Photo DossierIls sont mineurs. Ils viennent de l'étranger. Ils ont voyagé vers l'Europe, seuls, dans l'espoir d'y construire une vie meilleure et plus sûre. Sur la route, ils ont bravé de nombreux dangers. Arrivés chez nous, ces MENA, comme on les appelle, vont devoir emprunter un autre type de parcours pas toujours plus simple, celui de l'accueil. Pour illustrer ce sinueux chemin, Youssef, un jeune Syrien de 17 ans, a accepté de raconter son histoire à Démocratie. Elle révèle les manquements des politiques d'asile du gouvernement fédéral.



La migration des enfants n'est pas un phénomène nouveau mais, ces dernières années, le nombre d'enfants ayant pris la route migratoire a fortement augmenté. Quelques chiffres révèlent l'ampleur de la situation en Europe et en Belgique. Selon le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR), plus d'un million de personnes en quête de sécurité et de protection sont arrivées en Europe du Sud par bateau au cours de l'année 2015. Les enfants représentent un tiers de ces arrivées. Un grand nombre d'entre eux étaient non accompagnés ou séparés de leur famille. Entre janvier 2015 et mai 2016, selon Eurostat, ce sont quelques 518.070 demandes d'asile enregistrées qui concernent des enfants en Europe. Parmi eux, 95.975 sont des mineurs étrangers non accompagnés (MENA 1) rien que pour l'année 2015. Au cours des cinq premiers mois de 2016, ils sont 7.567 enfants 2 à avoir fait la périlleuse traversée de la Méditerranée centrale, soit deux fois plus qu'au cours de la même période l'année précédente. Parmi eux, plus de neuf enfants sur dix étaient non accompagnés.

Sur le plan belge, le nombre de MENA enregistrés a également été particulièrement important en 2015. Au cours de cette année, Myria, le Centre fédéral Migration, compte 5.047 3 nouveaux arrivants dont 3.009 candidats à l'asile 4. C'est six fois plus qu'en 2014 où l'on en dénombrait 486. En 2016, les arrivées ont été moins nombreuses mais restent supérieures à ce que l'on a connu au cours de la décennie. Ces jeunes ont généralement entre 15 et 17 ans bien que de plus en plus de très jeunes enfants, âgés de 12 à 14 ans, arrivent chez nous. Parfois même plus jeunes encore...

Quelle réalité se cache derrière ces chiffres impressionnants ? Quel est le parcours de ces jeunes en recherche d'un avenir meilleur en Europe ? Comment se passent l'arrivée et l'accueil des MENA chez nous ? Quelle réponse opérationnelle la Belgique apporte-t-elle pour gérer les arrivées importantes de ces jeunes en situation de grande vulnérabilité ? Youssef 5 est un jeune mineur syrien qui a fui son pays en 2014. Il raconte son exil et le parcours d'accueil en Belgique. Son récit, complété de témoignages d'acteurs de terrain 6, révèle les manquements inhérents au parcours d'accueil pour les MENA et montre l'écart qui existe entre, d'une part, les intentions politiques de les protéger et de garantir l'intérêt supérieur de l'enfant dans toutes procédures qui les concernent et, d'autre part, la manière dont elles sont concrètement appliquées dans la pratique.

Alep. Hiver 2014. La seconde ville de Syrie est déchirée en deux depuis deux ans. D'un côté, les partisans du régime Assad, de l'autre les forces rebelles. La ville est enlisée dans un face-à-face militaire qui rend la vie sur place de plus en plus compliquée, condamnant la population à l'exode. Youssef y habite, avec sa famille. Son quotidien oscille entre le silence du quartier qui se vide de ses habitants et les bombardements assourdissants qui font trembler la ville. En ce mois de février, la situation bascule définitivement. Sur le chemin de la maison, le jeune garçon croise un groupe d'hommes armés. Arrêté, emmené à l'écart dans un bâtiment, il est battu par ses quatre ravisseurs. Il sera finalement relâché plusieurs heures plus tard. Pour ses parents, ce jour-là, la décision est prise. « Nous n'avons plus le choix, nous devons partir. Nous n'avons que quelques jours pour faire nos affaires et quitter le pays. » L'exil commence pour ce garçon âgé alors de 14 ans.

Première escale en Turquie. Youssef et ses deux frères partagent leur quotidien entre des petits boulots et l'école. Une vie qui s'apparente plus à de la survie. Alors, après un an et demi, les trois adolescents décident de s'en aller, vers l'Europe, en espérant y construire un « vrai » futur 7. « Nous étions assis, tous les trois en rang d'oignons dans le canapé. Notre père comprenait notre choix. Notre mère avait le visage fermé, elle refusait de nous voir partir. Elle a finalement accepté quelques jours plus tard mais ce fut un terrible déchirement. »

 



« Les mineurs non accompagnés paient le prix fort d'une politique d'asile européenne caractérisée par la fermeture des frontières et le contrôle militaire. »



Les raisons qui poussent les enfants à prendre la route de l'exil sont multiples. Certains fuient la guerre, l'enrôlement militaire, la violence. Parmi eux, de nombreux Syriens. D'autres tentent d'échapper à la persécution (enfants sorciers, albinos...), à l'excision, aux mariages forcés, aux crimes d'honneur familiaux, ou tout simplement à la misère. Parfois, certains sont mandatés par leur famille pour réussir un projet de vie. Ils voyagent seuls ou avec des groupes de personnes appartenant à la même communauté. Les MENA qui arrivent actuellement en Belgique proviennent essentiellement d'Afghanistan, de Syrie, d'Irak, de Somalie et de Guinée. La plupart sont des garçons (92 %) 8.

Eviter les dangers

Sur la route de la migration, les enfants qui voyagent sans adulte sont confrontés à de multiples dangers, à la fois comme migrant mais aussi comme enfant. La traversée de la mer de la Turquie vers la Grèce fut une redoutable épreuve pour Youssef et son frère. À trois reprises, ils sont tombés du bateau, contraints de nager plusieurs heures pour éviter la noyade. « La première fois, j'ai perdu la trace de mon frère. Nous nagions dans des sens opposés. Il faisait noir. Je ne savais pas s'il était encore en vie. C'est finalement la police turque qui nous a repêchés... Après quelques jours passés au commissariat de police, on a retenté notre chance. Il fallait tout recommencer car la mer avait emporté nos papiers, notre argent... » Selon le UNHCR, en 2015, au moins 850.000 individus (la majorité des nouveaux arrivants en Europe) ont tenté cette traversée de la mer Égée depuis la Turquie vers la Grèce, au péril de leur vie.

Plus loin, en Serbie, le groupe avec lequel Youssef voyageait a été victime de passeurs, censés les acheminer vers la Hongrie. « Ils nous ont emmenés dans un endroit reculé. Nous avons entendu des gens se plaindre et puis une détonation. Ils nous ont dit qu'ils allaient tout nous prendre, notre argent, nos affaires, y compris des parties de notre corps. Même les plus grands d'entre nous tremblaient de peur et pleuraient. »

Les enfants qui migrent seuls sont une proie facile pour les réseaux de traite d'êtres humains qui cherchent à les embrigader dans le travail forcé ou la prostitution. En Europe, de nombreux jeunes disparaissent, victimes de ces réseaux. Selon Europol, on estime à 10.000 le nombre d'enfants migrants ayant disparu en 2015. Une autre cause de disparition, selon Missing Children Europe, est liée à la longueur et la complexité des procédures légales pour rejoindre un membre de la famille habitant en Europe. Découragés, certains enfants préfèrent se débrouiller seuls. Ils font alors l'expérience traumatisante de la rue, de la faim, de la solitude, du froid, de la peur et des mauvaises rencontres.

Les mineurs non accompagnés paient ainsi le prix fort d'une politique d'asile européenne caractérisée par la fermeture des frontières et le contrôle militaire. Ce contexte politique de fermeture les conduit à courir le risque de la condamnation à l'errance ou de l'exploitation sexuelle et économique (travail forcé, réseau de drogue, vols d'organes, mariages forcés...) et les expose à une vulnérabilité encore plus importante que celle liées à leur situation de départ.

Belgique : terre d'accueil ?

Les violences rencontrées dans le pays d'origine et/ou sur les routes migratoires ont inévitablement un impact sur la santé mentale et physique des jeunes MENA. Ils échouent en Belgique dans un état d'extrême vulnérabilité. « Les centres d'accueil témoignent de plus en plus de la situation dramatique de ces enfants », explique Katja Fournier de la plateforme Mineurs en exil. « Ils disent être face à des jeunes qui sont comme des morts vivants tellement ils ont été détruits humainement et psychologiquement. » Cette situation exige plus que jamais des besoins de protection accrus et la mise en place d'accompagnements spécifiques qui tiennent compte de la multiplicité des situations (origine, âge, sexe, motif de l'exil, vulnérabilité...). Le défi n'est pas moindre car le nombre d'enfants concernés par les parcours violents et les vulnérabilités spécifiques 9 est en forte augmentation ces dernières années, passant de 5 % à 22 % des jeunes demandeurs. Une problématique qui complexifie l'accueil quand on sait qu'ils sont plus d'un millier d'enfants à avoir besoin d'un encadrement rapproché et qu'il n'y a que quelques centres en Belgique qui ont les moyens humains et financiers d'assurer ce type de prise en charge.

Si arriver en vie chez nous relève de l'exploit, comprendre ensuite le système d'accueil belge et s'y adapter n'en est pas moins une gageure. La complexité de la situation des MENA (âge, traumatismes, angoisse de l'avenir, barrage de la langue, codes culturels...) mêlée à celle du système d'accueil débouche sur un ensemble de problématiques pouvant être ressenties comme de nouvelles formes de violence. Le test d'âge que subissent certains jeunes est un premier contact difficile avec des procédures d'accueil parfois vexatoires. Les enfants migrants dépendent des législations sur l'immigration et l'asile mais aussi de celles sur la protection de l'enfance 10. À ce titre, ils jouissent de droits spécifiques au niveau de l'accueil : assistance d'un tuteur, hébergement en centre adapté, scolarité gratuite, aide du CPAS, accès aux soins de santé. Pour s'assurer de l'âge du requérant en cas de doute, un test médical est dès lors organisé : triple test osseux du poignet, une radiographie de la clavicule et un test de la dentition. Ceux qui sont déclarés majeurs au terme de la procédure de détermination de l'âge se voient exclus de l'hébergement et de l'aide administrative. Or les résultats de ces tests ne sont pas toujours fiables. Ils s'appuient en effet sur un atlas établi dans les années 1930 à partir d'une population américaine, blanche, de classe moyenne. Ils donnent une estimation de l'âge et depuis peu, la marge d'erreur qui était appliquée aux résultats a été supprimée, explique un travailleur social dans un Centre d'Observation et d'Orientation (COO) de Fedasil. « Il y a des mineurs qui sont injustement reconnus majeurs et qui se retrouvent à la rue. » De plus, dans 90 % des cas, c'est l'Office des étrangers qui émet le doute, sans même devoir motiver sa décision, ce qui pose question vu son intérêt à limiter le nombre de reconnaissance de mineurs. Il pourrait y avoir un risque, selon les acteurs de terrain, d'utiliser ces tests comme un outil de gestion des entrées sur le territoire belge.

Manquements de l'accueil

Youssef n'a pas connu le test d'âge mais son histoire fait émerger d'autres problématiques liées à l'accueil. Arrivé sur le sol belge après un périple de 2 mois, en pleine crise de l'accueil (fin 2015), il se présente à l'Office des étrangers pour se faire enregistrer (étape permettant de démarrer la procédure d'accueil). C'est la file, le bureau est inondé de monde. Malgré son statut, il n'obtient une convocation que plusieurs jours plus tard. En attendant, n'ayant pas encore d'accès au droit à l'accueil, il dépend d'initiatives de charité privée pour éviter de se retrouver à la rue. Youssef a été hébergé par un hôtelier de Bruxelles, le temps de procéder à son enregistrement.

Conformément à la procédure d'accueil appliquées aux MENA, le Service de Tutelle lui attribue un tuteur, représentant légal et le dirige ensuite vers un COO. C'est la première étape de l'accueil consistant à identifier les éventuelles vulnérabilités du jeune. Il y passe une quinzaine de jours avant de rejoindre le centre Fedasil de Florennes. L'hébergement en structure collective est la deuxième étape du parcours dont l'objectif est de construire avec le jeune et son tuteur un projet de vie. Il y séjourne 3 mois, dans la section des adultes, jusqu'au jour où on lui annonce son transfert dans un autre centre, près de Beauraing. « On est venu me trouver dans ma chambre. On m'a dit de prendre mes affaires parce que je partais dans un autre centre. Je ne comprenais pas. L'assistante sociale qui s'occupait de moi n'était pas au courant et quand elle a voulu s'informer sur les motifs de mon départ, on lui a dit que cela ne la regardait pas ». Youssef sera ensuite hébergé sept mois sous tente, de nouveau avec des adultes, en attendant une place dans la section réservée aux MENA. En cause, le déficit de places spécifiques pour MENA obligeant certaines catégories de jeunes (ceux dont l'âge était contesté et ceux jugés suffisamment mûrs) à séjourner dans des places d'accueil parmi les adultes, et dans des emplacements de fortune... Des lieux totalement inadaptés à leurs besoins (repères stables, cadre structurant et positif, hors des tensions communautaires...) et sans aucun suivi individualisé. La reconstruction de soi est difficilement réalisable dans un tel contexte d'autant que l'intégration dans une école, avec des pairs n'est pas automatique. Youssef a attendu plusieurs mois avant de rejoindre les bancs d'une école. Car là aussi les places dans les dispositifs scolaires spécifiques aux MENA sont manquantes...


« Les mineurs non accompagnés paient le prix fort d'une politique d'asile européenne caractérisée par la fermeture des frontières et le contrôle militaire. »



Malgré ce démarrage chaotique, le parcours de Youssef se termine plutôt bien puisqu'il débouche sur une reconnaissance juridique et un hébergement dans une Initiative locale d'accueil (ILA) où il vit en semi-autonomie : une structure d'accueil plus petite qu'il partage avec d'autres jeunes de Syrie et d'Afghanistan. Entouré d'une équipe de professionnels, Youssef profite de ce moment pour renouer avec ses projets d'avenir. Mais cette ultime étape du parcours d'accueil n'est pas nécessairement facile à vivre pour tous les MENA. « Lorsque les jeunes arrivent en phase de pré-autonomie, ils ne savent généralement pas ce qui les attend. Il n'y a pas d'articulation prévue entre les différentes phases de l'accueil. De plus, certains jeunes ont parfois été transférés sept à huit fois avant d'arriver chez nous » explique Catherine Henrotte, coordinatrice du projet Youth in Transit-Liège mené par l'ONG Caritas International en partenariat avec Fedasil. « Ils ont le sentiment de tout recommencer une énième fois avec une nouvelle équipe, dans un nouvel environnement, une nouvelle école... Malgré une résilience énorme, le nombre d'obstacles et de difficultés rendent la construction d'un projet futur très compliquée, surtout dans les temps impartis, limités la plupart du temps à 6 mois. » Clémentine Robinet, assistante sociale dans une ILA, ne contredit pas le constat. « Le placement en ILA peut, en effet, être vécu comme un déracinement supplémentaire et un effort d'intégration à réitérer, avec la difficulté dans certains cas d'une distance importante entre le lieu d'hébergement et l'école où le jeune poursuit sa scolarité, ce qui ne facilite pas son intégration dans son nouvel environnement. » Ces multiples ruptures couplées aux incertitudes quant à l'aboutissement de leur demande d'asile, découlent sur de nouvelles souffrances et renforcent ainsi leur vulnérabilité.

 La « Justice migratoire » est en marche !

Les coupoles CNCD - 11.11.11 et diverses associations, dont Solidarité Mondiale (ONG du MOC), lancent leur nouvelle campagne sur la « Justice migratoire ». Le but est de mobiliser collectivement pour faire face à la situation insupportable que vivent actuellement des milliers de migrant-e-s.

Aux yeux de l'opinion publique, le migrant est vu comme un problème, un profiteur, une menace, et non comme une opportunité. Les politiques actuelles de répression et de criminalisation des personnes migrantes ne font qu'amplifier ce sentiment et l'expression publique du rejet de l'autre. Et pourtant, les migrant-e-s contribuent aussi à l'économie des pays d'accueil. Les migrations sont un fait universel dont il faut pouvoir tirer parti. La lutte contre les préjugés envers les migrant-e-s sera donc un axe prioritaire du travail de sensibilisation. C'est une bataille des idées qu'il faut mener ; un autre discours que celui de la crainte qu'il faut produire ! Ainsi, la rencontre de celui qui nous parait « différent » sera l'outil de campagne le plus approprié pour faire tomber nos propres frontières.

La campagne « Justice migratoire » est aussi un combat collectif en faveur du respect et de l'égalité des droits : droit de vivre dignement où on le souhaite, droit à la santé, au travail décent, à la protection sociale ou à la protection tout court... En outre, la campagne vise à dénoncer et faire condamner l'exploitation économique ou politique des migrants.

Une autre dénonciation portée par cette campagne est la tendance à instrumentaliser l'aide au développement, qui est un mécanisme de solidarité internationale, pour en faire une conditionnalité ou un instrument de lutte contre les migrations dans les pays bénéficiaires. Si l'aide s'oriente prioritairement vers les pays d'émigration, on risque de laisser de côté les pays les plus pauvres. #

Dieudonné Wamu Oyatambwe, Solidarité Mondiale (WSM)


Inquiétudes à l'horizon

Aujourd'hui, l'urgence est passée. Les demandes sont moins nombreuses et on ne peut contester que formellement chaque MENA identifié a une place d'accueil. « Mais les conditions d'un accueil de qualité ne sont absolument pas remplies », soutient Katja Fournier. Des travailleurs sociaux témoignent de faits de violence dans certains centres d'accueil (pratiques de prostitution, tentatives de suicides...), il y a un manque d'interprètes, un manque de psychologues spécialisés dans les problématiques vécues par les jeunes, un manque de continuité et de cohérence entre les phases de l'accueil, un manque de temps pour travailler à l'autonomie du jeune.

Les moyens humains et financiers qui sont octroyés à ce secteur ne sont pas suffisants pour permettre la mise en place d'un accompagnement psychologique et social optimal des MENA. Les travailleurs sociaux sont obligés de consacrer moins de temps qu'ils ne le voudraient à les encadrer. Parfois cela rajoute une violence institutionnelle à leur parcours déjà éprouvant. Une violence qui s'exerce malgré la volonté des travailleurs sociaux désireux de faire un travail d'accompagnement constructif. Contraints d'exécuter une politique d'accueil qu'ils ne cautionnement pas, ils en arrivent à développer une vision négative d'eux-mêmes en tant que professionnel. Et le mal-être qu'ils éprouvent n'est absolument pas pris en considération. Ils balancent ainsi entre la survie personnelle et la volonté d'aider les jeunes pour passer de la survie à la vie. De plus en plus de témoignages anonymes de cette difficulté sont ainsi récoltés par la Plateforme Mineurs en exil.

Dans ce contexte, le plan de réduction des places d'accueil mené depuis 2016 par le gouvernement MR/N-VA visant à ajuster « l'offre » à la « demande » en diminution ne risque pas d'améliorer la situation. Cette décision prise sans concertation avec l'ensemble du réseau d'accueil et qui affecte les petites structures plus adaptées aux besoins des jeunes a été dénoncée par Myria. Celle-ci rappelle « qu'il est essentiel de conserver une capacité de places de qualité, tant au regard du caractère imprévisible de la migration que des standards qualitatifs que l'on peut attendre de la Belgique en termes d'accueil. Accueillir des demandeurs d'asile ne consiste pas seulement à leur offrir " du pain, un lit et une douche ", mais aussi à fournir un accompagnement social, psychologique et juridique de qualité » 11. L'enjeu est important car si l'accompagnement de ces MENA ne peut s'effectuer correctement, cela aura inévitablement des répercussions sur leur intégration dans notre pays et finalement sur l'ensemble de la société. #



1. Un MENA est défini comme toute personne de moins de dix-huit ans, non accompagnée par une personne exerçant l'autorité parentale ou la tutelle, ressortissante d'un pays non membre de l'Espace économique européen (EEE), et étant dans une des situations suivantes : soit, avoir demandé la reconnaissance de la qualité de réfugié ; soit, ne pas satisfaire aux conditions d'accès au territoire et de séjour déterminées par les lois sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. Depuis 2014, la définition a été élargie aux MENA ressortissant de l'EEE et de la Suisse mais ceux-ci ne bénéficient pas des mêmes droits.

2. Chiffres de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM)

3. MYRIA, La migration en chiffres et en droits, 2016

4. Tous les MENA ne sont pas demandeurs d'asile. Parmi eux, un nombre important est envoyé en Belgique pour travailler ou étudier. Ceux qui cherchent refuge chez nous et qui viennent d'un pays non prioritaire en termes de reconnaissance savent qu'ils n'auront aucune chance d'obtenir le statut de réfugié. Ils choisissent alors parfois la clandestinité. Dans ces cas, leur situation est encore plus précaire que celle des MENA qui suivent le parcours d'accueil.

5. Prénom d'emprunt.

6. Témoignages récoltés lors d'une réunion du groupe de travail « Politique de l'enfance » du MOC consacrée à un état des lieux de l'accueil des MENA en Belgique.

7. L'aîné des frères a choisi de partir en Allemagne. Youssef et son autre frère ont mis le cap vers la Belgique.

8. Chiffres du Commissariat général aux réfugiés et apatrides

9. Victimes potentielles de traite des êtres humains, problèmes psychologiques, traumatismes multiples, jeune âge...

10. L'obligation de tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant est inscrite dans différents textes émanant des conventions internationales, du droit européen et de la Constitution belge.

11. MYRIA, Migrations, c'est maintenant que nous écrivons l'histoire, communiqué de presse, 12/07/2016.




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