La réforme fiscale qui se profile à l’horizon risque d’oublier, une fois de plus, ... les non-contribuables, c’est-à-dire les personnes les plus pauvres. Pourquoi s’occuper de ceux qui ne paient même pas d’impôts?


Les non-contribuables – c’est-à-dire ceux qui ne sont même pas enrôlés et ceux qui, tout en étant enrôlés, déclarent des revenus inférieurs au minimum imposable (1) – forment une catégorie de la population largement méconnue. Selon certains sondages, ces non-contribuables représenteraient quelque 14 % de l’ensemble des individus domiciliés en Belgique. Il s’agirait, en majorité, de pensionnés (± 10%) et pour le reste de minimexés ou de petits rentiers (± 4%). Une augmentation du niveau du minimum imposable aurait certes des aspects positifs pour les personnes à faibles revenus, mais des aspects très défavorables également, nous le verrons. Dans un récent avis, le Conseil de l’égalité des chances entre hommes et femmes demande donc au ministre de faire apparaître ces non-contribuables dans les statistiques pour pouvoir les identifier (types de revenus, passé professionnel, composition du ménage, ventilation par sexe, par âge, répartition autochtones/allochtones, etc.) (2).
Mais la partie la plus nouvelle de l’approche du Conseil concerne les dépenses fiscales. En effet, les non-contribuables ne bénéficient pour ainsi dire pas des politiques qui sont menées à travers les dépenses fiscales et notamment des politiques familiales, et des politiques de soutien à l’épargne ou à l’acquisition d’un logement, etc. Prenons l’exemple d’une femme chef de famille monoparentale qui est non-contribuable : elle ne bénéficie pas des déductions fiscales pour enfants à charge, ni des déductions pour frais de garde, ni pour l’utilisation de chèques ALE... Pas de quotient conjugal évidemment pour un couple de non-contribuables... Or ces politiques représentent des montants considérables. Les déductions pour enfants à charge représentaient quelque 40 milliards en 1996. L’ensemble des déductions fiscales représente certainement plus de 100 milliards (3)... Des données globales précises existent-elles seulement? En tout cas le Conseil demande au ministre des Finances de dresser un tableau des montants affectés à ces diverses politiques. Il a dû se contenter de présenter une liste théorique de ces déductions (plus de 25 rubriques !).

Avantages
Relever le minimum imposable augmenterait, par le fait même, le nombre de personnes qui ne bénéficient en aucune façon de ces politiques et de leurs milliards (4). Il est bien étonnant que ni la Commission interdépartementale de lutte contre la pauvreté ni le Rapport général sur la pauvreté n’aient évoqué cette question. Il est donc normal que le Conseil insiste pour que la réforme fiscale gèle ou même diminue les avantages découlant des dépenses fiscales. En ce qui concerne la politique familiale, particulièrement, il souligne sa préférence pour le système des prestations sociales qui atteignent tous les ménages avec enfants même lorsqu’ils se situent en dessous du minimum imposable.
Le Conseil entend encore se prononcer ultérieurement sur d’autres aspects de la réforme fiscale : le quotient conjugal, les déductions pour enfants à charge, le statut fiscal des rentes alimentaires, l’individualisation de l’impôt sur les personnes physiques.

Le Conseil de l'égalité des chances entre hommes et femmes

Créé par un arrêté royal du 15 février 1993, le Conseil de l’égalité des chances remplace et reprend les compétences de la Commission du travail des femmes, créée en 1974 et rassemblant les partenaires sociaux et des représentants des ministres, et du Conseil de l'émancipation, créé en 1986 et rassemblant des associations de femmes et des représentants de ministres. Ce Conseil rend des avis à la ministre de l'Emploi et du Travail ayant la politique d'égalité des chances dans ses compétences. Il se compose d'une commission permanente du travail (partenaires sociaux et représentants des ministres concernés) et de commissions ad hoc. Il est concerné par la politique de l'égalité et de l'élimination de toute forme de discrimination entre hommes et femmes et est assisté par une Direction de
l'Égalité des chances au sein du ministère de l'Emploi et du Travail.


Hedwige Peemans-Poullet

  1. Personne qui n’a pas perçu de revenus professionnels pour l’année d’imposition et dont les autres revenus déclarés sont (actuellement) inférieurs à 206.000 FB (isolé) ou 324.000 FB (conjoints sans enfant); pour les revenus de remplacement, il y a exonération de fait en vertu de l’art. 154 du Code des Impôts.
  2. Cet avis n°36 "Fiscalité et pauvreté", adopté le 7 avril 2000, est disponible auprès de la Direction de l’égalité des chances (Mme Paternottre), ministère de l’Emploi et du Travail, 51, rue Belliard, 1040 Bruxelles, tél. 02/233.40.16; fax : 02/233.40.32.
  3. Personnellement, je pense qu’on est plus près des 200 milliards que des 100 milliards...
  4. Dans certains cas, elles n’en bénéficient pas parce qu’elles n’ont pas les moyens d’épargner : ex. exonération de la première tranche de 55.000 F de revenus placés sur un carnet de caisse d’épargne; la première tranche de 5.000 F de revenus de capitaux engagés dans une coopérative agréée...

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