J’avais décidé de vous parler d’un homme. D’un gars de chez nous. De Wallonie. Ce village d’irréductibles Gaulois. Un type capable de résister à l’envahisseur flamand, belge, européen, canadien. Un super-héros. J’avais envie de vous vanter ses mérites. Le mérite d’avoir redonné un sens au mot démocratie. D’avoir écouté ses citoyens. D’avoir osé dire NON à un monde à la botte des multinationales. D’avoir bloqué le CETA pendant deux petites semaines. Quel courage ! On aurait dit Alexis Tsipras quand il résistait à la Troïka. Tsipras ? Oui, le même qui a fini par céder face au rouleau compresseur des diktats européens. J’avais donc envie de vous parler de ce héros régional des temps modernes, ce Paul qui, lui, n’a (presque) pas flanché. Enfin, seulement à quelques virgules près... Ce n’est qu’un homme, finalement. L’Histoire jugera si, oui ou non, son combat aura répondu aux espoirs. Pas si sûr. Du coup, je préfère vous parler d’un autre petit gars. Il n’a pas vraiment de nom. Il a plus ou moins 16 ans. Il est seul. Il n’a plus dormi depuis un an dans un vrai lit. Son pain quotidien, c’est un bol de soupe. Sa maison, quelques cartons. Son village, c’était une jungle d’irréductibles. À Calais. Quelques mois plus tôt, il avait traversé la Méditerranée sur un rafiot. Un héros, quoi. Un vrai. En Érythrée, chez lui, c’est comme ça qu’on l’appelle. Il s’apprêtait à rejoindre sa Terre promise : l’Angleterre. Il croyait son rêve presque atteint. Las, il est monté dans un car dont les sièges étaient recouverts de plastique. Il ne connait pas sa destination. Son combat continue. L’Histoire s’en souviendra-t-elle ? Rien n’est moins sûr. #