L’État belge s’est construit sur les principes d’un libéralisme politique enraciné dans la philosophie des Lumières : primauté de l’individu, égalité et liberté pour tous. Ces grands principes sont consacrés dans la Constitution de 1831 : liberté de la presse, liberté de culte, d’enseignement, d’association. Le texte rédigé par le Congrès national, c’est-à-dire par des représentants de l’aristocratie, de la bourgeoisie foncière et industrielle et des professions libérales, est réputé pour être, à l’époque, l’un des plus libéraux du monde. Toutefois, en ce qui concerne l’exercice des droits politiques, il contient une importante disposition restrictive : il soumet l’obtention de ceux-ci à l’obligation de payer un certain montant d’impôts directs, le cens.
En Belgique, le suffrage censitaire prévu dans la Constitution de 1831 a pour conséquence que cette année-là, seul 1,1 % de la population est admis à voter et que, durant la plus grande partie du XIXe siècle, les décisions de l’État lui seront dictées par la classe sociale qui détient les rênes de l’économie (1). Cette dernière est largement acquise aux principes de l’économie libérale tels qu’ils sont théorisés par Adam Smith, David Ricardo, Jean Baptiste Says… Toutefois, si cette adhésion est totale en ce qui concerne la non-intervention de l’État dans le domaine social, elle s’adapte avec pragmatisme aux besoins de la conjoncture en ce qui concerne le rôle de l’État dans la marche de l’économie. Ainsi, en 1839, Briavoinne écrit : « Rivalité entre les peuples, rivalité non moins ardente entre les individus : telle est en ce moment la situation. Ici c’est pour le bien-être individuel, là pour la prééminence commerciale que chacun travaille. Dans cette lutte d’homme à homme, de nation à nation, il y a un stimulant actif et certain qui agite et élève journellement les facultés. On doit attendre des progrès rapides d’un aussi vaste concours d’efforts ; et quoi qu’ils soient tous inspirés par un sentiment mal dissimulé d’égoïsme, ils tourneront en définitive au profit de l’humanité. Mais cela suffit-il ? Au milieu de ce mouvement universel, quel doit être le rôle du gouvernement ? Placé à la tête de la société pour la conduire dans l’ordre politique, devra-t-il, dans l’ordre matériel, se croiser les bras quand même, et rester spectateur impassible ? Oui, dira toute une école d’économistes ; non, répondra par instinct la multitude ; et les hommes pratiques se rangeront de ce côté » (2). L’État belge, gouverné grâce aux suffrages d’« hommes pratiques » et entreprenants, se met au service de l’expansion économique et ses initiatives contribueront à transformer rapidement la Belgique en « paradis du capitalisme continental ».
C’est dans le domaine des voies de communications que les interventions économiques de l’État sont les plus visibles. Dès l’Indépendance, il prend en charge la création, le développement et assure la gestion d’un réseau de routes, canaux et chemins de fer qui constituera à la fois un instrument d’expansion et un débouché pour les industriels. Pour pallier aux défaillances des banques privées lors de la crise de 1848, il institue la Banque nationale (1850) qui lui permet de garantir la stabilité du système monétaire en cas de défaillances du secteur privé. Le Crédit communal (1860) est créé pour répartir les fonds à destination du développement des communes, la Caisse d’épargne (1865) est chargée d’encourager et de collecter l’épargne en provenance des classes populaires.
Durant les vingt années qui suivent l’Indépendance, la consolidation de la révolution industrielle est facilitée par différentes mesures protectrices de l’État (protectionnisme douanier, soutien et primes aux industries en difficulté). À partir de 1850, les mesures politiques favorisent une industrie devenue florissante en levant, cette fois, les entraves à la libre circulation (rachat des péages de l’Escaut en 1863 ; abolition des octrois en 1860), à la création des sociétés anonymes (1873) et en encourageant la libéralisation des régimes douaniers. Paradoxalement, c’est aussi durant cette période libérale que l’État consolide sa mainmise sur le secteur des transports et des télécommunications. Les dépenses publiques passent de 9,3 % du produit national brut (PNB) en 1846 à 15,7 % en 1880. En 1910, elles se monteront à 18,5 % (3).
Par ses multiples interventions, l’État favorise les intérêts économiques d’une bourgeoisie qui détient le monopole politique. En s’abstenant sur le plan social, il fait de même et justifie son silence par le respect du principe de la liberté. Un exemple : la réglementation du travail des enfants. Alors que la France et l’Angleterre ont légiféré dès les années 1840 pour limiter l’âge et le temps de travail des plus jeunes dans les activités industrielles, la Belgique se refuse à intervenir en la matière. L’industrie a besoin d’une réserve de main-d’œuvre bon marché pour maintenir des salaires extrêmement bas et des prix compétitifs. Ce serait donc fausser le jeu économique, entraver la loi de la libre concurrence que de limiter l’accès des enfants à l’usine. Autre argument invoqué : l’atteinte à la liberté du chef de famille : seul le père doit rester habilité à juger si sa progéniture doit prendre le chemin de la fabrique ou non, la loi ne peut entraver le « libre arbitre ».
Cette philosophie de la liberté et de la responsabilité individuelle imprègne le système social du XIXe siècle. Elle postule que chaque individu est responsable de lui-même et doit déployer ses propres efforts pour pallier aux difficultés de l’existence. L’État libéral se refuse à intervenir autrement qu’en encourageant des efforts d’épargne et de prévoyance qui devront venir des individus eux-mêmes. La loi sur les sociétés de secours mutuels (1851) et la création de la Caisse d’épargne (1865) s’inscrivent dans ce courant d’idées, mais elles n’ont aucun impact sur la misère d’une population en état de survie. Ceux qui ne peuvent travailler en raison de leur état de santé, de leur âge ou du chômage n’ont pour seul recours que la bienfaisance ou la philanthropie dont l’organisation est laissée à l’initiative privée.
Du plomb dans l’aile
En 1873, après deux décennies de prospérité, l’économie connaît une récession qui atteint un point culminant en 1885-1886. La théorie du « laisser-faire » social, dont certaines remises en cause émanent déjà de jeunes libéraux « progressistes », d’une petite minorité au sein du parti catholique et d’un mouvement socialiste en pleine structuration, est ébranlée par la violence d’une explosion sociale inattendue. En mars 1886, plusieurs jours d’émeutes et de pillages secouent les régions de Liège et de Charleroi. La colère populaire est réprimée sévèrement par l’armée, mais la bourgeoisie a senti le vent du boulet. Elle ne peut plus fermer les yeux, au nom de la liberté, sur la question sociale, sous peine de voir se lézarder l’ordre et la paix sociale sur lesquels se fonde sa prospérité. Léopold II déclare, dans son discours du trône, le 9 novembre 1886 : « La situation des classes laborieuses est hautement digne d’intérêt et ce sera le devoir de la législature de chercher, avec un surcroît de sollicitude, à l’améliorer. Peut-être a-t-on trop compté sur le seul effet des principes, d’ailleurs si féconds, de liberté. Il est juste que la loi entoure d’une protection plus spéciale les faibles et les malheureux » (4).
À la même époque, l’Allemagne connaît des troubles semblables. Le chancelier Bismarck, désirant contrer l’influence grandissante des socialistes, instaure un système de protection sociale des travailleurs, basé sur le principe de l’assurance et garantissant, sous l’égide de l’État, une protection contre les risques de pertes de revenus en cas de maladie, de chômage, d’invalidité et de vieillesse. Ce système précurseur se heurte toutefois aux traditions libérales belges. S’il est admis que l’État peut désormais remédier aux abus les plus criants engendrés par le système économique, la protection sociale demeure, dans son ensemble, une affaire ressortissant de l’initiative individuelle qu’il conviendra de soutenir et d’encourager.
Ce tournant est abordé prudemment par un parti catholique (au pouvoir de 1884 à 1914) dont le but est avant tout d’apaiser les tensions sociales tout en conservant l’influence qu’il possède au travers de son réseau d’organisations caritatives, de sociétés de secours mutuels, etc. Dans un premier temps, quelques lois parent au plus pressé (le paiement des salaires, 1887 ; le travail des femmes et des enfants, 1889 ; les habitations ouvrières, 1889). Dans un second temps, avec le retour de la prospérité économique et sous la pression croissante d’idées politiques nouvelles, l’État légifère en faveur d’un régime d’assurances privées en matière de pension, d’accident de travail, de chômage, etc. (loi sur les pensions de vieillesse, 1900 ; loi relative à la sécurité dans les entreprises, 1899, loi sur les accidents de travail, 1903).
À la veille de la première guerre mondiale, ce système de protection sociale est toujours basé sur le principe de la libre assurance et géré par une multitude de sociétés de prévoyance mises en place sous l’égide de l’un ou l’autre pilier politique (essentiellement catholique ou socialiste). De ce fait, il laisse sur le carreau les travailleurs les plus démunis et reste soumis aux aléas d’une gestion privée. Le principe de l’obligation est néanmoins introduit partiellement par la première loi relative à la réparation des accidents du travail (1903) et par la loi sur les pensions des mineurs (1911).
L’État régulateur social
Au lendemain de l’Armistice, dans un pays dévasté, la priorité est à la reconstruction de l’économie et au retour de la prospérité. Le maintien de la paix et de la cohésion sociale est primordial et va profiter au mouvement ouvrier qui peut s’affirmer comme une force sociale incontournable. L’adoption du suffrage universel masculin, en 1919, conforte le parti socialiste qui est associé à un gouvernement d’union nationale. Les syndicats connaissent une augmentation spectaculaire du nombre de leurs adhérents et obtiennent l’abrogation de l’article 310 du Code pénal qui entravait la liberté syndicale (1921). Parallèlement aux avancées législatives (loi des huit heures, 1921 ; création du Fonds national d’aide aux caisses de chômage, 1920), l’intégration des représentants du mouvement ouvrier dans un système de concertation sociale se dessine au travers des premières Commissions paritaires instituées par le ministre socialiste Joseph Wauters (1919). Avant la crise et son cortège de régressions, le système des assurances sociales obligatoires connaît encore des avancées. Les pensions de vieillesse deviennent obligatoires pour les ouvriers en 1924 et pour les employés en 1925. Les allocations familiales sont instituées en 1930.
Si la crise économique mondiale de 1929 marque un arrêt momentané dans la construction du système de protection sociale, elle va provoquer, de par son ampleur, un bouleversement dans la manière de concevoir les rapports entre l’État et l’économie. Aux États-Unis, F. Roosevelt lance son New Deal, influencé par les idées qui seront théorisées en 1936 par l’Anglais John Maynard Keynes. Ce dernier ne croit pas aux mécanismes autorégulateurs chers aux économistes libéraux. L’État doit, au contraire, intervenir activement pour soutenir et régulariser l’activité économique. « Les deux vices marquants du monde économique où nous vivons sont que le plein-emploi n’y est pas assuré et que la répartition de la fortune et du revenu y est arbitraire et manque d’équité » (John M. Keynes, Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, 1936).
En Belgique, jusqu’en 1934, les gouvernements qui se succèdent espèrent que la crise se résorbera d’elle-même et se bornent à appliquer une politique déflationniste pour réduire le déficit budgétaire et maintenir coûte que coûte la stabilité du système monétaire. Cette politique fait peser le poids de la crise sur des travailleurs durement frappés par le chômage et accentue le marasme de la consommation intérieure. Dans ce contexte, des voix s’élèvent pour proposer un changement radical de politique, centré sur une relance de la demande et piloté par une intervention plus forte de l’État. Au plus fort de la crise, c’est un économiste influencé par les idées du New Deal américain qui forme un gouvernement d’union nationale : Paul Van Zeeland. Il obtient des pouvoirs spéciaux pour mener un programme de rénovation nationale intégrant certaines des idées prônées par les socialistes (5). « Ce cabinet, formé sous le signe de l’union nationale, entend poursuivre, dans une situation nouvelle, une politique s’inspirant de principes différents de ceux qui ont été mis en avant jusqu’à présent et en assurer la réalisation par des méthodes neuves. Son mot d’ordre est : la rénovation économique du pays » (6). Après avoir appliqué une forte dévaluation du franc belge qui doit permettre la relance des exportations, le gouvernement soutient une politique de travaux publics afin de résorber le chômage et de relancer la consommation. Il se dote également d’instruments lui permettant de superviser l’activité du secteur bancaire et crée plusieurs organismes parastataux de crédit.La politique menée par les gouvernements Van Zeeland préfigure l’État keynésien de l’après-Seconde Guerre mondiale. Un pas supplémentaire est franchi également dans le domaine de la concertation sociale. La grande grève de 1936 provoque la tenue de la première Conférence nationale du travail réunissant représentants de l’État, du patronat et des syndicats. À l’issue de cette conférence, le mouvement ouvrier obtient une série d’avancées importantes (les premiers congés payés, la semaine de 40 heures, une augmentation des salaires et des allocations familiales…).
Bismarck plutôt que Beveridge
En 1939, certains des secteurs qui vont constituer la future sécurité sociale fonctionnent déjà sur le principe des assurances obligatoires : les pensions, les accidents de travail et les maladies professionnelles. Seuls les secteurs maladie-invalidité et chômage sont encore des assurances libres subsidiées. L’idée d’instituer un ensemble coordonné recouvrant l’ensemble des assurances obligatoires est en pourparlers mais ne trouve sa concrétisation qu’en août 1944. Les partenaires sociaux, réunis clandestinement, signent alors le « projet d’accord et de solidarité sociale » qui va donner naissance à une sécurité sociale financée par les travailleurs, le patronat et l’État, et gérée par les partenaires sociaux.
Ce système dit « bismarckien », basé sur la solidarité entre les travailleurs, est l’adaptation logique et pratique du processus entrepris après la première guerre. Il diffère du système de protection sociale élaboré à la même époque par l’Anglais Beveridge, qui repose sur le principe de la citoyenneté et non sur le statut professionnel. Le système beveridgien, adopté par les pays anglo-saxons, couvre l’ensemble de la population (universalité), assure une protection de base que chacun peut compléter au moyen d’assurances privées s’il le désire (uniformité). Tous les risques sont couverts par un système unique, géré par l’État (unicité) et financé par l’impôt.
Le pacte social belge atteste de l’évolution du rapport entre les forces sociales. Pour éviter de connaître à nouveau les affres de la crise économique et les horreurs de la guerre, patronat et syndicats – capital et travail – acceptent de collaborer, dans le cadre d’une économie de marché, sous l’arbitrage d’un État impliqué. « Dans cet esprit, les représentants des deux parties se sont mis d’accord pour demander au gouvernement de prendre, dès le retour du pays à l’indépendance, une série de mesures d’urgence, propres à réparer les misères subies pendant l’occupation par la grande masse des travailleurs salariés, propres aussi à ouvrir la voie à un courant renouvelé de progrès social, découlant à la fois de l’essor économique d’un monde pacifié et d’une équitable répartition du revenu d’une production croissante » (7).
Durant les « Trente glorieuses », tandis que se construit et se complexifie l’édifice de la sécurité sociale (loi sur la gestion paritaire des organismes publics de la sécurité sociale, 1963), la pratique de la concertation s’institutionnalise à tous les niveaux par le biais d’une multitude d’organismes paritaires, consultatifs et autonomes. La loi sur l’organisation de l’économie (1948) jette les bases des Conseils d’entreprises. Le Conseil national du travail est créé en 1952, les conférences nationales du travail sont relancées. Les premières élections sociales se déroulent en 1950, le premier accord interprofessionnel est conclu en 1960. À partir de la fin des années 50, l’État s’investit également dans le champ économique : développement autoroutier, construction d’infrastructures favorisant le développement industriel de la Flandre (ports d’Anvers et de Gand). Il promulgue des lois d’expansion économique (1959, 1966, 1970), institue le Bureau du plan chargé de programmer les objectifs de la production industrielle. Avec la Société nationale d’investissement (SNI), l’État entreprend de mener sa propre politique d’investissement (1962) et accorde un important soutien aux secteurs industriels en difficulté (charbonnages, textile et sidérurgie). L’État providence s’épanouit pleinement durant les golden sixties grâce au développement d’une économie de consommation de masse, axée autour du plein-emploi, de la hausse continue du pouvoir d’achat et des transferts sociaux toujours plus importants autorisés par la croissance des recettes publiques.
Changement de paradigme
À la fin des années 70, la dette publique des États qui appliquent des politiques keynésiennes pour conjurer une crise que l’on croit momentanée, s’emballe. Les dépenses croissent et les recettes fiscales directes et indirectes se réduisent. À partir des années 80, il devient manifeste que la crise est profonde et durable. Elle révèle les profonds changements qui se sont opérés discrètement à l’intérieur du système économique mondial. L’internationalisation des entreprises et la libéralisation financière révèlent l’impuissance de l’État national à remplir son rôle de régulateur économique. L’esprit même du capitalisme change : la priorité est accordée à la rentabilité du capital, et non plus à la croissance des entreprises qui caractérisait les golden sixties et sur laquelle était basé le compromis social-démocrate (lire l’article page suivante). Le rapport de force entre le patronat et les travailleurs bascule alors progressivement en défaveur de ces derniers. En Belgique, la concertation sociale se grippe.
Dans ce contexte, le bien-fondé du rôle régulateur de l’État dans le champ socioéconomique est remis en cause par une école de pensée néolibérale. L’État social est pointé du doigt pour son coût jugé exorbitant et ses rigidités de fonctionnement qui ne répondent plus aux nouvelles « insécurités ». Il est accusé d’interférer dans les fameux mécanismes autorégulateurs du marché, lesquels seraient seuls capables d’enrayer la crise économique. Pour les détracteurs de l’État-providence, celui-ci n’a pu, par ses interventions, ni enrayer la montée du chômage ni celle de l’inflation. De plus, « la plupart des protections sociales sont l’héritage d’une époque révolue, lorsque des compromis sociaux étaient compatibles avec les impératifs du marché » (8).
En Belgique, cette évolution se marque par l’adoption, durant les années 80, de plans d’austérité destinés à bloquer les salaires afin de modérer les coûts salariaux, conjurer l’inflation et relancer la compétitivité des entreprises (9). Dans le même temps et selon la même optique, la législation encourage la flexibilité du travail, le temps partiel, les contrats à durée déterminée, etc. Parallèlement, diverses mesures sont prises afin de conditionner l’obtention des allocations de chômage (limitation des montants pour les cohabitant(e)s, exclusion des chômeurs de longue durée…). D’une manière générale, c’est tout le système de protection mis en place après la guerre qui est accusé de mobiliser trop de ressources et de favoriser la passivité de certains bénéficiaires. On assiste au retour en force du principe de la concurrence et de la compétitivité. Cette obsession touche également le secteur public. Sous l’influence de l’Europe, l’État entreprend de moderniser ses entreprises en les réformant et en déléguant au secteur privé, en tout ou en partie les services aux usagers (les télécommunications, la poste, le transport ferroviaire, l’aviation, etc.). Les instruments d’intervention étatique, sur le plan économique, se réduisent considérablement tandis que, sur le plan social, les nécessités d’intégration dans l’espace européen restreignent les marges de manœuvres.
À la fin du XXe siècle, l’État, violemment critiqué puis, en fin de compte, réhabilité, est à la recherche de nouveaux modes d’intervention adaptés à un contexte économique bouleversé, tout en respectant son héritage social-démocrate. Cette recherche du compromis a donné naissance au concept de la « Troisième voie » en Angleterre, concept qui s’est concrétisé dans la notion d’« État social actif » en Belgique.
Colette Huberty – historienne au CARHOP.
1 Vantemsche G., Les paradoxes de l’État. L’État face à l’économie de marché : XIXe et XXe siècle, Bruxelles, Labor, 1997.
2 Briavoinne N., De L’industrie en Belgique, Bruxelles, 1839, vol. II, p. 119.
3 L’industrie en Belgique, Deux siècles d’évolution, 1780-1980, édité par le Crédit communal de Belgique et la Société nationale de crédit à l’industrie, Bruxelles, 1981, p. 105.
4 Extrait du discours de Léopold II devant les Chambres réunies, 9 novembre 1886.
5 Le plan De Man, adopté par les socialistes en 1933, prônait la nationalisation de divers secteurs économiques, des investissements massifs dans les travaux publics pour contrer le chômage et relancer la consommation. Il proposait également une réforme des structures politiques. Le pouvoir législatif serait réduit à une seule Chambre tandis que le pouvoir exécutif verrait son autonomie renforcée par l’usage des pouvoirs spéciaux.
6 Extrait de la déclaration du premier gouvernement Van Zeeland à la Chambre, le 29 mars 1935.
7 Extrait du Projet d’accord de solidarité sociale, publié dans la Revue du Travail, janvier-mars 1945, p. 10.
8 Castel R., Les métamorphoses de la question sociale, Paris, Fayard,1995, p. 436.
9 Questions d’histoire sociale, CARHOP FEC, Bruxelles, 2005, p. 40.