Si le palmarès de Cannes 99 représente une victoire incontestable pour le cinéma belge, en couronnant “Rosetta” et “L’Humanité”, le jury cannois a aussi consacré le triomphe du film humaniste et social, un cinéma à la marge mais dont le succès va s’amplifiant. Témoin des tressauts de notre société contemporaine, le cinéma social n’est pourtant pas issu des années 90 mais remonte jusqu'à l’invention du cinématographe. Petite histoire d’un cinéma dérangeant, provocant et qui aime mettre le “poing” sur les “i”.

Le cinéma a-t-il vocation à témoigner de la réalité sociale d’un pays? Posée en ces termes, la question ne manquera pas de susciter, chez nombre de “professionnels de la profession”, soit une certaine perplexité, soit une franche hilarité. Non que la profession cinématographique dans son ensemble exclue cette hypothèse: certains la revendiquent même assez volontiers. Mais il reste que le cinéma est avant tout une industrie de divertissement, sa vocation demeure aujourd’hui plus que jamais, de divertir pour gagner de l’argent. L’art et la responsabilité sociale suivent parfois, mais “par ailleurs”, pour reprendre une formule célèbre.
À cet égard, il y a belle lurette que sociologues et humoristes ont remarqué que si l’on devait observer notre univers quotidien par le seul biais de la production cinématographique, on en arriverait à la conclusion que nos sociétés sont composées majoritairement de policiers (ripoux ou non), de voyous (vrais ou faux) et de dames à la cuisse légère (dotées ou non d’un grand coeur). Ce qui, convenons-en, n’est pas tout à fait exact.

Il reste que dans les fluctuations de l’histoire du cinéma (ou peut-être dans celle du marché cinématographique), il y a des périodes durant lesquelles la réalité sociale semble revendiquer sa place avec plus de force: c’est le cas du cinéma français du Front populaire, d’un certain cinéma américain né du New Deal et de la guerre, du cinéma néoréaliste italien de l’immédiat après-guerre, ou celui des nouveaux cinémas apparus un peu partout dans le monde, durant les années 60.

Peu de temps s’est écoulé entre la création du cinéma et les premières apparitions du monde ouvrier à l’écran. Si le brevet du cinématographe est déposé en 1895 par les frères Lumière, leur premier essai, daté lui de 1894, est La sortie des usines Lumière à Lyon. S’agit-il pour autant du premier film social? En enregistrant la sortie des ouvriers au terme d’une journée de travail, les auteurs n’expriment aucune opinion sur la condition des travailleurs. Or, le cinéma social semble par essence un art d’opinion, défini par son contenu et non par le style ou par des codes précis comme le western ou le fantastique. Bien des films sociaux relèvent d’ailleurs d’autres genres (comédies, mélodrames, thriller, documentaires…). Exprimer une opinion dans un film présente le risque de s’aliéner le public qui ne la partage pas. Dans ce contexte, le cinéma social est resté circonscrit dans des périodes clés ou des modèles de production indépendants du système dominant.


L’expressionnisme allemand

Le cinéma né à la fin du siècle dernier, est très tôt sensible aux réalités sociales et recueille les témoignages des misères de la nouvelle société industrielle. Mais il les présente de façon conservatrice et bien-pensante, en accord avec les idées morales dominantes de la grande presse capitaliste. Il faut attendre la fin de la première guerre mondiale pour voir à l’écran les premiers exemples réalistes de tensions sociales et de luttes de classes. C’est, d’une part, la fin d’une époque qui croyait naïvement en la machine et en la bonté naturelle de l’homme, et d’autre part, l’époque où la révolution bolchevique triomphe en Russie, tandis que l’Allemagne, rongée par l’inflation, présente de tels bouleversements que beaucoup croient en la possibilité d’une grande révolution socialiste.

Ce qui explique que ce soit dans ces deux pays qu’à l’époque du muet, on trouve les exemples les plus explicites et les plus combatifs du cinéma politique et social. Il faut citer l’œuvre du social-démocrate allemand G. W. Pabst qui réalise, en 1925, La rue sans joie, témoignage impressionnant des drames de l’inflation qui se jouent à Vienne avec dans un des rôles principaux Geta Garbo. Toute cette période du cinéma allemand, le cinéma “expressionniste” et le “Kammerspiel”, témoigne de cette réalité sociale et forme un constat impitoyable de la mort d’une société bourgeoise et corrompue, de la fin de certaines valeurs dites “morales”. Un film comme L’ange bleu de Joseph vont Sternberg (1930) qui révéla Marlène Dietrich fait preuve lui aussi d’une vision sociale, d’une étude approfondie d’une société et d’une civilisation en proie à de profonds bouleversements.
Considérable par ses apports dramatiques et thématiques, le cinéma social revêt également une importance esthétique. Tantôt pour des raisons économiques, tantôt pour des questions de sens, la plupart des mouvements de cinéma social se sont en effet affirmés à contre-courant du style dominant, proposant de nouvelles façons de raconter, dont l’influence aura marqué le septième art dans son ensemble.

Ce constat est particulièrement vrai pour le cinéma soviétique. En exigeant de son cinéma nationalisé qu’il relaye la pensée officielle du régime, l’Union soviétique a engendré un cinéma social dont Sergueï Eisenstein a donné les exemples les plus célèbres avec La Grève (histoire de la répression d’un mouvement social spontané), Octobre (sur les événements de 1917), Le cuirassé Potemkine, etc. Indépendamment du sens de l’image forte et du montage qui s’y expriment et qui continuent à faire école, ces films privilégient le plan collectif, les personnages étant souvent des symboles représentatifs des enjeux sociaux (patrons, ouvriers, victimes, syndicalistes…). Autre représentant du cinéma russe social: Dziga Vertov, ancien opérateur d’actualités. Inventeur de la théorie du ciné-oeil (kino-glaz), il rejetait les artifices et refusait la “composition du réel devant la caméra”. Cette école se proposait de saisir la réalité sur le vif, le réalisateur s’effaçant complètement derrière l’objectivité absolue. Il nous a laissé entre autres chefs d’œuvre L’homme à la caméra.

 

Histoires américaines

De 1947 à 1955, le cinéma américain est lui aussi sous influence politique. Considérant, en plein guerre froide, Hollywood comme un repaire communiste et un foyer de corruption des valeurs conservatrices, le sénateur Mc Carthy incite à “la chasse aux sorcières” menée contre les gauchistes (ou supposés tels) de la profession.
En 1952, dans cette saine ambiance, Herbert Biberman tourne Le sel de la terre. Basé sur des faits réels, il décrit la lutte des mineurs pour l’obtention de conditions de travail acceptables et la violente répression de leur mouvement. Le film subit des pressions de toutes parts: acteurs harcelés par le département d’Émigration, refus d’autorisation de tourner, figurants (dont certains anciens grévistes) agressés par des extrémistes… L’industrie du cinéma prendra même position en ordonnant aux laboratoires de refuser de développer les négatifs. Le département d’État chercha à entraver l’exportation de ce film fort et émouvant, finalement projeté en Europe grâce au festival de Cannes…1
Autre victime du maccarthysme: Charlie Chaplin quitta le territoire américain, las de ses démêlés avec la Commission des activités anti-américaines.

L’œuvre de l’acteur-réalisateur repose toute entière sur une conscience sociale aiguë. Le Kid, La ruée vers l’or, Les lumières de la Ville… montrent un revers du rêve américain peuplé de laissés pour comptes. Emblème de la comédie sociale, Les temps modernes met en pièce (si l’on ose dire) la mécanisation et ses conséquences sur le monde ouvrier (licenciements, cadences inhumaines, répression des individus qui empêchent littéralement la machine de tourner en rond…). Le cas de Chaplin démontre que l’idéologie sociale ne s’exprime pas seulement dans les productions comme Le sel de la terre, réfractaires au système des studios. Au fil des époques bien d’autres exemples le confirment: John Ford (Les raisins de la colère), Elia Kazan (Sur les quais), Martin Ritt (Norman Rae)…
Les années 80 ont vu l’émergence, toujours au sein des “majors”, d’une vague de cinéastes noirs qui dénoncent la façon dont le racisme, la drogue, la violence, un enseignement négligé… gangrènent leur propre culture. En tête, Spike Lee avec Do the right thing, Jungle fever… et dans son sillage John Singleton (Boyz’n the hood), Mario Van Peebles (New Jack City), etc.

Il nous faut aussi mentionner le documentaire, moins soumis aux considérations commerciales et donc terrain privilégié d’un cinéma militant. Témoins de cette activité importante: Roger and me, féroce reportage de Michael Moore sur la fermeture arbitraire d’une usine pourtant rentable de la General Motors ou encore Harlan County USA de Barbara Kopple sur la répression d’une grève de mineurs.

 

Le réalisme poétique français

Petit retour en arrière après cette parenthèse américaine avec le réalisme poétique, situé par convention entre 1936 et 1946. Comme d’autres Français –Duvivier (La belle équipe), Renoir (La bête humaine) –, le tandem Carné (réalisateur)/Prévert (scénariste dialoguiste) démontra, avec Le jour se lève, Hôtel du Nord et autres, que l’on pouvait toucher le public en parlant de gens ordinaires dans un environnement quotidien. Le commun des mortels y prend le visage des Gabin, Arletty, Signoret, Michel Simon… et sous les lumières de Curt Courant, la musique de Kosma, les décors de Trauner, le sordide devient photogénique… On disait alors qu’un pavé chez Carné n’était pas un cube de pierre mais un bloc d’ouate aux formes molles gorgées d’huile 2. Dans ce mouvement, le social n’est d’ailleurs plus une fin scénaristique, mais un contexte qui détermine les destins individuels.

 

Le néoréalisme italien

En 1946, les Italiens négocient le grand virage du cinéma social. Marquée par la guerre et le fascisme, la Botte se cherche une nouvelle identité culturelle légitime. Le contexte économique rend les spectacles coûteux (péplums, films d’aventures) impossibles. Les réalisateurs se tournent alors vers les réalités populaires italiennes, occultées durant la période fasciste. Exit les stars pour incarner l’homme de la rue ou des bas-fonds. Le spectateur doit pouvoir s’y reconnaître. Et, si héroïsme il y a, c’est l’héroïsme anonyme du quotidien. Le traitement scénaristique peut confiner au conte de fées (Miracle à Milan), au film de guerre (Paysa), au drame psychologique (Europe 51). Mais tous procèdent des mêmes choix formels: tournage en décors naturels avec des moyens légers, acteurs professionnels et amateurs au générique, sujets puisés dans la vie de l’Italie profonde…

L’influence du néoréalisme ne s’est jamais démentie. La nouvelle vague française, le Free cinema anglais, le cinéma tchèque des années soixante, la comédie à l’Italienne lui doivent quelque chose… Les cinémas du tiers-monde et en particulier le cinéma novo au Brésil et la récente vague iranienne ont trouvé dans l’exemple des Italiens de l’après-guerre un modèle de production peu coûteux adapté à leur conjoncture et à leur propos. Dans tous les cas, les décors sont naturels, les équipes légères, les sujets sont ancrés dans le réel, mais ne relèvent pas systématiquement de considérations sociales.
Dans les années 60 et 70, la comédie italienne s’est démarquée du néoréalisme en cherchant plus systématiquement la caricature, y compris sur les sujets les plus risqués (la misère des bidonvilles dans Affreux, sales et méchants…). "La réussite populaire internationale des Scola (Nous nous sommes tant aimés), Monicelli (Les camarades), Brusati (Pain et Chocolat), Comencini (Délit d’amour) tient sans doute à leur sens du trait juste, mais aussi à leur regard féroce quoique exempt de cynisme, de complaisance et d’ambiguïté morale"3.

 

Le “social britannique”

Depuis quelques lustres, le cinéma britannique s'est acquis la réputation, au moins pour une bonne part de la critique, d'aborder de front des sujets et des personnages marginaux, notamment dans le domaine social. Il est vrai que des cinéastes comme Stephen Frears, Ken Loach ou Mike Leigh ont signé des films tels que My beautiful laundrette, Raining stones, ou Naked, qui sont restés dans les mémoires. Evoquant le film Riff Raff (de Ken Loach) dans les colonnes du Monde, Olivier Mongin, directeur de la revue Esprit, écrivait par exemple: "(…) Pourquoi l'Angleterre d'après-Tatcher donne-t-elle l'impression que les individus ont encore une histoire?… Pourquoi montre-t-elle mieux que la France que la question sociale n'a pas disparu subitement? Cette comparaison éclaire une faiblesse française: à ne voir dans l'exclusion qu'une affaire d'individus, on oublie que l'exclusion a une signification sociale et politique (…)4"

Paradoxe: grand consommateur de cinéma américain, le public anglais n'accorde le plus souvent qu'un intérêt distrait à ses cinéastes, surtout lorsqu'ils abordent le domaine social ou politique et l'œuvre d'un Ken Loach trouve un écho plus large en Europe qu'en son propre pays. Faut-il en conclure qu'un certain exotisme rend supportable la présentation d'une crise qu'on n'accepte mal - ou qu'on refuse de voir - chez soi?

Quant au renouveau du cinéma britannique, il est apparu il y a plus de trente ans! Pour le grand public britannique des années 60, c'est probablement à la télévision qu'a lieu l'événement le plus important. Le 16 novembre 1966, soirée choc sur BBC/TV: le public anglais découvre, avec Cathy come home, l'histoire de Cathy et de son mari qui, à la suite d'un accident, perdent leurs ressources, leur logement, et finalement leurs enfants que leur retirent, en toute bonne conscience, les services sociaux. La réalisation est signée Kenneth Loach. Trente ans avant Ladybird Ladybird mêlant séquences de fiction et séquences documentaires, Cathy come home raconte comment on peut devenir un marginal, un laissé-pour-compte de la société. Ce film bouleverse en un soir la bonne conscience britannique: campagne de presse, débats, interpellations au Parlement. On créa une association pour aider les sans-abri, "Shelter". Dès lors, tant à la télévision qu'au cinéma; Ken Loach va poursuivre, non sans difficultés, une carrière d'"assistant social du cinéma" comme il le dit lui-même avec humour. À l'occasion, il empruntera la voie du documentaire: par exemple avec Wich side are you on?, film tourné en 1984, lors de la tragique grève des mineurs du charbon, et plus récemment, avec The Flickering flame (1996), consacré au combat d'un groupe de dockers de Liverpool.

Au milieu des années 80, en pleine euphorie tatchérienne, le succès inattendu de My beautiful laundrette (histoire d'un homosexuel pakistanais propriétaire d'une wasserette) marquera également un tournant dans le film social britannique. Mais ce qui va distinguer de leurs confrères, la moisson de films plus récents venus d'Outre-Manche et symbolisée par Beautiful thing, Secrets and lies et Brassed off, c'est un certain sens de l'espoir, une approche affectueuse et même joyeuse de la classe ouvrière, par opposition aux classiques discours sur les problèmes sociaux de la société britannique. En ce sens, on est loin du travail d'un Ken Loach ou de ces films consacrés à la misère des premières années Tatcher, comme Bloody kids de Stephen Frears (1979). Autre nouveauté: longtemps circonscrit géographiquement à Londres et à sa région, le cinéma britannique se déplace soudain dans les autres parties du Royaume-Uni pour mettre en scène des mineurs du Yorkshire (Brassed Off), des travailleurs de Glasgow (Small faces) ou des jeunes paumés d'Edimbourg (Trainspotting).

Cette émergence de la classe ouvrière tient moins à des changement politiques qu'à une évolution de la société elle-même, marquée par une prise de conscience de la légitimité culturelle des travailleurs, à laquelle la télévision a apporté une contribution décisive. Le petit écran a joué un rôle-clé dans le financement de la production cinématographique récente, presque chaque film ayant bénéficié d'un investissement significatif, soit de Channel 4, soit de la BBC. La télévision britannique, contrairement au cinéma, n'a jamais marginalisé ni la classe ouvrière ni les régions. Au contraire, ses grands soap operas ont pour cadre des quartiers populaires.
Mais si nombre de réalisateurs puisent leur inspiration dans la réalité sociale du pays, peu d'entre eux s'engagent ouvertement: après le désespoir de l'ère tatchérienne, on observe comme un profond vide politique - seul Brassed off prend explicitement position contre les conservateurs (sur fond de fermeture de mine au début des années 90, le film raconte l'histoire d'une fanfare houillère confrontée au chômage de masse) . Si chacun s'accorde tacitement à considérer les années Tatcher comme une période tragique pour la classe ouvrière traditionnelle, rares sont cependant ceux qui s'identifient au Parti travailliste, défenseur supposé des intérêts ouvriers.

 

Un cinéma salutaire

Les nuits fauves, En avoir ou pas, La vie rêvée des anges, La vie de Jésus, Jeanne et le garçon formidable, L 627, Cela commence aujourd’hui, Karnaval, La haine, Y aura-t-il de la neige à Noël?, Marius et Jeannette, My name is Joe, La promesse, Brassed Off, Raining stones, Naked, Vivre au paradis, Secrets and lies, Full monty quelques exemples récents, en vrac, parmi des centaines, de films français, belges et britanniques à petit budget, de réalisateurs connus ou pas, qui sans battre des records, connaissent un certain succès lors de leur sortie en salle. Une production pléthorique qui témoigne à suffisance d'une inspiration qui puise la fertilité de son terreau dans les réalités sociales de notre époque: chômage, drogue, sida, exclusion sociale, culturelle, sexuelle,… Ce n'est pas un hasard si apparaissent aujourd'hui dans les génériques des noms à consonance étrangère ou maghrébine, ce n'est pas non plus un hasard si ces immigrés osent plus que les autres dénoncer les conditions de vie acculturées et sans perspectives. Ce n'est pas non plus un hasard si aujourd'hui l'homosexualité est présente au cinéma. La communauté gay, parce qu'elle n'est pas tout à fait immigrée, a eu plus tôt le courage de sortir des toilettes et de s'affirmer avec des possibilités d'être heureux. Ce n'est pas non plus un hasard si le chômage, qu'il soit traité sur le mode comique comme dans Raining stones de Ken Loach ou cynique comme dans Naked de Mike Leigh constitue la clé de voûte de nombreux scénarios.
Qu'ils soient issus de la banlieue londonienne, marseillaise, ou liégeoise, les héros de ces films sont profondément humains, ils nous parlent du monde tel qu’il est et nous donnent envie de le secouer. C’est peut-être cela aujourd’hui qui manque le plus aux grandes machines qui camouflent à coups de dollars ou d’euros, un vide abyssal dans lequel, le public, loin d’être aussi “mouton” qu’on le dit, n’a pas nécessairement envie d’aller se jeter, du moins on l'espère…

Catherine Morenville

1. Dictionnaire Larousse du Cinéma, 1986, p. 658.

2. D’après Edgar Fary, “Le cinéma américain militant”, in Positif, octobre 1954.

3. “Un cinéma en mouvements, thèmes et esthétiques du cinéma social”, André Joassin, in La Revue générale, octobre 1998, p. 35.

4. In Le Monde du 24/01/92.

 

Sources:

  • “La marginalité à l’écran” in CinémAction n°91, 2e trimestre 1999, publié par Corlet-Télérama.
  • “Un cinéma en mouvements, thèmes et esthétiques du cinéma social”, André Joassin, in La Revue générale, octobre 1998.
  • Histoire du cinéma britannique, Philippe Pilard, Éd. Nathan Université, col. Cinéma 128, Paris, 1996.
  • Le cinéma social et politique, col. Alpha Cinéma, volume 4, Éd. Alpha-Éd. Erasme, Paris- Bruxelles, 1980.

 

Tavernier, le maître du film social français

 

Sans vouloir trop généraliser, on peut remarquer que la nouvelle vague sociale française des années 90 est souvent le fait de réalisateurs qui en sont à leur premier ou deuxième film et donc, pour la plupart, issus de la nouvelle génération de cinéastes. Il en est toutefois un qui se démarque de ce constat et témoigne d'une œuvre sociale foisonnante, c'est Bertrand Tavernier. Que ce soit à travers des œuvres tels L 627, Coup de torchon, L'appât ou, son dernier film, Cela commence aujourd'hui, ou encore ses documentaires La guerre sans nom, De l'autre côté du périph, il privilégie une histoire poignante, des personnages forts et toujours fermement ancrés dans la réalité sociale. "Passionné par la politique il se méfie du militant. Il ne se fie qu'au vécu, à ces fameuses racines qu'il partage avec Renoir", dit de lui Volker Schlöndorff. Dès lors, chaque nouveau film est une remise en question personnelle, mais aussi une interrogation parfois féroce sur les valeurs et systèmes établis. D'une rare maturité philosophique et humaine, le cinéma de Tavernier atteint une sorte de perfection dans la création d'un climat psychologique (Un dimanche à la campagne) alliant une grande finesse dans la peinture des rapports humains à l'utilisation de l'Histoire en tant que réflexion critique de la société.

 

 

Et la Belgique?

Avec ses documents sociaux (Borinage, Les maisons de la misère en Belgique…), Henri Storck a fondé l'une des identités du cinéma belge. Sur ses traces, Paul Meyer a signé en 1959 Déjà s'envole la fleur maigre, reportage commandé par l'État pour montrer "la bonne intégration des immigrés". Mais l'auteur a signé un docu-fiction édifiant sur les ghettos indigents où vivaient les mineurs italiens et leurs familles. La tradition inaugurée par Storck s'est perpétuée, notamment dans le bassin industriel wallon avec les documentaristes Thierry Michel (Chronique des saisons d'acier et sa fiction sur les grèves de 1960, Hiver 60) et Manu Bonmariage, portraitiste témoin des détresses nées de la crise économique (J'ose, "Allô police…).

Luc de Heusch, philosophe, ethnologue et metteur en scène, réalise sa première fiction en 1967: Jeudi, on chantera comme dimanche, Hugo Claus participe au scénario. L'histoire est celle d'un ouvrier, aliéné par son travail, qui veut se mettre à son compte. En 1973, Benoît Lamy lance la popularité du 7e art belge avec Home sweet home, une comédie sur des petits vieux qui entrent en contestation contre le système des maisons de retraite. Le mouvement est lancé.

Marian Handwerker met en scène La cage aux ours sur les avatars d'un épicier menacé par la construction d'un supermarché. En 1980, feu Sami Szlingbaum met en scène Bruxelles Transit, le récit de l'arrivée de ses parents polonais en Belgique.

Les mêmes réalités sont au centre de trois fictions des frères Dardenne: Je pense à vous, sur le parcours dépressif d'un travailleur des fonderies mis au chômage, La promesse, qui, en dénonçant les méfaits d'un négrier à la morale égocentrique, annonce les haut-le-coeur de la Belgique de la fin des années 90 et enfin Rosetta qui sortira en Belgique à la rentrée. Couronné par la Palme d'Or à Cannes et le prix d'interprétation féminine en mai 99, le film raconte le combat d'une jeune chômeuse pour trouver du travail dans la région de Seraing.

Saluons aussi Daens, remarquable reconstitution du Flamand Stijn Coninckx sur les ouvriers des filatures alostoises au siècle dernier et la lutte d'un prêtre pour le suffrage universel.

Prochainement sortira sur les écrans Sud, un documentaire que Chantal Ackerman a tourné sur le meurtre d'un Noir aux États-Unis.

 

Les problèmes sociaux sont donc une abondante source d'inspiration en Belgique et constituent la trame de certains des meilleurs films produits chez nous.

Le Gavroche

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