développement de l’ensemble du territoire communal». L’objet du schéma de structure communal est de définir une politique d’aménagement du territoire dans le cadre d’un projet de développement communal. Ce projet doit respecter les dispositions du plan de secteur et tenir compte bien évidemment des moyens budgétaires de la commune. L’existence d’un schéma de structure communal est, avec celle d’un plan de secteur, d’un règlement communal d’urbanisme et d’une commission consultative communale d’aménagement du territoire (CCAT), l’une des quatre conditions nécessaires pour qu’une commune puisse adopter le régime de la décentralisation, qui lui accorde une certaine autonomie en matière de délivrance de permis d’urbanisme et de lotir.
Il est prévu dans le CWATUP que la Région wallonne accorde des subventions aux communes qui décident de se doter d’un schéma de structure, d’un règlement communal d’urbanisme, ou d’une CCAT.

5. Les plans communaux d’aménagement
Depuis 1998, le plan communal d’aménagement (PCA) a remplacé l’ancien plan particulier d’aménagement (PPA). Le PCA permet aux communes d’organiser de façon détaillée l’aménagement d’une partie de leur territoire. Il précise le plan de secteur en le complétant, mais peut, au besoin, y déroger. On parle alors de plan communal d’aménagement dérogatoire. Le plan communal d’aménagement répond à des objectifs variés. Il peut être l’expression d’une idée générale d’aménagement ou celle d’une volonté plus particulière, par exemple la protection d’un quartier ancien. Il peut également servir de cadre à des opérations telles que l’implantation de tel ou tel équipement public ou la création d’un espace vert.
Par son niveau de détail, le plan communal d’aménagement traduit concrètement un programme préalablement mis au point et permet de fixer des règles précises à son application. L’existence de ce cadre précis explique que la procédure d’obtention d’un permis d’urbanisme ou de lotir soit simplifiée lorsqu’il existe un plan communal.

Des pistes pour des revendications
Les émeutes qui ont secoué les banlieues françaises fin 2005 sont, entre autres choses et de façon exemplaire, le produit d’un manque de vision cohérente et réfléchie de l’aménagement urbain, qui passe notamment par une politique de mixité sociale des espaces publics (et privés). Elles montrent donc qu’il est essentiel que chaque commune (ainsi d’ailleurs que chaque niveau de pouvoir) joue un rôle responsable de régulation et de structuration du territoire.
De la consultation à la concertation : toute décision en matière d’aménagement du territoire doit être précédée par une large consultation incluant non seulement les associations soucieuses du respect de l’environnement et de la qualité de vie, mais également les organisations socio-économiques ainsi que les mouvements d’éducation permanente.
La consultation doit comprendre, d’une part, une phase d’enquête et de recueil des avis de la population et des associations et, de l’autre, une démarche d’éducation basée sur la circulation et la diffusion des informations et sur une formation des citoyens à la maîtrise des enjeux en vue de structurer un débat réellement démocratique. Il est souhaitable qu’une telle consultation fasse ensuite place à une réelle concertation (telle que celle en vigueur en matière socio-économique, avec les interlocuteurs sociaux) ; concertation qui permettra d’anticiper les décisions, d’impliquer la population en la responsabilisant, mais également en lui reconnaissant des droits en ce domaine. Après avoir pris leur décision dans les instances adéquates, les mandataires politiques doivent enfin être amenés à justifier leur choix auprès du Conseil communal, de la commission consultative, et plus globalement autant que possible, de l’ensemble des citoyennes et citoyens.
Prééminence de l’action publique : il ne s’agit pas de considérer que tout projet public est automatiquement valable, mais plutôt de réaffirmer la priorité à donner à l’action publique, à des projets d’intérêt collectif, face à la dérégulation et aux projets qui profitent uniquement à certains groupes. L’initiative publique doit favoriser l’encadrement et la régulation du marché plutôt que la réparation des dégâts causés par des initiatives privées incontrôlées : cela est notamment possible par une politique foncière dynamique permettant de réaliser rapidement et à des conditions financières acceptables des opérations qui cadrent dans les objectifs repris ci-dessous.
Une vision globale, à long terme et solidaire : les initiatives et les projets locaux en matière d’aménagement du territoire doivent être envisagés non seulement en fonction de leur impact micro-local mais également en lien avec les communes voisines, voire les provinces, ainsi qu’en intégrant dans la réflexion les effets produits à long terme.
Des projets cohérents : chaque projet communal doit répondre simultanément à cinq priorités :
– la gestion parcimonieuse du sol en limitant l’extension de l’habitat aux zones déjà équipées en dessertes et en services, ainsi qu’en assainissant et en réutilisant les sites désaffectés ;
– la revalorisation des espaces publics en distinguant les espaces à circuler (voiries de liaison entre noyaux d’habitat) et les espaces à vivre (voiries internes aux agglomérations et aux villages), par une politique cohérente d’aménagement d’espaces publics diversifiés qui rencontrent la multiplicité des fonctions d’un centre urbain ou rural ;
– le droit pour tous à un égal accès au centre ville et au cœur des villages. Ce droit (avec ce qu’il suppose d’accès aux services, aux commerces et aux transports en commun) est indissociable du droit au logement économiquement abordable pour toutes les catégories sociales ;
– la mixité des fonctions et des populations qui doit viser à diversifier les centres urbains et ruraux (logements, commerces, bureaux, entreprises…) et à les rendre accessibles à toutes les catégories sociales, évitant ainsi la création de ghettos ;
– l’intégration paysagère qui constitue à la fois un élément de la qualité de vie des habitants et une richesse collective dont l’usage permet, en outre, de développer une activité économique génératrice de valeur ajoutée et d’emplois (tourisme).
En matière de développement économique : aujourd’hui, il semble indispensable de réserver certaines zones à l’implantation d’entreprises nouvelles ou à l’extension d’entreprises existantes, et cela d’autant plus que beaucoup d’habitants de nos villes et de nos villages sont réticents à leur intégration dans les noyaux d’habitats. Dans ce cadre, il serait d’abord intéressant d’occuper de manière prioritaire les sites d’activités économiques désaffectés et de densifier les zonings existants par un nouveau découpage du plan parcellaire de certaines zones d’activité économique qui présentent des espaces inoccupés. De même, on constate que les zonings accueillent de plus en plus des commerces et des garages dont la délocalisation accélère la dévitalisation des centres villes : il faut stopper cette évolution et réserver les zones de développement économique à des entreprises et/ou des services qui produisent de la valeur ajoutée et qui procurent des emplois.