Une des problématiques qui interpellera les hommes politiques dans les prochains mois est la prolifération des armes légères dans le monde. Depuis deux ans, cette question est apparue dans plusieurs  instances internationales, dont les Nations Unies et l'Union européenne. La Belgique, grande productrice de ce type d'armes, n'échappera pas au débat.


Après la chute du mur de Berlin en 1989, on s’est progressivement rendu compte que la perception de la menace nucléaire résultant de la confrontation Est-Ouest avait occulté une réalité. Tout au long de la guerre froide, d’énormes quantités d’armements conventionnels ont inondé plusieurs régions, principalement dans les pays du tiers-monde. Par ailleurs, les conflits actuels se déroulent quasiment tous à l’intérieur des États et sont menés essentiellement avec des armes légères. On estime que la majorité des 30 millions de victimes tuées au cours des 300 conflits qui se sont déroulés depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale ont été victimes d’armes légères. Alors qu’en 14-18, les civils représentaient 10% des victimes, dans les conflits actuels 90% des victimes sont des civils, en majorité des femmes et des enfants.

Nécessaire prévention
Bien que les armes légères ne soient pas la cause première des conflits, qui trouvent leur origine dans des difficultés économiques, sociales ou politiques, elles contribuent à transformer des différends en conflit armé, les aggravent, retardent leur solution et compliquent la mise en application des accords de paix. Une politique de prévention des conflits exige dès lors de lutter à la fois contre les causes premières mais aussi contre la prolifération des armes légères.
En 1995, un groupe d’experts des Nations unies a tiré la sonnette d’alarme et a montré l’urgence de réduire à la fois les stocks d’armes existants dans certains pays et de mieux contrôler les flux d’armements. Au sein de l’Union européenne (UE), trois décisions importantes ont été prises. En juin 1997, a été adopté un "programme pour la prévention du trafic illicite d’armes conventionnelles et la lutte contre ce trafic". En mai 1998, l’UE mettait au point un "code de conduite en matière d’exportation d’armements". En décembre 1998, elle adoptait une action commune en vue de lutter contre la prolifération des armes légères.
Les efforts convergent, tant au plan international qu’au plan régional, vers un meilleur contrôle et une limitation des transferts d’armes. En attendant l’adoption de traités internationaux contraignants, les exportations d’armes restent de la compétence première des États. Comme d’autres pays, la Belgique n’échappera pas dans les prochains mois à une révision de sa politique et de sa réglementation en matière d’exportations d’armes.

Supprimer la production?
La seule alternative est la suivante. Soit on supprime toute production ou exportation d’armes. C’est l’hypothèse la plus radicale mais aussi la plus aisée au plan législatif puisqu’il ne faut pas mettre en place des systèmes compliqués d’autorisation et de contrôle difficiles à trouver. Soit on accepte le principe de la production et des exportations d’armes. Mais dans ce cas, la seule attitude politiquement responsable est d’adopter un système de contrôle rigoureux et d’empêcher que des armes produites dans notre pays contribuent à aggraver les tensions ou à provoquer ou entretenir des conflits dans certaines régions du monde. Accepter de produire et d’exporter des armes entraîne automatiquement une responsabilité politique sur les conséquences de ce choix. Tout homme politique responsable doit en être conscient. Mettre en avant les seules conséquences économiques et sociales dans son propre pays est certes compréhensible mais n’est qu’une partie de la problématique. Il faut aussi assumer et prendre en compte les conséquences politiques et sociales dans les pays vers lesquels sont exportées des armes produites dans notre propre pays.
Ce thème est très sensible en Belgique et est malheureusement parfois biaisé par les querelles communautaires. Des armes légères sont en effet produites en Wallonie. Mais en réalité, la Flandre est également concernée avec des composants d’armement (électroniques, optiques, chimiques). Il serait consternant de réduire les exportations d’armes à une simple querelle linguistique alors que le monde autour de nous se préoccupe de réduire la prolifération des armements. Concrètement, la Belgique sera confrontée dans les prochains mois à trois types de décision:
- l’amélioration de la loi du 5 août 1991 sur les exportations d’armes: plus grande transparence, meilleure définition des critères (droits de l’homme notamment) et des armements (inclusion du matériel de sécurité et de police), marquage des armes, identification des vendeurs et des intermédiaires;
- le renforcement des moyens afin d’appliquer réellement la réglementation (vérification de la destination finale, contrôles réels) et afin de lutter contre les trafics illicites;
- l’amélioration de la législation en matière de détention d’armes par les particuliers.

Pour en savoir plus :
Le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP) diffuse depuis quelques mois des informations sur les exportations d’armes et la question des armes légères, sur son site web: www.grip.org. Le GRIP vient également de publier un dossier intitulé "Armes légères, clés pour une meilleure compréhension" (150 FB, 3,72 euros).
Rens.: GRIP, 33, rue Van Hoorde, 1030 Bruxelles, tél.: 02/241.84.20, fax: 02/245.19.33; e-mail: Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.">Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser..

 

Qu’est-ce qu’une “arme légère”?

Les principales caractéristiques des armes légères sont les suivantes:
  • elles sont bon marché. Dans certains pays, un fusil d’assaut (AK-47, Fn-FAL, M-16,…) se vend quelques dizaines de dollars;
  • elles se dissimulent facilement et sont donc aisément transportables d’un lieu de conflit à un autre. Elles font dès lors l’objet d’un important trafic illicite;
  • elles ont une longue durée de vie (parfois 40 à 50 ans), ce qui leur permet également d’être transférées d’un lieu de conflit à un autre. C’est ainsi que des armes utilisées au Liban dans les années 70 ou 80 se sont retrouvées en Yougoslavie au début des années 90, puis en Afrique centrale quelques années plus tard;
  • elles peuvent occasionner d’importants dégâts très rapidement. Il a suffi d’un lance-missile portable pour abattre l’avion du président du Rwanda le 6 avril 1994, ce qui déclencha le génocide. Il suffit d’une bombe ou d’un fusil-mitrailleur pour tuer des dizaines de personnes en Irlande du Nord ou en Israël afin de freiner ou stopper l’application d’accords de paix;
  • elles sont d’un emploi simple, ce qui leur permet d’être utilisées par les “enfants-soldats” de plus en plus nombreux sur les champs de bataille.

    B.Ad.

 

Des armes belges très demandées

On estime qu’il y aurait actuellement près de 500 millions d’armes légères de type militaire en circulation dans le monde, dont 100 millions dans la catégorie des fusils d'assaut. Dans cette catégorie, il y aurait 50 millions de kalachnikovs de conception soviétique fabriquées dans une quinzaine de pays; 8 millions de M-16 américains produits dans sept pays, 7 millions de G-3 allemands assemblés dans dix-huit pays, et enfin 5 à 7 millions de fusils FN-FAL de conception belge fabriqués dans 15 pays.

B.Ad.

 

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